Découverte de la philosophie
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La croyance

Introduction

1. Les differentes religions 

2. Analyse de la notion

3. Les croyances non religieuses

4. Les déviations religieuses : de la foi à la superstition

5. Importance socio-politique du phénomène religieux

6. Les critiques anti-religieuses

Introduction

Définition :

Une croyance est un ensemble de représentations ou d'idées auxquelles un sujet donne son adhésion parce qu'il les tient pour "vraies" c'est à dire conformes au réel.

La notion de croyance se scinde en deux volets : Le contenu de la croyance et l'adhésion du sujet ou la foi.

Le contenu de la croyance

 Les objets de croyance sont en réalité infiniment variés. Des petits lutins qui peupleraient nos forêts, à l'idéal de justice universelle, il existe tous les objets possibles et tous les degrés d'altitude. Sont objets de croyance :

Les sensations (je crois ce que je vois), les imaginations, les préjugés, les superstitions, les rumeurs, les opinions diverses, les illusions(je crois que ce que je désire existe réellement), les mythes, les explications religieuses du monde, les idéologies politiques…

Les valeurs comme la beauté, le bien, le progrès, l'égalité …et même la vérité.

Les hommes eux-mêmes. On peut croire en un individu particulier, en sa valeur, en sa sincérité.

La construction du verbe croire varie en fonction des contenus de la croyance : croire, croire que ..., croire en …, croire au …

Croire ses parents,  croire le gourou, croire son maître Platon, croire que la terre est plate, que les chats noirs portent malheur, croire en Dieu, croire en Satan, croire en Hitler, en l'homme, en l'art, en la vie éternelle, croire au Père Noël, croire au miracle…

Et même paradoxalement croire en la science ! (Cf. la secte des Raéliens).

Comment classer les croyances ?

Il existe toute une hiérarchie des contenus de croyances. Il existe  des croyances qui nous paraissent absurdes, d'autres plus acceptables, d'autres enfin tout à fait légitimes comme celle de croire en la dignité humaine. L'on pourrait être tenté d'opérer une classification par ordre d'importance ou de valeur.  Mais quel critère choisir qui ne relève pas  lui-même de la croyance ? Tout le monde sait bien que l'on classe dans les superstitions les croyances qui sont étrangères aux nôtres ! 

L'adhésion du sujet au contenu de sa croyance ou la foi.

Ce lien du sujet à l'objet de sa croyance relève plus du registre affectif que du registre intellectuel. Il se caractérise d'une part par une absence ou un degré peu élevé du filtre critique et par une intensité psychique qui se projette sur le contenu de la croyance.

Le filtre critique : Le sujet qui croit, fait confiance à son intuition, selon laquelle le contenu de sa croyance est vrai. Du coup, il accepte que sa croyance puisse échapper à toute vérification ou preuve. Pour lui la raison n'explique pas  tout. Il y a de l'irrationnel et il y a accès par sa foi. Cf. Pascal.

Or c'est précisément ce qui oppose traditionnellement la croyance à la science !

La science appartient au domaine du rationnel, du vérifié, du prouvé, du vraisemblable. 

Elle exige l'exercice permanent d'une activité critique, c'est à dire d'un filtre logique.

Certes, tous les croyants ne sont pas "crédules", c'est à dire sans aucun esprit critique, mais en dernière analyse, le fait que le contenu de leur croyance ne soit pas explicable rationnellement ni vérifiable, ne constitue pas  en soi un obstacle à leur foi.

L'intensité de la foi

Dans le phénomène de l'adhésion, le lien qui existe entre le sujet et l'objet de sa croyance est beaucoup plus affectif qu'intellectuel, même si le "croyant", dans n'importe quel domaine,  essaie de le justifier intellectuellement. Dans la foi, l'intensité psychique que le sujet concentre et projette sur l'objet de sa foi lui donne une aura, un relief, une force qu'il assimile à une certitude, à une conviction donc à une "vérité". En se référant à Freud, on pourrait dire que la foi est une sorte de relation d'amour sublimé à l'objet de la croyance. La foi peut prendre la forme d'une passion. Beaucoup d'hommes sont allés jusqu'à sacrifier leur vie pour témoigner de leur foi. (Les scientifiques n'éprouvent guère ce besoin ! Voir Galilée).

Cette fantastique énergie du "croyant" lui donne  une valeur de témoin exemplaire, un rayonnement, un charisme qui le rendent "fiable" aux yeux des autres et consolident son influence à travers le prosélytisme. On croit en un homme de foi, donc en ses croyances, et c'est le plus souvent de cette manière que les croyances se diffusent. Chacun devient à son tour un témoin et les croyances s'allument les unes aux autres par la communion des psychismes. 

Mais pourquoi s'attacher si fort à un objet de croyance ?  Quels besoins la croyance comble-t-elle ? Le besoin de certitude ? de repères ? de merveilleux ? de toute puissance ? d'immortalité ? ou tous les besoins à la fois ? Le plaisir de croire (et même celui de "faire semblant de croire") n'est-il pas  lié à une satisfaction imaginaire ou sublimée du désir ? Voir le succès de Harry Potter et celui du Seigneur de Anneaux qui réveillent chez l'homme moderne les antiques  croyances à la magie.

Nos croyances  personnelles ne sont-elles pas le reflet de nos besoins secrets les plus importants ?

Dans le cours qui suit nous examinerons quelques aspects de la croyance, d'abord la croyance religieuse et ses déviations superstitieuses, les négations de la religion (dans l'athéisme) qui peuvent être aussi des croyances, les croyances des sectes, et la mentalité magique.

La croyance

La foi se manifeste à travers le phénomène religieux.

La religion est un phénomène social universel.

J. Monod, dans son livre, le Hasard et la nécessité, explique ce caractère universel de la religion par la sélection. Un peuple religieux est animé d'une foi qui donne un sens à sa vie. La foi éradique son angoisse et dynamise ses énergies. Il a donc nécessairement plus de courage, de force et plus de cohésion qu'un peuple sans religion. Il résiste mieux dans le combat pour la vie. Ce sont les peuples religieux qui ont triomphé dans l'évolution historique.

La foi religieuse peut aider l'homme à atteindre les cimes de son être, à se dépasser lui-même dans la bonté et la générosité absolue, à trouver la paix et le bonheur intérieur, bref le tirer vers le haut. La religion peut aussi le mutiler, servir d'exutoire et d'excuse à sa perversité et l'entraîner vers le bas.

Au XXI°, plusieurs tendances contraires se dessinent dans le monde :

1- Une perte de vitesse des religions traditionnelles, et une désacralisation de la vie en général.

2- Une montée en flèche de l’islam et du bouddhisme en Orient et en Occident. Une montée en flèche du christianisme en Afrique.

3- L'apparition de comportements "religieux" qui déplacent le sacré vers des idéologies politiques, (la "religion" communiste), des objets, (l'automobile, son salon, ses rites), voire réinventent leur "sacré" dans des sectes.

Une religion se définit par :

1. L'adhésion à un ensemble de croyances (formulées sous forme de doctrines ou de dogmes) en un monde surnaturel :  la foi.

