Découverte de la philosophie
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La Liberté

Introduction

1. Analyse de la liberté

2. Les trois types de liberté

3. L'apprentissage  de la liberté

4. La négation absolue de la liberté : le destin ou fatalité

5. La négation relative de la liberté : le stoïcisme

6. Les fausses conceptions de la liberté

Introduction

Etre soi-même cause de ses pensées et de ses actions.  

Telle serait une définition très générale de la liberté. L'homme serait maître de lui-même capable de décider, de choisir et de réaliser concrètement ses choix, en bref de se commander à soi-même. La liberté est à la fois un idéal et une valeur à laquelle l'humanité donne un prix immense. Beaucoup d'hommes et de femmes ont préféré se donner la mort, plutôt que de perdre leur liberté, d'être réduits en esclavage, ou emprisonnés.

PROBLEMATIQUE

La liberté est peut-être la plus grande illusion de l'être humain. Mais c'est une valeur à laquelle la majorité d'entre nous n'est pas prête à renoncer. Pourtant tout semble nous montrer que nous ne sommes pas libres. D'abord, nous n'avons pas choisi de naître ni de mourir. L'existence nous est imposée, puis ôtée, et ce n'est pas rien ! Nous n'avons choisi ni le lieu ni l'époque dans lesquels nous allons émerger. Naître aujourd'hui en Irak ou en Suisse ne donne pas les mêmes conditions de vie et peut-être pas le même degré de liberté… Ne n'avons pas choisi la classe sociale ni nos parents dont l'influence est si décisive sur notre personnalité et nos propres décisions. Nous n'avons pas choisi nos corps d'hommes ou de femmes, ni les gènes qui nous sculptent. La langue maternelle, que l'on nous a imposée, structure notre pensée. Enfin, ce sont des milliers, voire des millions de rencontres, de hasards qui semblent tisser notre être. Quelle marge de pouvoir sur nous-mêmes nous reste-t-il ? Y a-t-il tout au fond de notre conscience une étincelle d'énergie invisible, un déclic infime qui aurait le pouvoir d'infléchir notre vie, nos décisions ? Si Dieu existe nous a-t-il créés libres ou bien n'a-t-il pas tout décidé d'avance ? Et dans ce cas ne sommes-nous pas manipulés comme des marionnettes à fils. Si Dieu n'existe pas, ne sommes-nous pas "pris" dans un chaos de forces absurdes par rapport auxquelles nous sommes totalement impuissants comme un bouchon de liège dans la tempête de l'océan ? Sommes-nous de pauvres girouettes qui croient être libres en obéissant à leurs désirs ? La liberté n'est-elle qu'une "illusion nécessaire"?

ENJEU : Notre dignité. Nous avons besoin de nous considérer comme un être "à part" dans la nature, différent d'elle, supérieur à elle, capable de la dominer, et de nous gouverner nous-mêmes.

Il existe, à propos de la liberté, plusieurs points de vue opposés et inconciliables : l'affirmation de son existence et sa négation absolue, dans le fatalisme. Si nous  acceptons cet axiome : "Il n'existe aucune liberté"  nous ne pouvons plus parler de la liberté, il nous faut donc le mettre entre parenthèse, sans avoir pu trouver d'arguments pour le nier. Donc nous  allons partir de l'axiome opposé : " La liberté existe".

Ces deux théories sont également arbitraires, invérifiables. Elles reposent toutes les deux sur des axiomes. Un axiome est une proposition indémontrable, qui se place au début d'un raisonnement.

1. Analyse de la liberté

Etymologie

Origine du terme :

- Indo-européen: LEUDH = s'élever.

- Sanscrit : (Transformation du L en R.) RUH m pousser, monter,  croître: RUDHI = progrès.

- Grec : LEUTHEROS = homme  libre (par rapport à l'esclave).

Remarques:

I. Référence à la croissance végétale ; idée de manifestation, de réalisation de ce qui est latent, dans une graine d'arbre, par exemple, donc de passage du virtuel au réel, de la graine à l'arbre, avec ses branches ses feuilles, ses fruits, =  devenir ce que l'on est en puissance.

2. Progrès, évolution vers le mieux.

3. La langue grecque suppose un clivage entre ceux qui peuvent s'é1ever, se développer, évoluer, dominer = les maîtres, et ceux qui ne le peuvent pas et qui restent soumis = les esclaves.

