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Kant

La conscience

"Tout homme a une conscience et se trouve observé, menacé, de manière générale tenu en respect (respect lié à la crainte) par un juge intérieur et cette puissance qui veille en lui sur les lois n'est pas quelque chose de forgé (arbitrairement) par lui-même, mais elle est inhérente à son être. Elle le suit comme son ombre quand il pense lui échapper. Il peut sans doute par des plaisirs ou des distractions s'étourdir ou s'endormir, mais il ne saurait éviter parfois de revenir à soi ou de se réveiller, dés qu'il en perçoit la voix terrible. Il est bien possible à l'homme de tomber dans la plus extrême abjection où il ne se soucie plus de cette voix, mais il ne peut jamais éviter de l'entendre." 

Le sujet

Posséder le Je dans sa représentation : ce pouvoir élève l'homme infiniment au-­dessus de tous les autres êtres vivants sur la terre. Par là, il est une personne ; et grâce à l'unité de la conscience dans tous les changements qui peuvent lui sur­venir, il est une seule et même personne, c'est-à-dire un être entièrement différent par le rang et la dignité, de choses comme le sont les animaux sans raison, dont on peut disposer à sa guise, et ceci même lorsqu'il ne peut pas encore dire le Je, car il l'a cependant dans sa pensée : ainsi toutes les langues, lorsqu'elles parlent à la première personne, doivent penser ce Je, même si elles ne l'expriment pas par un mot particulier. Car cette faculté (de penser) est l'entendement.

Il faut remarquer que l'enfant, qui sait déjà parler assez correctement, ne commence qu'assez tard (peut-être un an après) à dire je ; avant, il parte de soi à ta troisième personne (Charles veut manger, marcher, etc.) et il semble que pour lui une lumière vienne de se lever quand il commence à dire je ; à partir de ce jour, il ne revient jamais à l'autre manière de parler. Auparavant il ne fai­sait que se sentir; maintenant il se pense.
Kant, Anthropologie du point de vue pragmatique (1798)

La liberte

"L'homme est un animal  qui lorsqu'il vit parmi d'autres membres de son espèces, a besoin d'un maître. Car il abuse à coup sûr de sa liberté à l'égard de ses semblables ; et quoique en tant que créature raisonnable il souhaite une loi qui pose les limites de la liberté de tous, son inclination animale égoïste l'entraîne cependant à faire exception pour lui-même quand il le peut. Il lui faut donc un maître pour briser sa volonté particulière, et le forcer à obéir à une volonté universellement valable, par là chacun peut être libre. Mais où prendra-t-il ce maître ? Nulle part ailleurs que dans l'espèce humaine. Or ce sera lui aussi un animal qui a besoin d'un maître. De quelque façon qu'il s'y prenne, on ne voit pas comment, pour établir la justice publique, il pourrait se trouver un chef qui soit lui-même juste, et cela qu'il le cherche dans une personne unique ou dans un groupe composé d'un certain nombre de personnes choisies à cet effet. Car chacune d'entre elles abusera toujours de sa liberté si elle n'a personne, au-dessus d'elle, qui exerce un pouvoir d'après les lois."

Nature / Culture  

"Le dernier progrès que fit la raison, achevant d'élever l'homme tout à fait au-dessus de la société animale, ce fût qu'il comprit (obscuré­ment encore) qu'il était proprement la fin de la nature1, et que rien de ce qui vit sur terre ne pouvait lui disputer ce droit. La première fois qu'il dit au mouton : "La peau que tu portes, ce n'est pas pour toi, mais pour moi que la nature te l'a donnée", qu'il lui retira et s'en revêtit, il découvrit un privilège, qu'il avait, en raison de sa nature, sur tous les animaux. Et il cessa de les considérer comme ses compagnons dans la création, pour les regarder comme des moyens et des instruments mis à la disposition de sa volonté en vue d'atteindre les desseins2 qu'il se propose.

Cette représentation implique (obscurément sans doute) cette contrepartie, à savoir qu'il n'avait pas le droit de traiter un autre homme de cette façon, mais qu'il devait le considérer comme un associé parti­cipant sur un pied d'égalité avec lui aux dons de la nature."

(1. la fin: le but.     2. les desseins: les projets.)