2. Le respect d'une morale :  la loi.

3. La pratique de rites collectifs.

4. L'appartenance à une communauté.

Problématique  

Le besoin de croire traduit-il l'immaturité de l’homme Celui-ci est-il à ce point inachevé, infantile, non autonome qu'il ait besoin d'un père idéal ? Ou bien ce besoin traduit-il sa conscience d’une dimension supérieure, d’une transcendance, d’un absolu qui le dépasse ? Est-il l'expression de sa perfectibilité ? La religion permet-elle à l’homme de progresser, développe-t-elle sa dignité, son sens moral, sa responsabilité, lui ouvre-t-elle un espace de liberté ? Les hommes de foi ou religieux témoignent-ils d'une expérience originale et sincère, ou bien sont-ils les complices d'une manipulation du sacré ? La religion ne mutile-t-elle pas l'homme en l'aliénant ? La foi peut-elle déraper vers la superstition et alimenter le fanatisme ? Le refus de la religion traduit-il une incompréhension de la spiritualité, un orgueil narcissique d’une conscience qui se prend pour le centre du monde ? Ou bien exprime-t-il une volonté de lucidité et du courage ? La science et la philosophie peuvent-elles remplacer la religion ? Ou bien la religion a-t-elle sa spécificité ? Est-elle un phénomène irréductible ?

Quelle est l'origine de la religion ?

A. Selon les anthropologues, après la découverte du feu, une brèche s'ouvre sur le monde invisible. En effet, la modification du rythme du sommeil a fait entrer l'homme dans le sommeil paradoxal, et donc dans un autre type de rêve plus complexe. Le remaniement du passé met en scène, comme s'ils étaient vivants, des proches décédés depuis longtemps. D'où la possibilité, pour les vivants, de croire que les esprits des morts reviennent "vraiment" les visiter. Il faut donc respecter les morts, par des gestes symboliques : les rites funéraires apparaissent. Ils ont sans doute pour fonction d'apaiser, d'apprivoiser l'esprit des morts, voire d'implorer leur protection. La crainte de la mort serait sans doute à l'origine de la croyance en général et des cultes.

B. Selon les psychologues, les croyances religieuses trouveraient leur sources dans les mécanismes psychiques. La religion serait le résultat de la projection de désirs non satisfaits

C. Selon les religieux, toute religion prend sa source dans une expérience mystique :
Un contact soudain avec une présence puissante, lumineuse, aimante. Expérience unique,
extraordinaire, bouleversante, vécue comme une révélation, transmutant la vie du sujet, et laissant une empreinte indélébile dans son esprit. Elle relève de l'ineffable.

Lorsque l'on parle de religion, deux questions se posent immédiatement :

1. De quelle religion s'agit-il ?

En dehors des cinq grandes religions (= celles qui comptent le plus d'adeptes), hindouisme, judaïsme, bouddhisme (qui au début n'est pas une religion), christianisme et islam, il existe des milliers d'autres religions dans le monde.

2. Quel est le plan considéré ?

En effet le phénomène religieux est protéiforme. Il se manifeste à plusieurs niveaux :

a. Plan spirituel, (monde intérieur) : la religion est l'expression d'une expérience mystique, rencontre personnelle avec le sacré, élan vers le divin, tension vers un dépassement vertical de soi-même, d'une foi authentique. Ce niveau correspond à ce que Bergson appelle "religion dynamique".

b. Plan psychologique : la religion imprime une manière de penser, de sentir et de vivre. Elle s'enracine dans le psychisme. Elle fait partie du tissu  individuel et collectif.

c. Plan social, (monde extérieur) : la religion est une institution avec ses dogmes, ses rites, ses cultes, ses traditions, ses monuments, ses lois. "Religion statique" selon Bergson.

Selon le plan considéré, il est clair que toutes sortes de déviations, perversions et pathologies peuvent dériver du phénomène religieux ou se greffer sur lui. Nous en parlerons plus loin.

1. Les differentes religions 

Il existe cinq "grandes" religions dans le monde. Elles décrivent avec des mots différents des  expériences "mystiques" voisines. Il n'est pas question de les étudier ici. Ce qui nous intéresse, c'est le phénomène religieux dans son ensemble. Néanmoins résumons succinctement ce qui les caractérise.

L'Hindouisme vient du brahmanisme, religion fondée sur le texte des Upanishads. Il existe un Soi universel (Brahman) auquel la conscience individuelle (Atman) peut se relier, à condition d'appartenir à la caste supérieure, celle des prêtres, les brahmanes, et de respecter le dharma (= la loi de l'univers et la morale). L'hindouisme part de ces croyances et ajoute un panthéon de divinités qu'il considère comme manifestations de LA divinité unique Brahman. L'hindouisme est un polythéisme apparent qui exprime en réalité un monothéisme ! D'abord, il existe trois dieux principaux : Brahma, Vishnou, Shiva, et ensuite des centaines de divinités subalternes. Les formes de la piété sont très nombreuses et variées.

Le Judaïsme est une religion fondée sur le livre : la Bible. Elle affirme l'existence d'un Etre suprême, unique (monothéisme), qui a créé le monde et le gouverne avec bonté et justice. Ce Dieu, Yahvé, a choisi le peuple d'Israël, les Hébreux, pour se manifester par la parole. Le prophète est l'intermédiaire entre Dieu et son peuple. Moïse est le premier prophète et le fondateur de la religion juive. Dieu s'est révélé à lui sur le mont Sinaï, et lui a donné les "tables de la loi" (= les dix commandements). D'autres prophètes, Isaïe, Jérémie, Ezéchiel…complètent l'enseignement de Moïse. L'Ancien Testament est le récit de l'histoire du peuple d'Israël et de ses révélations. L'alliance avec Dieu se réalisera au moment où le Messie (= "celui qui est oint du Seigneur"), apparaîtra. 

Le Bouddhisme, à l'origine n'est pas une religion. Bouddha (V° avant J.C.) est un homme qui a vécu une expérience intérieure qu'il appelle "illumination". Celle-ci lui apporte la solution du problème de la souffrance universelle, et lui révèle les moyens de s'en libérer. Bouddha est d'abord un sage et un psychothérapeute ! Il insiste sur l'éveil de la conscience, la "justesse" des actions et des pensées, le détachement par rapport aux désirs, le renoncement à l'ego, la compassion universelle, etc. Bouddha n'est pas un dieu, il enseigne que chaque homme a en lui la possibilité de faire la même expérience que lui. Il a simplement indiqué la voie, celle du "milieu". Mais dés sa mort, il a été quasiment déifié par le peuple, et le bouddhisme est devenu une religion, avec ses croyances et ses rituels. Chaque culture l'a adapté à ses croyances et à ses coutumes... 

Le christianisme est une religion fondée sur la personne du Christ. Celui-ci a été reconnu, après sa "résurrection", par un petit groupe de Juifs, comme le Messie annoncé par les prophètes d'Israël. Pour les Chrétiens, le Christ est Dieu lui-même, s'incarnant et entrant dans l'histoire. L'Evangile, (= "bonne nouvelle"), propose d'offrir à l'humanité tout entière, une alliance avec Dieu, fondée sur l'amour et non plus sur la crainte. Chaque homme est appelé à y répondre en toute liberté, à travers un engagement personnel.