 
DEFINITION IDEALE DE LA LIBERTE   (philosophie classique)

EST LIBRE UN ETRE QUI SE DETERMINE LUI-MEME, A PENSER ET A AGIR, PAR SA PROPRE VOLONTE, ET SANS SUBIR DE CONTRAINTES EXTERNES.  (= étrangères)

 EXPLICATION DE LA DEFINITION

a)  Se déterminer soi-même  = être cause de ses actes, en être à l'origine, l'auteur, donc pouvoir en répondre = être RESPONSABLE. Idée d'autonomie (la loi ou l'ordre, vient de soi-même, et non de l'extérieur), idée d'indépendance.

b)  Lui-même = soi-même =  moi-même. MOI, polysémie (= Plusieurs sens ) de cette notion.

Le "moi" renferme une multiplicité de niveaux, d'éléments, organiques, affectifs, psychiques, (cf. Freud : les deux topiques : [conscient/préconscient/inconscient] et, [moi/ça/Surmoi]. Toutes ces instances constituent le moi. Des éléments moraux, culturels, intellectuels,  spirituels pour les croyants. Le moi se situe-t-il dans mes désirs, dans ma conscience morale, dans mon idéal ? Qu'est-ce qui en moi est vraiment  moi ?. Peut-être "RIEN" comme le suggère Lévi-Strauss dans le texte de TRISTES TROPIQUES. "Le moi n'est rien" = tout ce que nous sommes, a été fabriqué ou nous a été donné par les autres. Tout n'est qu'héritage ou hérédité. Nous ne ferions que combiner ce qui nous a été donné. Dans mes 16 milliards de neurones, comment distinguer ce qui est vraiment moi ? Existerait-il un centre de commande dans  ce champ de forces qui se bousculent, me poussent (=mobiles) et me tirent = (motifs)? Lesquelles parmi ces forces sont essentielles? Y a t-i1 une sorte de Q.G. "Quartier général", qui aurait le pouvoir de contrôle sur toutes ces énergies, la puissance de les centraliser, de les dominer, de les diriger à sa guise ? Ce serait la VOLONTE.

L'être humain disposerait du pouvoir de CHOISIR. Ce pouvoir de décision lui vient de sa VOLONTE.

S'il peut décider en toute connaissance de cause de dire OUI ou NON à la vérité, au bien, alors il est maître de sa vie et de ses actes.

(On ne peut pas prouver ni démontrer l'existence de la volonté, on ne peut qu'y croire et la poser comme postulat si l'on veut parler de la liberté. On a besoin de ce postulat dans le domaine de 1a morale en particulier, sinon il n'y a pas de responsabilité, donc pas de justice possible.           

c) La VOLONTE ou le LIBRE-ARBITRE. Il existerait en chaque être humain, une force supérieure et consciente, la volonté, capable de s'affronter aux autres énergies et de les maîtriser, une sorte d'énergie souveraine qui prendrait sa source en elle-même et qui détiendrait la possibilité de dire OUI ou NON, d'accepter ou de refuser, "d'affirmer ou de nier", cf. Descartes. Grâce à cette volonté l'homme aurait la maîtrise de lui-même. : les philosophes classiques divisent l'acte volontaire en quatre temps :

La théorie du LIBRE-ARBITRE selon la philosophie classique :

    1. Conception du but = réflexion qui précise la finalité de l'action et cherche à déterminer ce que nous "voulons" vraiment, et non pas ce que nos désirs ou la situation nous imposent.

    2. Délibération = Travail de la PENSEE aidée de la RAISON : Réflexion rationnelle et raisonnable. La raison permet de discerner le VRAI du FAUX, le BIEN du MAL, bref d'éclairer le choix de le motiver. Nécessité pour ce travail d'être correctement informé, d'avoir le plus possible de d'informations et de connaissances précises, en bref d'être le plus savant, et le plus LUCIDE. (Un ignorant ne peut pas délibérer valablement)

    3. Décision = CHOIX = exercice du LIBRE-ARBITRE qui consiste à donner sa préférence à telle ou telle raison parce qu'on pense qu'elle a du prix, et s'orienter dans une direction.