L'Islam est une religion fondée sur le Coran, qui contient les révélations faites par Dieu à Mahomet (Mohamed), (VII°), par l'intermédiaire de l'ange Gabriel. Dieu, Allah, est souverain,  transcendant, unique, "clément et miséricordieux". L'entrée dans la vie spirituelle exige le respect d'un morale parfaite : pauvreté, repentir, ascèse, piété, patience, humilité, crainte, espérance, amour, extinction de l'ego, contemplation du divin, et la pratique de rites, (ramadan, pèlerinage à la Mecque, etc.). 

Chacune de ces religions se ramifie et se subdivise en de nombreux courants religieux qui se nomment aussi "religion".

2. Analyse de la notion

1. Etymologie :

Le mot "religion" aurait une double étymologie :

- Religere signifie "relier". Ici il s'agirait d'un lien vertical avec le sacré, et d'un lien horizontal des hommes entre eux.

- Religio signifie "respect, vénération, sacré, adoration, croyance, culte". (Voir les textes de Cicéron.)

2. Définition :

La notion de religion implique :

1. L'adhésion à un ensemble de croyances en un monde spirituel, surnaturel. Ce monde est soit peuplé de plusieurs dieux (polythéisme) ou d'un Dieu unique (monothéisme), soit sans Dieu. Dans la religion bouddhiste, cet univers est "pure luminosité de l'esprit". Les religieux ont fixé les modalités de ces croyances dans des dogmes. Cette adhésion est volontaire, c'est la FOI.

2. La pratique de rites qui comprennent les cultes, manières de célébrer le divin.

3. Le respect d'une morale qui définit le bien et le mal et impose donc des devoirs et des interdits.

4. L'appartenance à une communauté.

La finalité de la religion est la communion avec le divin. son but est de relier verticalement les hommes au divin, et de relier horizontalement les hommes entre eux, dans une fraternité.

3.  Les composantes de la religion. 

 Le sacré (en général Dieu), les croyances et les doctrines, la morale, les rites

A. Le sacré

Le sacré est le pivot essentiel de toute religion.

En latin sacer signifie "ce qui ne doit pas être touché". La notion implique une idée de supériorité et le respect d'une distance.  Mais pourquoi ne pas avoir le droit de "toucher", ni avec le corps, ni avec le regard, ni même avec la pensée ? Il n'est permis ni de se représenter Dieu, ni même de le nommer dans la religion juive.

La crainte :
  Le sacré est une puissance d’un autre ordre que celle du monde empirique ou existentiel. Une existence d'une intensité absolue et permanente. Elle est force TOUTE PUISSANTE, à la fois diffuse, dangereuse, terrifiante, et incompréhensible, un mysterium tremendum (mystère qui fait trembler de crainte et d’effroi). Cf Yahvé dans la Bible, sa puissance est terrible : déluge, feu sur le Sinaï :
"Tout le peuple entendait les tonnerres et le son de la trompette ; il voyait les flammes de la montage fumante. A ce spectacle, le peuple tremblait, et se tenait dans l'éloignement. Ils dirent à Moïse : "Parle-nous toi-même, et nous t'écouterons ; mais que Dieu ne nous parle point, de peur que nous ne mourions.""  Ancien Testament, Exode, 20.

Voir l'épisode de Sodome et Gomorrhe...

En face du sacré, il convient de se prosterner face contre terre, lire les textes…

La fascination :

 En même temps que la crainte, le sacré exerce une fascination. Cf. mysterium fascinans. Le théologien R.Otto a forgé le terme "numineux" (du latin numen, la divinité) pour traduire cette ambivalence de l’émotion par rapport au sacré : crainte et vénération, respect.

D'où le désir "d’embrasser" le divin, de le "toucher" en annulant la distance qui nous sépare de lui. Dans la Bible, (Genèse), Adam et Eve touchent à l'arbre de la connaissance pour "devenir comme des dieux". Dans le discours d’Aristophane, (le Banquet de Platon), les hommes sont punis d'avoir tenté "d'escalader l’Olympe", pour rejoindre les dieux.

Mais trop s'approcher du sacré est un danger mortel. Adam et Eve en mourront, Icare en se brûlant les ailes au feu du soleil, tombe et se noie dans l'océan.

"Ni le soleil ni la mort ne peuvent se regarder en face", La Rochefoucault.

Il apparaît nécessaire de gérer le rapport au sacré. C'est la fonction des rites : assurer un lien au sacré tout en maintenant une distance protectrice.

B. Dieu

L'idée de Dieu est au cœur du sacré. La question de Dieu est constamment reformulée à travers les siècles. A défaut de le "sentir" les philosophes ont essayé de penser Dieu.

Etymologie

- Indo-européen : dei = briller, dyu = jour, deus = Dieu,  dies = jour, en latin, (di dans lundi etc.)… Le divin c'est d'abord une énergie qui brille et qui éclaire.

A l’origine les religions sont polythéistes. Les énergies sont multiples et personnifiées. (anthropomorphisme et même zoomorphisme). cf. en Inde le dieu Ganesh a une forme d’éléphant.

Puis il y a eu une évolution de la notion du divin vers une unification, une synthèse. Le monothéisme répond mieux au désir humain d’explication intelligible du monde. Dieu est devenu un principe d’ordre.

La notion de Dieu évolue à travers l'histoire

L’idée, ou le signifié de Dieu est très vague, varie en fonction des cultures, des individus, des époques. De l’Ancien Testament au Nouveau Testament, de très grandes différences apparaissent dans la conception du divin, si l'on s'en tient à une lecture superficielle des textes.

Par exemple, le Dieu de l'Ancien Testament, (le Dieu des Juifs) se définit comme un père qui inspire le respect, la crainte, le tremblement. Il exige des sacrifices (le fils d'Abraham). Il est caché, non représentable, il est interdit de s'en faire une image… Ses caractères sont très différents de ceux du Dieu du Nouveau Testament, (le Christ, Dieu des Chrétiens).

En effet, celui-ci est un fils qui accepte d'être humilié (frappé et crucifié) par les hommes. Il se "donne" en sacrifice. Il se montre en public. Il laisse l'empreinte de son visage sur le voile de Véronique, (d'où sans doute l'origine de l'iconographie religieuse).

Chez les philosophes également la conception de Dieu varie infiniment bien qu'ils tentent tous de "penser" Dieu à l'aide de la raison.

Les différentes preuves classiques de l’existence de Dieu (Notion de théologie)

1- Preuves physiques :

  - Preuve cosmologique : Dieu est cause du monde (cf. Platon, Aristote, philosophie judéo-chrétienne).

  - Preuve téléologique : Dieu est la fin (finalité) de l’univers. (cf. Hegel, T. de Chardin, St Thomas...)

2- Preuves métaphysiques :

- Preuve ontologique : "Dieu est ce dont rien de plus parfait ne peut être pensé" (Saint Anselme). Donc selon Anselme, Dieu existe. En effet, s’il n’existait pas, il lui manquerait une qualité, celle de l'existence, donc il ne serait pas parfait  !

- Descartes, prouve l'existence de Dieu à partir de l'idée de parfait. Nous avons tous en nous l'idée de la perfection. Nous ne pouvons pas en être la cause puisque nous sommes imparfaits. Donc, la cause de cette idée de perfection existe en dehors de nous, elle est Dieu. D'autres philosophes admettent cette preuve comme valable : Malebranche, Spinoza etc.

3- Preuves morales :

- Les postulats de la raison pratique. Selon Kant, les exigences de la "Raison Pratique", (la conscience morale gravée au fond de nous), qui s'expriment sous la forme des impératifs catégoriques, impliquent, non pas la réalité certaine d'une justice divine après la mort, mais l'espoir ferme qu'elle existe.

- Les intuitions de l'âme. Dieu apparaît à certains comme objet d'une certitude intérieure inébranlable. Sa présence est immédiatement reconnue. Cf. Rousseau, Bergson...

4. L'impossibilité de penser Dieu  ou  théologie négative ou "apophatique":

Plusieurs théologiens du Moyen Age affirment que tout ce que nous pouvons affirmer sur Dieu vient de nous. Nous concevons Dieu à l'image de ce que nous sommes. Dieu est absolument inconcevable. On ne peut absolument rien en dire qui ait une quelconque valeur. Cette théologie est une invite au silence. Cf. Clément d'Alexandrie II°, Denys l'Aréopagite, V°, Nicolas de Cues, Jean de la Croix, etc.

C. La foi, les croyances

 Si le sacré (ou le divin) est l'essentiel des croyances, il est accompagné d'une conception du monde qui explique l'origine du monde et de l'homme, la nature de Dieu, la composition du monde divin (anges, archanges…), l'origine du mal (Satan), la création de l'homme, son destin, son but, ses devoirs envers Dieu et les autres hommes,  le comportement de Dieu par rapport à l’homme, (son amour et sa bienveillance, mais aussi sa  justice et sa  sévérité), la destinée de l'homme après sa mort, la fin du monde, (Apocalypse)…

Le plus souvent ces croyances s'expriment à travers un langage symbolique mythique qui utilise des paraboles, des images. 

Il existe des "mythes morts", ceux auxquels on ne croit plus, les mythes grecs par exemple et "mythes vivants", ceux auxquels des religieux sont toujours attachés et qu'ils considèrent comme porteurs de vérité. Par exemple la Bible, l'Ancien Testament, pour les religieux juifs, chrétiens et musulmans) contemporains. Les Chrétiens ajoutent l'Evangile, et les Musulmans le Coran, nous l'avons vu plus haut.

D'autres "vérités" sont codifiées dans des doctrines ou dogmes, par le clergé. Les hommes religieux sont tenus d'adhérer à ces vérités.

Par exemple, pour les catholiques, le Credo  (en latin, "je crois"), résume l'essentiel de ce qu'un homme religieux doit croire.

 " Je crois en Dieu, le père tout puissant, créateur du ciel et de la terre, et en Jésus-Christ, son fils unique, notre Seigneur, qui a été conçu du Saint Esprit, est né de la vierge Marie, a souffert sous Ponce Pilate, a été crucifié, est mort, a été enseveli, est descendu aux enfers, est ressuscité, des morts, est monté au cieux le troisième jour après sa mort, est assis à la droite de Dieu le Père tout puissant, d'où il viendra juger les vivants et les morts.
 Je crois au St Esprit, à la sainte Eglise Catholique, à la communion des Saints, à la rémission des péchés, à la résurrection de la chair, à la vie éternelle. Amen".

Dogme de "l'immaculée conception" de la vierge, de l'infaillibilité pontificale, etc.

Chaque religion constitue son corps de doctrines. Souvent, à l'intérieur d'une même religion, les doctrines divergent, les conceptions de l'eucharistie, de l'autorité du pape, de la nature de la vierge etc. diffèrent grandement  chez les Chrétiens. Les différents courants musulmans n'ont pas la même conception de la "prédestination", etc. 
De la foi ou des croyances découle une morale.

D. La Morale

Dans la conception judéo-chrétienne, les devoirs de l’homme sont formulés sous la forme des "Dix commandements" (Décalogue) de l’Ancien Testament, Exode 20,  donnés à Moïse sur le Mont Sinaï  :

- 1 Tu n'auras pas d'autres dieux devant ma face. [Monothéisme]

- 2 Tu ne te feras point d'image taillée, ni de représentation quelconque des choses qui sont en haut dans les cieux, qui sont en bas sur la terre, et qui sont dans les eaux plus bas que la terre. Tu ne te prosterneras point devant elles, et tu ne les serviras point ; car moi l'Eternel, je suis un Dieu jaloux, qui punit l'iniquité des pères sur les enfants jusqu'à la troisième et la quatrième génération de ceux qui me haïssent, et qui fais miséricorde jusqu'en mille générations à ceux qui m'aiment et qui gardent mes commandements. [Iconoclasme = refus des images]

- 3 Tu ne prendras point le nom de l'Eternel en vain. [= tu ne "prononceras" pas]

- 4 Souviens-toi du jour du repos, pour le sanctifier. Tu travailleras six jours, et tu feras tout ton ouvrage. Mais le septième jour est le jour du repos de l'Eternel, ton Dieu : tu ne feras aucun ouvrage, ni toi, ni ton fils, ni ta fille, ni ton serviteur, ni ta servante, ni ton bétail, ni l'étranger qui est dans tes portes. (....) [Shabbat ou sabbat : samedi dans religion juive, dimanche dans religion chrétienne]

- 5 Honore ton père et ta mère....(...) [Respect des parents]

- 6 Tu ne tueras point.  [Interdiction  du meurtre]

- 7 Tu ne commettras point d'adultère.

- 8 Tu ne déroberas point. [Interdiction du vol]

- 9 Tu ne porteras point de faux témoignage contre ton prochain

- 10 Tu ne convoiteras point la maison de ton prochain ; tu ne convoiteras point la femme de ton prochain, ni son serviteur, ni sa servante, ni son bœuf, ni son âne, ni aucune chose qui appartienne à ton prochain."

Ou encore : "Aime ton prochain comme toi-même". Beaucoup d'autres obligations et interdits s'ajoutent à ces lois.

E. Les rites

Les rites délimitent des "espaces sacrés", distincts de l’espace profane (= quotidien, utilitaire). Les temples, les pyramides, les synagogues, les cathédrales, les mosquées avec plusieurs zones d’isolement, enceintes, murs, chœur, tabernacle...sont des espaces sacrés où l’on pénètre vêtu d’une certaine manière, avec une attitude de recueillement...

Les rites délimitent aussi des "temps sacrés". Le sabbat, (vendredi, samedi, ou dimanche)  consacré à Dieu. Les fêtes, Pâques, Noël, Ramadan etc., durant lesquelles des gestes, toujours identiques sont accomplis : tenue, rituel de propreté, ou alimentaire, attitudes variées de postures, paroles, prières, cantiques, mantras(= sons sacrés) par exemple "AUM" en orient, lecture de textes sacrés, utilisations d'objets, chapelets, bougies, encens, moulins à prières etc..