    4. Exécution = passage à l'acte, réalisation pratique. (Agir, faire, dire...). La volonté selon Descartes serait "1'image de Dieu en moi", "elle consiste en ce que nous pouvons faire une chose ou ne la pas faire […sans…] qu'aucune force extérieure ne nous y contraigne ", cf. Descartes. Sans le passage à l'acte la liberté reste purement virtuelle,  simple intention, pure velléité du domaine de l'imagination. L'expression "L'enfer est pavé de bonnes intentions.", signifie bien que sans la réalisation de la décision, la liberté n'existe pas.

Mais nous  allons voir qu'il y a beaucoup de manières de concevoir la liberté pour  les philosophes !
 
L'idée que se fait le sens commun de la liberté est très loin de ce que pensent les philosophes. En effet, la liberté est perçue généralement comme la possibilité de satisfaire tous les désirs, de supprimer tous les interdits, de dépasser toutes les limites. Or cette conception est illusoire.

Nous  allons voir que le caprice, la tyrannie, la toute puissance… sont à l'opposé de la liberté.

Les philosophes distinguent trois types de liberté qui se situent dans trois domaines différents.

2. Les trois types de liberté

1. La LIBERTE métaphysique

 met l'accent sur la cause de nos actes. Nous serions à l'origine de nos actes, une sorte de commencement absolu. La liberté étant selon KANT, "la faculté de commencer soi-même un état dont la causalité n'est pas subordonnée à son tour […] à une cause qui la détermine dans le temps".

 2. La LIBERTE morale

met l'accent sur le lien entre moi, mes actes et leurs conséquences, et par conséquent, pose le problème, en terme de RESPONSABILITE.

3.  La LIBERTE  politique

met l'accent sur les entraves, les obstacles concrets à la réalisation de la liberté, donc pose plutôt le problème, en termes d'affranchissement, d'épanouissement des différentes facultés de l'homme dans la société, au milieu de ses semblables.

 

 1.    LA  LIBERTE "METAPHYSIQUE"   

"ETRE CAUSE de ce qu'on EST, de ce qu'on FAIT et de ce qu'on PENSE."

Cette conception implique une rupture de continuité entre le monde de la nécessité – le monde du déterminisme - et mon univers intérieur. Elle affirme que je peux être un commencement absolu, que je peux déterminer un autre ordre dans le monde, indépendamment de toute contrainte extérieure ou de tout déterminisme intérieur (hérédité, désirs, passions.)

1. MAINE DE BIRAN  (1766-1824), prend comme exemple le simple effort musculaire. Je peux lever le bras et poursuivre mon effort même si la douleur me gène. (Il apparaît que sous la torture, alors que le corps est en lambeaux, à la limite de la mort, la volonté de certains hommes, ne cède pas.) Y aurait-il alors un centre "hyper-organique" qu'on ne pourrait atteindre, ni contraindre d'aucune manière ? Y a-t-il chez tout être humain en deçà de son  corps, et de son psychisme, une puissance invisible qu'il pourrait à tout moment actualiser dans une conduite imprévisible?  Celui qui ne l'actualiserait pas serait en quelque sorte  librement complice de ses chaînes?

2. PLATON, dans  le livre X de La RÉPUBLIQUE, raconte à travers un mythe, le mythe d'ER, l'histoire d'un guerrier, mort puis ressuscité, témoin des "choses de l'au-delà". Les âmes des morts, selon lui, après avoir eu connaissance de la Vérité sur le monde (cf. Allégorie de la caverne), seraient invitées à choisir librement une nouvelle destinée  pour leur nouvelle incarnation. Ensuite, elles boiraient au "fleuve de l'oubli", et oublieraient leur choix. "Dieu n'est pas responsable, la liberté appartient à celui qui choisit". La liberté serait un acte posé en dehors du temps et de l'espace donc un  acte transcendant.
(La conception orientale est très proche de cela.)

3. – Selon la tradition Judéo-chrétienne. Dieu aurait créé l'homme libre, c'est à dire avec le pouvoir de dire OUI ou NON. Adam et Eve auraient usé de ce pouvoir. Satan aurait lui aussi, en toute connaissance de cause, choisi de dire NON à Dieu et de lutter contre lui.

 4. -  DESCARTES affirme qu'il y a en nous un Libre Arbitre  = une puissance de dire OUI ou NON,  au VRAI ou au FAUX, et au BIEN ou au MAL. La volonté est infinie, et toute puissante, elle est un reflet de Dieu en nous, cf. LES MEDITATIONS METAPHYSIQUES.
Il distingue plusieurs degrés de liberté.

a) Le plus bas degré de la liberté : "se pouvoir déterminer aux choses auxquelles nous sommes tout à fait indifférents." (Choses ni bonnes ni mauvaises.)

b) Soit la "Facilité à se déterminer pour les choses que notre raison nous persuade être bonnes." = Dire oui au bien. Soit, "Si nous faisons le contraire, nous faisons alors un plus grand usage de cette puissance positive" = suivre le pire alors que nous connaissons le meilleur, = dire non au bien.

La grandeur de la liberté consiste dans la grande facilité qu'on a à se déterminer. La liberté est proportionnelle "aux raisons".

5SARTRE. La liberté existentielle. L'homme est ce qu'il a projeté d'être. En effet ce que je suis maintenant est la manifestation de ce que j'ai CHOISI d'être, antérieurement, mais à CHAQUE INSTANT je suis LIBRE de renouveler ou de refuser ce choix. Pour Sartre dans la mesure où Dieu n'existe pas, aucun modèle ne nous est imposé, nous avons à inventer, à créer   nos conduites "Nous sommes condamnés à être libres." (Voir cours sur la CONSCIENCE.)

6.ALAIN, XX° siècle, nous propose la belle métaphore du voilier. Le marin louvoie, il va où il  VEUT, malgré le vent et les courants, même s'ils sont contraires. "La vague suit le vent et la  lune (...) l'homme oriente sa voile, appuie sur le gouvernail, avançant CONTRE le vent PAR LA FORCE MEME DU VENT."

CRITIQUE

Toute démonstration, nous l'avons déjà dit, est impossible puisque cette conception part d'un  AXIOME : LE LIBRE ARBITRE EXISTE. Toute vérification est impossible puisque le temps est irréversible. Jamais on ne peut revenir en arrière pour voir si le sujet avait la possibilité ou non de faire un autre choix. Il n'y a pas d'expérience "cruciale"  (= qui trancherait définitivement.)

CRITIQUE de la conception de PLATON :

Apparemment les âmes sont libres, en réalité chacune choisit non seulement en fonction de son passé, mais surtout en fonction de ce qu'elle est. Or Platon pense qu'il existe trois catégories d'âmes, il parle de "races". Ces trois races sont : la "race d'or", les âmes douées d'une puissante mémoire, la "race d'argent" douée d'une mémoire plus faible, mais capable de retenir par habitude, et enfin la "race de fer", qui "rouille" donc ne garde pas les traces, elle est "oublieuse". Il est clair que chaque âme fait un choix qui est déterminé par sa qualité. Ainsi certaines âmes choisissent toujours "bien", d'autres, toujours mal, d'autres enfin, tantôt bien, tantôt mal. Mais les âmes n'ont pas choisi leur "race". Platon dit que le spectacle des âmes choisissant leur condition " est étrange, ridicule et pitoyable!". Ce qui est une manière de dévaloriser la liberté.

En ce qui concerne les autres conceptions, le problème se pose de savoir si, lorsque nous connaissons le bien et le mal, et que nous choisissons le bien, ce choix ne s'expliquerait pas  tout aussi bien par une sorte de conditionnement supérieur, notre éducation, par exemple, qui  nous a fixé des valeurs. FREUD, dans la deuxième "Topique", explique que ces valeurs se sont intériorisées sous la forme du SURMOI. Lorsque nous choisissons le "mal", ne sommes-nous pas gouvernés à notre insu par notre pulsion de mort? Voir tout le cours sur l'INCONSCIENT.

 

 2   LA LIBERTE MORALE

 ETRE RESPONSABLE DE SES ACTES,

= Le fait de pouvoir en répondre = reconnaître le lien qui nous lie à nos actes, en assumer les conséquences, positives ou négatives, par rapport à soi-même et par rapport à la société. Cette conception pose alors le problème des sanctions. Une  sanction peut être positive : le mérite, la récompense ou négative : la culpabilité, le remords ou la punition. La société détient la gestion des sanctions dans la JUSTICE.

THEORIE de KANT

 Selon KANT, la raison a deux aspects : le premier est celui de la RAISON PURE qui unifie les concepts, elle permet de penser (elle ne nous conduit pas à la vérité.). Le deuxième est celui de la RAISON PRATIQUE = une  instance universelle qui donne à l'homme une loi morale, sous la forme d'un "impératif catégorique". Elle permet à l'homme d'agir. Un être doué de cette raison pratique s'appelle une PERSONNE. (Chaque être humain perçoit sa conscience comme un absolu, = une valeur de dignité méritant le respect, mais il est capable d'universaliser, c'est à dire de comprendre que tous les autres êtres humains sont pour eux-mêmes des absolus, donc d'élargir ce respect à l'humanité tout entière. C'est là le fondement de la morale kantienne, et le respect de cette morale fait de nous des êtres libres.