La rectitude des gestes et des intentions est essentielle. Si le clivage entre le sacré et le profane est annulé, il y a impureté, souillure, profanation, blasphème. Par exemple vendre du coca dans une mosquée, pique-niquer dans une cathédrale etc. relève du sacrilège. Dans certains cas les religieux excluent le sujet de leur communauté, c'est l'excommunication.

Les rites permettent la médiation, la communication, le lien avec le monde surnaturel.

Ils permettent aussi de créer des liens entre les hommes et de tisser une communauté solide.

Pour le religieux authentique, le désir de communion avec le divin est gratuit, désintéressé. Elle  lui permet de régénérer son âme, de s'améliorer, de se perfectionner.

Mais ces mêmes rites risquent de figer la religion. Bergson distingue deux sortes de religions : l'une "dynamique", issue de l'extase, de "l'Elan Vital", l'autre "statique", close, figée, dénaturée par les institutions de la société. Elle est une "retombée" de l'élan vital. Cf. Les Deux Sources de la Morale et de la Religion.

3. Les croyances non religieuses

D'autres croyances sont à la périphérie de la religion, mais ne sont pas religieuses au sens strict.

Un spiritualiste est un être humain qui accepte d'adhérer à des croyances en un monde surnaturel, mais sans adhérer aux dogmes, sans pratiquer les rites et sans appartenir à une communauté religieuse précise.

"Croyant non pratiquant". Il n'est pas religieux au sens strict puisqu'il ne pratique pas de rites et ne fréquente pas la communauté.

Un pharisien (au sens figuré), est un homme qui aime les rituels d’une religion et les pratique avec assiduité. Il privilégie la forme sur l'esprit. En outre souvent, sa conduite morale n'est pas en accord avec les valeurs de sa religion. Les rituels et les cultes peuvent avoir une grande valeur affective et esthétique pour certains. (Un mariage dans une cathédrale, au son des grandes orgues, a plus de classe que dans une mairie !)

Un mystique  est un être humain qui a fait l’expérience du mystère ! Il est "entré" dans ce monde surnaturel. Il a vécu un contact avec le divin, il a "rencontré Dieu". Donc, il n’a pas ou plus besoin des rites, ni de la communauté. Il n’est non pas relié de l’extérieur, mais lié intérieurement au divin. Il ne "croit" plus, il "sait" grâce à une révélation. Il sort des rituels. Son aventure est personnelle. Le plus souvent il s'isole et vit en ermite. (Les "érémétiques" étaient ces moines mystiques qui vivaient en solitaires dans le désert.) Il peut être fondateur d’une religion ou marginalisé par elle (si elle est trop statique).

Un philosophe peut croire ou ne pas croire en l’existence d'un monde surnaturel. Il ne pratique aucun rituel. Platon affirme l'existence d'un monde spirituel qu'il nomme "monde intelligible", et d'un Dieu. Cette croyance implique une morale, mais aucun rite précis.

Un sorcier (ou shaman), pratiquant de la magie, n’est pas un religieux et pourtant, il a des croyances et il pratique des rites!
Différences entre la religion et la pensée magique :

1. Croyances : Les sorcier croit qu’il existe des forces invisibles, le "MANA" ou les "esprits". Ces forces, loin d'être surnaturelles, circulent à travers la nature, elles n'ont pas les caractères du sacré. Elles sont manipulables.

2. Rites :  Certes, le sorcier utilise des rites. Mais ceux-ci sont personnels, transmis secrètement par un autre sorcier, dans le but de maîtriser ces forces. Aucun rite collectif.

3. La finalité de ces rites n'est pas du tout de se relier au divin dans une communion gratuite. Au contraire, le sorcier désire canaliser, utiliser, dominer ces forces dans le but d'en obtenir du pouvoir, soit pour faire le bien : "magie blanche", soit pour faire le mal : "magie noire". Ses offices ne sont pas gratuits, on le paie, on lui fait un cadeau. Idée de pacte, d’intérêt, de gain, de puissance, de commerce et d’efficacité concrète.

Le sorcier (ou Shaman) manipule la pensée symbolique. Il pense, et peut, agir sur la nature ou les êtres en manipulant des symboles. La pensée magique se fonde sur l'idée que l’énergie, ou les forces, circulent en empruntant des circuits analogiques (= des réseaux de ressemblances). Par exemple un cheveu d'un individu est un moyen pour se relier à son possesseur. L'action circule, ou se propage, par "résonance" ou "sympathie".

Il peut y avoir un rapport avec la religion, parce que souvent les sorciers manipulent des symboles religieux. Ils les croient plus efficaces, en raison de leur participation à la puissance du sacré.
 
Explication selon la psychanalyse

En manipulant les symboles (= signifiants), on manipule aussi les signifiés. Les signifiés des symboles sont eux-mêmes connectés à des représentations psychiques conscientes et surtout inconscientes. Ces représentations sont elles-mêmes reliées à des affects. Donc ces rites magiques symboliques sont en même temps des manipulations psychiques d'une très grande puissance. Le sorcier peut  déclencher chez son "client" ou chez sa "victime" (à condition qu'ils partagent le même langage symbolique) un processus psychique inconscient d'une efficacité absolue. L'étoffe psychique du consultant réagit et obéit aux ordres du langage symbolique à l'insu de sa volonté consciente.
Ce processus s'appelle "causalité psychique". Nous l'avons déjà abordée dans le "meurtre archaïque", en anthropologie.]

Toutes ces attitudes ont un lien avec la religion, mais elles se situent en marge de la religion.

Il n'y a aucune homogénéité dans les religions, et l'on constate des glissements et des déviations dans toutes les directions. Aucune religion n'échappe à ces tiraillements, à ces morcellements, ni à ces marginalisations.
Beaucoup plus graves sont les déviations qui engendrent de véritables "perversions" religieuses.

4. Les déviations religieuses : de la foi à la superstition

Représentons-nous la religion dans son ensemble comme un triangle :

Au sommet, le mystique (ou le prophète).

Celui qui a un contact direct avec le sacré. Son expérience est, au sens propre, "extra-ordinaire". Il n'existe aucun mot dans le vocabulaire ordinaire pour la traduire. Elle est ineffable. Or le mystique désire, par enthousiasme et par générosité, la communiquer à ses semblables. Il veut "dire" "l'indicible", tâche impossible, à moins d'utiliser un langage analogique, qui à l'aide d'images, de symboles, de paraboles ne peut que suggérer ce qu'il a "vu".   

Premier glissement : le décalage nécessaire entre le signifié (= le vécu de la révélation) et le signifiant (= sa traduction dans un code). Du signifié à son codage il y a déperdition de sens. Voir dans le cours de linguistique, le Langage, le § sur la communication. L'Esprit diffère nécessairement de la lettre. La lettre appauvrit l'Esprit.

Deuxième étage, les disciples.