Les trois impératifs catégoriques de la RAISON PRATIQUE sont les suivants :

1 "Agis de telle sorte que la maxime de ton action puisse être érigée par ta volonté en loi  universelle de la nature."
2 "Agis de telle sorte que tu traites l'humanité aussi bien dans ta personne que dans la  personne de tout autre, toujours comme une fin et jamais simplement comme un moyen".
3 " Agis de telle sorte que tu sois à la fois législateur et sujet dans le règne des fins."

Kant

C'est le fait d'obéir à cette loi, que nous percevons en nous comme une exigence, une  OBLIGATION INTERIEURE, qui fait de nous des êtres "AUTONOMES" = LIBRES. Au  contraire, si nous obéissons, soit à des mobiles, soit à des motifs, soit à des lois qui nous sont  imposées de l'extérieur, =  à des "impératifs hypothétiques" qui s'expriment sous la forme : "Si  tu veux..., alors", nous  sommes dans ce cas  "HETERONOMES". Nous obéissons à un ordre étranger  à  nous-mêmes, donc nous ne sommes  pas libres. Kant estime que peut-être jamais aucun acte  n'a été entièrement autonome.

Etre libre c'est obéir à sa propre loi, celle-ci vient de notre conscience (Raison Pratique.)

LE PROBLEME DE LA LIBERTE SUR LE PLAN SOCIAL

La société, par l'intermédiaire de l'institution de la JUSTICE, se donne le droit de juger et de sanctionner (en les privant de leur liberté selon les cas), les hommes qui ont commis des délits ou des crimes, c'est à dire ceux dont les actes ont eu des  conséquences nuisibles sur la société. Il est nécessaire d'établir leur degré de responsabilité. La notion de circonstances atténuantes implique la prise en considération d'obstacles, de gênes, d'entraves qui ont pu perturber la lucidité du sujet et sa volonté. (Rôle et influence du milieu socioculturel, du milieu familial, de l'hérédité, de la pathologie mentale, etc.)  D'où les  enquêtes sociologiques, expertises médicales, psychiatriques… La société reconnaît sa propre responsabilité dans certains cas. La sanction est proportionnelle au degré de responsabilité, peine maximale ou limitée. A ce sujet, HEGEL requiert la peine capitale en cas de meurtre, car dit-il, juger "excusable" un criminel, c'est lui ôter la responsabilité de son acte, donc le traiter en irresponsable, donc comme un être sans dignité, sans liberté, et le rabaisser au rang de l'animal.

Conclusion

Socrate pensait que "nul n'est méchant volontairement". D'après lui, le simple fait de connaître le bien devrait déterminer notre volonté à l'accomplir. C'est encore un postulat. La connaissance du bien est une condition nécessaire, mais pas suffisante. On peut agir contre ses propres valeurs, volontairement, c'est ce point de vue qu'exprime le christianisme à travers la figure de SATAN. Le satanisme serait la méchanceté gratuite, choisie en toute lucidité et en toute liberté.
S'il en est ainsi, il n'y a aucun remède ! Mais aujourd'hui, l'on pense que le crime relève plutôt d'un déterminisme psychologique. La criminologie se propose l'étude des différents paramètres de ce déterminisme. Ovide, lorsqu'il fait dire à Médée :

"Je vois ce qui est le mieux, et je l'approuve, mais j'accomplis le pire"

Dans ce "mais", dans ce qui résiste à la volonté, au  choix des valeurs, faut-il lire le poids d'un déterminisme inconscient, qui ferait de la volonté une simple velléité et lui ôterait toute efficacité?

Le problème de la liberté se pose enfin en termes collectifs et politiques.

3 -   LA LIBERTE POLITIQUE

 La liberté politique serait le fait, pour l'être humain, de pouvoir réaliser sans entraves son essence d'homme = sa "multidimensionalité". L'accent est mis sur tous les genres d'obstacles et de contraintes qui nous empêcheraient de penser, d'agir ou tout simplement d'exister. La réalité du dogmatisme, du conditionnement idéologique,du type de régime politique, de l'esclavage, des prisons, de la répression, de la misère, de l'exploitation, de la torture …dans le monde, nous conduit à poser le problème en termes de libération, d'AFFRANCHISSEMENT.

ANALYSE THEORIQUE DE LA LIBERTE POLITIQUE.

a)  SPINOZA. L'homme doit s'affranchir des nécessités naturelles grâce au pouvoir de la raison. Le rôle de l'état est essentiel dans ce travail : " Le but et le principe de l'organisation en société, consistent à soustraire les hommes, au règne absurde de la convoitise, et à le faire avancer - autant que possible - sur la voie de la raison, de sorte que leur vie s'écoule dans la concorde et la paix."

b) Théorie de J.J.ROUSSEAU.  La liberté CIVILE que les hommes, obtiennent et se garantissent grâce à un pacte : " Le CONTRAT SOCIAL" est infiniment supérieure à la liberté " naturelle" (voir tout le cours sur l'Etat.)

ANALYSE PRATIQUE DE LA LIBERTE POLITIQUE.

- La liberté est définie ici comme un degré d'autonomie, d'indépendance "normale", souhaitable, qui puisse être donné à tous les hommes, en même temps, cela implique des DROITS et des DEVOIRS symétriques. On n'appelle pas libre, il va de soi, un sujet qui vit le statut d'esclave ou dans une société répressive. Cette définition de la liberté pose le problème du libéralisme, en particulier sur le plan économique. En effet, la libre concurrence crée nécessairement des inégalités, elle produit des gagnants et des perdants, et donc, pour ceux-ci, une perte d'indépendance  = paradoxe !

- Les libertés  =  l'ensemble des activités concrètes  que les hommes ont la possibilité et le droit de pratiquer : association, opinion, presse, déplacements, réunion, etc. Le  rôle de l'état serait de protéger les libertés. Cf. dans le cours L'ETAT, les différentes conceptions politiques. Les dangers de négation totale de la liberté dans les conceptions absolutistes, (fascistes et totalitaires ou d'illusion de liberté à travers l'anarchisme.)

QUEL SYSTEME POLITIQUE PEUT LE MIEUX  PERMETTRE A L'HOMME DE REALISER SA MULTIDIMENSIONALITE? L'accord est loin d'être établi sur ce point entre les hommes.

3. L'apprentissage  de la liberté

La LIBERATION

 A tous les niveaux de définition, la liberté ne se présente pas comme un état, ou un acquis, en termes de passivité, mais, en termes de conquête. On parle alors de LIBERATION. Il s'agit d'un  processus, d'un travail, d'un apprentissage. On ne naît pas libre, on le devient (ou pas !). Le  bon sens nous donne des points de repère pour la croissance de la liberté. Sept ans = âge de raison, et 21 ans, autrefois, était l'âge de la majorité pénale (= de la responsabilité des ses actes devant la société). La libération ne se définit pas seu1ement comme  un affranchissement par rapport aux contraintes négatives, mais aussi comme un choix librement consenti de "contraintes positives" =  d'une DISCIPLINE. Par exemple, pour une plante les contraintes "négatives" seraient un mur de béton, la pollution, pas de terre, pas d'eau, pas d'ensoleillement…, et les contraintes "positives", le travail de la terre, l'arrosage régulier, le désherbage, l'élagage, la pose de tuteurs... Pour l'homme, le problème est beaucoup plus complexe. Ce qu'on appelle la liberté du virtuose ou de l'artiste, son aptitude à  s'exprimer sans contraintes, à dire ce qu'il veut, à faire ce qu'il veut de son corps, à sortir n'importe quel son de son choix d'un violon…, implique des années d'exercice, de gammes au piano ou d'assouplissement à la barre, une méthode et une technique auxquelles ils se sont d'abord longuement patiemment soumis, jusqu'à les dominer parfaitement, pour pouvoir se  dépasser eux-mêmes et devenir des créateurs à leur tour, à tel point que même un obstacle comme  la surdité, dramatique pour un musicien, peut être dépassée par Beethoven par exemple.

PLATON décrit dans L'ALLEGORIE DE LA CAVERNE, le cheminement douloureux du prisonnier qu'on aide à se libérer de ses chaînes, l'importance de l'effort, de la contrainte qui lui sont demandés : "on ne le lâche pas avant…", de la patience indispensable.