Ceux qui ont vu, "entendu" et cru les paroles du mystique. Ils sont les premiers témoins et les premiers convertis. Ils veulent immortaliser ces paroles sacrées. Ils les écrivent. Ils sont à l'origines des textes sacrés, Ancien Testament, Nouveau testament, Coran

Deuxième glissement : le "malentendu". Tout interlocuteur décode un discours en fonction de ce qu'il est, de son propre vécu. Il témoigne par rapport à sa propre expérience. Il interprète nécessairement. Le disciple écrit ce qu'il a compris, en utilisant son propre, dans sa propre langue. Par exemple, alors que le Christ a parlé en araméen ses paroles ont été transcrites en grec. D'où les divergences des textes et les conflits d'interprétations.   

Troisième étage, les prêtres, (fonction sacerdotale = "qui remplit la fonction sacrée").

Ils sont les intermédiaires entre le monde du sacré et le peuple. Il peut exister toute une hiérarchie entre eux. (Par exemple chez les Catholiques : le pape, les cardinaux, les archevêques, les évêques, les prêtres, etc.). Ils ont une grande autorité en ce qui concerne l'interprétation des textes sacrés. Ce sont eux qui élaborent la "doctrine" ou "dogme", c'est-à-dire l'ensemble des "vérités" auxquelles il faut croire. Le prêtre est investi d'une grande  puissance spirituelle en raison de son lien avec le sacré.

Troisième glissement :  l'ambivalence du pouvoir lié au sacré.
Qui est le prêtre ? Quelles sont ses véritables motivations ? Sa vocation pour la prêtrise vient-elle d'un appel vivant, d'un élan vertical vers une spiritualité authentique, vers le divin ? Ou au contraire cette vocation ne peut-elle pas résulter d'une ruse de son inconscient, d'une confusion entre le sacré et la volonté de puissance ?  Nietzsche a montré combien l'exercice de la fonction sacerdotale pouvait être une fantastique satisfaction détournée et sublimée de la volonté de puissance et conduire à une féroce manipulation du sacré.

Exercice de la puissance sur les consciences, en imposant "La" vérité. Puissance sur la vie et sur la mort. L'histoire a souvent montré cette tragique perversion de la religion. (Au moment de l'Inquisition par exemple.)

 Quatrième étage, le peuple. L'ensemble des hommes qui n'ont pas eu de "révélation". L'expérience, la psychologie, la sociologie, l'épistémologie nous apprennent que le peuple dans l'ensemble réagit avec ignorance, crédulité, superstition et immaturité. Il est très facile à manipuler.

Derniers glissements au niveau du peuple.

- Son désir de certitude et son ignorance le conduisent facilement au dogmatisme : (confusion entre la foi qui est adhésion intérieure à une croyance et le dogmatisme qui est certitude absolue de détenir La vérité, et condamnation de toutes les autres croyances). Tendance de chaque peuple religieux à penser que sa religion est la seule détentrice de LA vérité, donc à se placer au-dessus des autres.

Le dogmatisme religieux est un terrible condensateur de violence (cf. R. Girard : La violence et le sacré). Le dogmatisme engendre tout naturellement le fanatisme. Mourir pour son Dieu est un idéal indépassable !

- Sa crédulité, homo credulus, le conduit à la superstition  (confusion entre la spiritualité et la magie). Par exemple la pratique des "Indulgences" chez les Chrétiens, la fabrication de  "chèques pour l'au-delà" chez quelques Bouddhistes. La superstition fait croire qu'il faut établir un "commerce" avec le ciel !

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Voici un "billet de banque à valoir pour l'autre monde", destiné à être brûlé devant un temple bouddhiste en Thaïlande : 

- Son immaturité et son sentiment d'insécurité le conduisent à s'abandonner totalement, avec confiance à ceux qui le guident et à les croire investis d'un pouvoir absolu comme s'ils étaient eux-mêmes des dieux. D'où la soumission et l'exploitation possibles et réelles du peuple par la religion. (Voir plus loin la conception de Marx)

Toutes ces médiations rendent inévitables les déviations. Et c'est par ses déviations et ses superstitions que la religion prête le flanc à tant de critiques.

Les sectes sont un exemple de déviation, elles sont des phénomènes para-religieux.

Les sectes : l'exploitation commerciale des croyances

Au départ toute religion apparaît comme une secte. Puis, elle se socialise et s'institutionnalise.

Aujourd'hui, des hommes ont compris qu'il pouvaient vendre du sacré et de la spiritualité de bazar. Le terme de secte s'est diabolisé. Il existe des milliers de sectes, certaines sont de simples communautés spirituelles, d'autres sont dangereuses.

Une "secte" est suspecte quand son "gourou", se prétendant mandaté par le divin, exige de ses adeptes : le sacrifice leur liberté, leur argent, leur soumission sexuelle, voire leur vie (suicides collectifs).

Les méthodes de recrutement utilisent des discours très persuasifs et efficaces dont les thèmes sont les suivants :

1. Le gourou a vu Dieu ou a été appelé par lui ou bien il a été en contact avec des extra-terrestres. Des secrets très importants lui ont été confiés.

2. La fin du monde "Apocalypse" est toute proche. Cette "révélation" engendre de la crainte, de l'angoisse voire de la terreur, à partir desquelles il est facile de manipuler le sujet.

3. Quelques "Elus" vont être sauvés. Justement le sujet en question ! Ces techniques flattent son orgueil et  le rassurent.

4. Tous ces êtres supérieurs aux autres, (ceux de la secte), sont incompris, opprimés, attaqués, persécutés par une société décadente, diabolique et perdue. Création d'un sentiment de paranoïa.

5. Il faut donc s'isoler du monde (couper tout contact avec la famille, la société, les médias), et se serrer les coudes.

6. Il faut renoncer à ses habitudes négatives et se soumettre parfaitement à une discipline de fer, qui est en réalité un conditionnement :

- Très peu de sommeil, pour résister à la paresse.

- Jeûnes très fréquents pour purifier le corps. 

- Pratiquer les rites, souvent empruntés à des cultes religieux traditionnels et mettant en scène des symboles comme l'eau, le feu, le soleil… Appel au sacré.

- Apprentissage d'un vocabulaire ésotérique et répétition constante des mêmes formules.

- Aucune lecture personnelle. Tout ce qui vient de l'extérieur est faux et dangereux.

- Silence. Il faut se taire.

7. Dépendance économique : il faut donner son argent, tout sacrifier à la secte, ce sacrifice sera récompensé au centuple.

8. Soumission totale au gourou.

Fascination pour le "Maître", auquel on doit TOUT offrir : sa confiance absolue, ses services, son corps, son sexe, sa vie, sa mort… (Voir la secte de Gilbert Bourdin au Mandarom, dans le sud-est. Jim Jones aux U.S.A. 923 "suicidés, en 1978 etc., plus récemment l'affaire du "temple du soleil").

Les "faux gourous" font un profit personnel avec le désarroi et l'angoisse existentielle des hommes.

Un vrai "Maître", s'il en existe, fonde sa communauté sur la valeur du respect réciproque. Il développe l'esprit critique de son disciple, le conduit à l'exercice de sa liberté, c'est-à-dire à se passer de lui-même (son Maître) ! Il ne lui demande pas d'argent, ne s'enrichit pas à son détriment. Le Maître est celui qui, ayant une réelle supériorité, (en spiritualité, en sagesse, en savoir, en philosophie …) offre toute sa richesse. Finalement, il annule l'inégalité et transforme son disciple en Maître, et surtout, il s'efface

5. Importance socio-politique du phénomène religieux

Les religions ont marqué et marquent les mentalités collectives et individuelles, même si les hommes ne les pratiquent plus depuis longtemps. Elles structurent les êtres jusque dans les détails les plus concrets de leur existence physique, affective, imaginative, intellectuelle, sociale… Elles engendrent des comportements typiques par rapport à la vie, à la mort, au plaisir et à la douleur, au sexe, à l'argent, au travail, à autrui, au temps… Il est possible qu'elles aient sacralisé des conduites, sélectionnées, conservées par l'usage à cause de leur utilité ou de leur efficacité à une époque donnée. Elles ont du interdire d'autres conduites, jugées nuisibles, en en faisant des tabous.   

A. Quelques aspects positifs

Plan pratique

Hygiène. Toutes les religions ont des rituels de purification par l'eau ou par le feu, des rituels alimentaires, (viande casher, aliments à ne pas mélanger, boissons interdites), périodes de jeûne. En Inde les prêtres avaient l'interdiction de manger dans des bols ébréchés, en outre ils devaient ébouillanter leur récipient avant toute utilisation. Leur repas, une fois terminé, devait être recouvert d'un tissu blanc pour le protéger de la "contagion" de n'importe quel regard. Des rituels de propreté corporelle ("pureté"). Des rituels (circoncision) et interdits sexuels freinent la contagion des maladies sexuelles. Les positions et mouvement de certaines prières exigent un travail sur le corps. Par exemple la prière de l'Islam, six fois par jour, fait travailler tous les muscles du corps.

Plan psychologique

Les prières et les méditations exigent de véritables temps de pause et ont un pouvoir calme et de relaxation, (production d'ondes "alpha" selon les chercheurs). La musique sacrée peut exercer un pouvoir de guérison, voir aujourd'hui les ouvrages de musicothérapies. L'affirmation que Dieu est toujours présent et voit tout, permet une communication quasi ininterrompue. Le croyant n'est jamais véritablement seul. Cette présence aimante bienveillante peut lui donner espoir et force. Chez le catholique, l'institution de la confession fonctionne comme une soupape de sécurité, face à l'angoisse et à la culpabilité. Les psychanalystes ont mis en évidence un lien très étroit entre le bouddhisme et la psychanalyse au point de voir dans le bouddhisme une véritable méthode psychothérapeutique.

En donnant à ses croyants une vision cohérente du monde, et surtout un sens à leur propre vie, la religion permet une diminution de l'angoisse, donc une meilleure canalisation et une gestion plus efficace des énergies. Elle dynamise l'énergie en proposant une finalité.

Plan sociologique

La religion maintient la cohésion du groupe par un ensemble d'interdits limitant l'agressivité et la violence entre coreligionnaires et des rites et traditions favorisant les liens, fêtes, mariages, communauté.

Les hospices, les écoles, les orphelinats ont été fondés en premier par les religieux, dans toutes les religions.

Plan moral

Chaque religion, au moins à l'intérieur d'elle-même, exige le respect du "prochain", en tant que créature de Dieu, donc frère. Si chaque être humain est le reflet de dieu, alors une véritable  justice (= respect de la dignité de chaque homme) peut exister. Le Christ, dans l'Evangile, valorise la dignité de la femme. Le Bouddha a des disciples femmes. Le Coran reconnaît le femme comme une personne ayant des droits.

La menace d'une punition divine a pour fonction de maintenir l'être humain dans le "droit chemin" et de contenir la délinquance. 

Plan culturel

Pour louer Dieu, les artistes ont déployé le maximum de leur génie et de leur habileté technique. L'art sacré est un trésor de l'humanité. (Voir ce que Freud dit du processus de sublimation).

Les religions participent à l'augmentation et à la conservation du patrimoine culturel. En Occident, durant tout le Moyen Age, les moines ont recopié et conservé tous les manuscrits de l'Antiquité (littérature, science, philosophie). Voir le film Au Nom de la Rose.

En Orient, les "Brahmin" (= prêtres du brahmanisme), transmettent et étudient toute la production intellectuelle de l'Inde : poésie, cosmologie, médecine, littérature, philosophie…

Les monastères tibétains sont de véritables universités.

Plan économico-politique

Valorisation du travail : "Tu gagneras ton pain à la sueur de ton front" (chez les Judéo-chrétiens), donc la religion favorise le développement d'une certaine richesse économique.

Cependant, le rôle de la religion est à double tranchant. En effet un rite, positif au départ, peut se retourner en son contraire, ou avoir simultanément des effets bénéfiques et pervers.

 

B. Quelques aspects négatifs

Plan pratique

Si l'eau est polluée (comme c'est le cas en Inde) alors, les rituels de purification par l'eau deviennent causes de contamination (amibes). Si la consommation de viande est interdite, (en Orient les animaux ont une âme, puisqu'ils peuvent être la réincarnation d'un humain), le manque de protéines affaiblit la population!

Plan psychologique

Les tabous concernant la vie sexuelle engendrent des névroses et des perversions, avec tout leur cortège de symptômes. Voir tout le cours sur la psychanalyse.  

Le système de croyances peut couper l'homme du réel.

Plan sociologique

Chaque groupe religieux en affirmant sa supériorité sur les autres religions, se coupe de la "communauté" universelle, crée un phénomène de rejet et engendre de l'hostilité.

Les croyances évoluent souvent vers le dogmatisme. La violence est canalisée, et d'autant plus intense qu'elle se met au service du "sacré". Voir les thèses de R.Girard sur les liens entre la violence et le sacré.

Les guerres de religion sont parmi les plus féroces!

Plan moral

Mépris de celui qui n'appartient pas à la même religion.

Malgré les textes, les différentes religions, témoignent  d'une réelle misogynie et d'hypocrisie par rapport aux femmes : la femme est digne et respectable à condition d'accepter un rôle de servante (de Dieu certes, mais surtout de l'homme). En Inde sa supériorité spirituelle implique l'acceptation d'une infériorité existentielle. Des auteurs chrétiens se sont même demandé si la femme avait une âme. (Lire Les quatre femmes de Dieu, Guy Bechtel (éd. Plon 2000)

A quelques variantes près toutes les grandes religions ont la même conception, sauf le bouddhisme à son origine, mais quand il devient une religion, il n'échappe pas à la règle. Cf. la position extrémiste des Talibans

Plan culturel

En Occident, conservation du patrimoine, mais blocage du progrès scientifique. L'Eglise refuse la dissection, la théorie de Galilée, puis celle de Darwin. Il faut attendre le XX° pour que ces deux derniers soient réhabilités.

Plan esthétique

Souvent la religion a freiné et canalisé le génie des artistes par une censure très sévère.