HEGEL analyse en termes de dialectique [lent processus de transformation], la libération de
l'esclave, qui en obéissant au maître, et pour le satisfaire, est obligé de travailler la matière. Cet effort difficile qui modifie sa propre nature, discipline ses désirs, développe son intelligence  et surtout sa volonté, lui permet à la fin, de prendre  conscience de son autonomie  donc de sa liberté. (Cf. le cours sur la dialectique du maître et de l'esclave.)

NIETZSCHE, dans "Les trois métamorphoses", Ainsi Parlait Zarathoustra, explique que l'homme doit d'abord passer par le stade du "chameau" [durant lequel il apprenti à  obéir, à s'agenouiller, à traverser les déserts, lourdement chargé de fardeaux], ce stade est nécessaire car  il apprend à discipliner sa volonté, à développer sa force, il se prépare à devenir "lion" =  celui qui se révolte, qui VEUT son autonomie.

Sur le plan collectif, d'abord l'action politique concrète, engagée, à travers les siècles, apparaît  comme une lutte incessante contre les entraves de toutes sortes qui ont aliéné, qui aliènent  encore les hommes.

Puis la science et la technique nous donnent le moyen de lutter  efficacement contre les contraintes et agressions naturelles, et nous donnent un pouvoir réel, (physique, chimie, biologie, médecine, sociologie, économie, politique, …) C'est seulement en obéissant aux lois de la nature, - donc il faut les connaître  auparavant - que nous pouvons leur commander. Pour faire voler le concorde, il faut connaître et respecter les lois de la pesanteur.

Enfin, la philosophie et la psychologie (la psychanalyse), nous aident à ne pas nous laisser piéger par les préjugés, les illusions de toutes sortes qui nous conditionnent et nous emprisonnent.

Ces pouvoirs que donne le savoir ne sont qu'un premier degré dans l'apprentissage de la  liberté. L'apprenti sorcier est celui qui a un pouvoir sur les objets, mais il ne sait pas maîtriser ce pouvoir lui-même, et finit par en devenir esclave, voire victime. Il reste à l'homme le  devoir d'acquérir ce pouvoir sur lui-même. Bergson insistait sur la nécessité d'un "supplément  d'âme", mais ce n'est peut-être pas encore suffisant ?

4. La négation absolue de la liberté : le destin ou fatalité

Elle s'exprime dans la théorie de la FATALITE ou du DESTIN.  (Du latin fatum, le destin.)

DESTIN :
Toutes les actions et tous les événements de la vie humaine sont décidés de toute éternité, et volontairement par Dieu (ou les dieux) dans un monde surnaturel. L'homme ne peut RIEN changer à ce qui a été fixé pour lui.

Aucun homme ne peut changer son destin. Il n'a aucun pouvoir sur sa vie.

Cette conception existe

- chez les Grecs anciens : Le destin d'Œdipe est "écrit" avant sa naissance. Ses parents en l'apprenant chez la Pythie n'ont pas pu le modifier (Ils voulaient faire tuer l'enfant). Œdipe, au moment où il croit pouvoir dire non, en fuyant à toute vitesse ceux qu'il croit être ses vrais parents, court à son insu vers eux, pour réaliser son destin. (Voir l'histoire d'Œdipe dans le cours sur l'Inconscient.)

- Dans certains courants de l'Islam : tout l'avenir de chaque homme et de l'humanité est déjà "écrit" dans le grand livre d'Allah.

- Dans la conception janséniste (Port-Royal au XVII° siècle, Pascal.) A l'intérieur de la tradition judéo-chrétienne, la conception JANSENISTE, (Port-Royal) affirme que Dieu a élu de toute éternité certaines âmes.  Le choix, le tri, a été fait avant même que nous existions. Ce qui revient à dire que Dieu nous a créés "saints" ou "pêcheurs" de toute éternité, sans nous demander notre avis !