Plan socio-politique

La religion est un instrument possible (et réel) d'oppression et de répression. Elle justifie toutes les sortes d'Inquisitions. Selon Marx elle justifie et consolide toutes les inégalités. Si tout est voulu par Dieu, alors les hommes doivent accepter leur destin. Ils doivent avoir le courage et la patience de supporter leurs souffrances. Ils seront récompensés dans l'au-delà. Selon Marx la religion est "l'opium du peuple" en ce sens qu'elle endort les hommes, et permet aux dominants de les exploiter sans dédommagement. Elle est donc le mensonge des forts contre les faibles, afin de les affaiblir encore plus. La religion ne profite qu'aux exploitants.   

6. Les critiques anti-religieuses

1. Les matérialistes de l'Antiquité : Démocrite, Epicure, Lucrèce.

Tout est fait d'atomes. Tout se défait à la mort. L'âme est faite d'atomes subtils qui se désagrègent eux aussi à la mort. Les dieux ne s'occupent pas de nous. Ils sont en partie créés par notre imagination. La mort n'est pas à craindre puisque lorsqu'elle est là, nous ne sommes plus là !

"L'ignorance et la peur sont les deux pivots de la religion", Lucrèce, Le Bon Sens,X.

2. Spinoza  affirme que la religion est "l'asile de l'ignorance". Les hommes prêtent à Dieu leurs propres passions.

Lire le Traité théologico-politicus.

 

3. Marx

Marx part d'une conception de Feuerbach (philosophie allemand) selon lequel la religion est la projection d'un rêve, inventé par la classe dominante. Le peuple est malheureux, pauvre ignorant et sans espoir. Il convient donc de lui redonner du courage en lui faisant accepter sa vie misérable, en l'embellissant de l'intérieur,  en lui offrant l'espoir d'une vie future parfaite, à condition qu'il soit vertueux, honnête, patient, humble, obéissant et travailleur.  Une soumission totale de la classe laborieuse s'obtient en quelque sorte à peu de frais et rapporte "gros" à la classe dominante. La religion est un "opium" pour Marx puisqu'elle fait faire de beaux rêves, affaiblit de plus en plus le sens critique, anéantit tout esprit de révolte et paralyse tout progrès social. Elle est donc un poison. Cette soumission s'obtient à l'aide de formules telles que : "Bienheureux les pauvres, le royaume des cieux est à eux", ou encore, "Esclaves, demeurez soumis à vos maîtres car toute autorité vient de Dieu." Paul, Epître aux Corinthiens.

Réflexion critique : en Inde, la caste des brahmin (prêtres) n'est pas la plus riche. Les prêtres en effet n'ont pas le droit de gagner de l'argent.

Le Bouddha refuse l'argent. Les moines bouddhistes font vœu de pauvreté.

Le Christ appartient à une classe pauvre, dans un état dominé par les Romains.

 

4. Le matérialisme nietzschéen

Tous les hommes ont peur de la mort. Ils s'inventent un monde au-delà de ce monde afin de ne pas mourir. Nietzsche critique simultanément les platoniciens et les croyants et les appelle "Les hallucinés de l'arrière-monde". La religion est l'expression de la lâcheté humaine, elle a "donné du poison à boire à Eros". Pour Nietzsche il faut avoir le courage d'accepter la mort, et de renoncer à la croyance en Dieu. "Dieu est mort", il faut sacraliser la vie et la matière, et croire en l'homme.

5. L'athéisme freudien

L'insécurité de la vie engendre le malaise, la peur et l'angoisse. L'être humain projette la figure d'un père idéal, à partir de la conception qu'il avait de son père au moment de sa toute petite enfance (père pré-oedipien). Ce père lui paraissait détenir le savoir absolu et la toute puissance. (Cf. l'expression des petits : "Moi, mon père…"). Cette image survalorisée du père est projetée dans l'au-delà, et fabrique de toute pièce un être parfait, omniscient, tout puissant et protecteur : Dieu le Père. La religion procède d'une illusion, c'est-à-dire de la dérivation d'un désir infantile.

La religion crée des interdits et surtout des tabous. Le tabou empoisonne la pulsion de vie. Elle est, en grande partie, responsable des névroses de l'homme occidental. Mais en même temps, la religion crée des rituels dont la fonction est de diluer l'angoisse et de l'apaiser. Elle enferme donc les religieux dans une dépendance dont ils ne peuvent se délivrer eux-mêmes.

A côté de cette critique (et explication) psychologique, Freud propose , dans Moïse et le monothéisme, une explication anthropologique : la religion dériverait du meurtre du père archaïque. 

Nécessité, pour Freud, de se désillusionner, de se dégager de la religion et d'accéder à la lucidité, pour devenir adulte.

Marx, Nietzsche et Freud sont les trois "Maîtres du soupçon", selon l'expression de Paul Ricoeur.

La religion est un phénomène irréductible. Elle apparaît dés que l'homme se trouve en face du cosmos. Comme un "Poucet" perdu et désorienté dans sa forêt, l'être humain cherche à se relier à une existence invisible. C'est par le symbole d'abord qu'il exprime son intuition de la transcendance.

- L'Ecole de Franckfort, (néo-marxiste) accepte de reconnaître comme caractéristique fondamentale de l'homme, d'être un Homo symbolicus. Elle reconnaît le symbole comme une force et lui donne la valeur de ce que Winnicott appelait "l'objet transitionnel", (objet qui fonctionne comme un lien entre le nouveau-né et sa mère). 

- Selon Jung, le langage symbolique et le langage religieux sont porteurs de sens, comme s'ils émanaient d'un langage "naturel". Par exemple, les rêves bibliques délivrent une vérité à la conscience du rêveur. La religion est l'expression de vérités universelles.

Au XXe apparaît une "science" des religions avec Dumézil, M.Eliade, et P.Ricoeur.

L'on peut étudier la "religion statique" en restant à l'extérieur d'elle-même, et l'analyser comme une institution, ou comme un phénomène social. Mais il est très difficile, voire impossible, de  comprendre la foi religieuse de l'extérieur. A moins que, comme le pense Edgar Morin, tout croyant ne soit porteur d'un "malcroyant" et tout incroyant ne soit porteur d'un croyant. Seule condition pour  rendre possible la rencontre.

Au XXI° le bilan des religions semble négatif. Elles ont toutes échoué à réaliser leur projet d'une fraternité universelle. Mais était-ce bien leur finalité ?

La civilisation évolue vers la désacralisation, et vers le déplacement du sacré. L'argent, le sexe et le pouvoir deviennent les valeurs fondamentales de notre société.

Du coup, par un jeu de bascule (dialectique), le besoin religieux et les sectes de toutes sortes surgissent de partout.

Quand Malraux, agnostique, affirmait : "Le XXI° sera religieux ou ne sera pas", il voulait souligner la nécessité urgente de trouver une valeur universelle qui permette aux hommes de se relier entre eux, à travers un idéal qui ait la  force du sacré. Il prêchait pour un humanisme qui ait valeur de religion.   

Le problème est de savoir si le sacré est la projection de la valorisation de la conscience par elle-même, (= réalité illusoire, psychologique) ou s'il existe indépendamment d'elle, (= réalité ontologique).
Cette question n'a toujours pas reçu de réponse.                                                                                                                   

Particulière importance du phénomène religieux en ce début du troisième millénaire !

D. Desbornes. 2010