 [Attention ! ne pas confondre la notion de DESTIN avec celle du DETERMINISME :

Le DETERMINISNE est une théorie selon laquelle tout ce qui existe est soumis au principe de causalité : "tout effet a une cause, et les mêmes causes produisent les mêmes effets". Si l'on ne peut pas changer les lois générales de la nature (la gravitation, par exemple), on peut composer avec. En effet, en agissant sur la cause on peut modifier l'effet. Si l'homme est libre, et s'il comprend le principe de causalité qui domine les lois de la nature, et les lois de sa propre nature, il peut agir dessus et en modifier les effets. Donc paradoxalement, en "obéissant" aux lois du déterminisme, l'homme peut le maîtriser. Par exemple en connaissant et en respectant les lois de la gravitation, le scientifique peut fabriquer des fusées capables de s'arracher à l'attraction terrestre. Le déterminisme n'est pas un obstacle à la liberté. Il est possible de "naviguer" au milieu des déterminismes cf. p. 8 la métaphore du voilier proposée par Alain. Mais l'homme est-il en mesure de comprendre et d'agir sur ses propres déterminismes ?

5. La négation relative de la liberté : le stoïcisme

ACCEPTER L'ORDRE DU MONDE

L'homme est un élément du cosmos, il n'est qu'un tout petit rouage, à l'intérieur d'une  mécanique infiniment compliquée, et qui le dépasse de toutes parts. Il est "pris" dans les filets de la nécessité, et dans des déterminismes de toutes sortes (physiques, biologiques, sociologiques, historiques, économiques, culturels, psychoaffectifs,  etc.). Sa liberté consiste à en prendre conscience, à comprendre ces mécanismes et à y adhérer par son esprit. En bref à adopter une attitude verticale.

1 - Le STOÏCISME. L'homme, est un microcosme, dans un macrocosme, il est soumis aux mêmes lois que l'univers (analogie). Selon EPICTETE, notre vie ressemble à une pièce de  théâtre déjà écrite. Nous n'y pouvons plus rien changer. Il nous appartient seulement de bien jouer ou de mal jouer notre rôle ou encore de "quitter la scène", c'est à dire de nous suicider. C'est en cela que réside notre liberté.

2 -  Pour SPINOZA, tout ce qui existe a été prédéterminé par Dieu. L'homme est une partie de la nature et suit l'ordre universel. Si l'homme, par sa raison, comprend cet ordre en dépassant le point de vue étroit de sa subjectivité, et en accédant à l'universel, alors il comprend en même temps que cet ordre est bon, et il y adhère et goûte une sorte de bonheur inaltérable, la joie, "une augmentation d'être " qui est la liberté elle-même.

3 -  LEIBNIZ. Dieu, par une série de calculs, (combinatoire) a créé le monde "le meilleur possible", chaque être est défini comme une "monade" = substance immatérielle, unique, close sur elle-même  "sans porte ni fenêtre", reflet passif de la totalité du monde. Tout est arrangé, prédéterminé, prévu. Nous n'avons aucune action possible. Ici encore la liberté consiste à comprendre la perfection de cet ordre et à y adhérer. Il suffit de nous hisser jusqu'au point de vue de Dieu, et d'accéder à une vision synoptique, alors notre raison ne peut pas ne pas vouloir, intérieurement, cet ordre.

En définitive pour ces penseurs la liberté est définie comme une ADHESION intérieure, au  monde, elle s'oppose à la révolte de l'ignorant. Le refus, la révolte n'ont pas de sens. La liberté  est confondue avec la sagesse. Elle est acquisition de la sérénité. Elle naît d'un recul intérieur, d'une mise à distance de notre esprit.
Ce serait une manière d'être DANS le monde sans être DU monde.

Au XX° siècle, cette conception de la liberté nous paraît une résignation décourageante.  Grâce au développement de la science et au progrès technique, nous avons fait l'expérience de  notre pouvoir sur le monde. La nécessité ne nous apparaît plus comme une fatalité.

6. Les fausses conceptions de la liberté

Les conceptions illusoires de la liberté la confondent avec :

I.  La toute-puissance   c'est à dire le pouvoir MAGIQUE de faire n'importe quoi, s'envoler, sortir de la galaxie, voyager dans le temps, se métamorphoser à volonté, être invisible, passer à travers les murs etc. Cela relève du merveilleux, de l'imaginaire, du conte de fées, de l'irréel. Ce désir est chimérique. La liberté, si elle existe, s'exerce dans des cadres délimités qui tiennent compte des lois du monde réel.

2.  Le caprice  : être libre, ce serait faire tout ce que l'on désire. C'est une conception naïve de la liberté qui la confond avec la licence tout me serait permis  = liberté apparente. La Liberté n'est pas la possibilité de faire tout ce qui me passe par la tète à chaque instant, = d'obéir à tous mes désirs qui d'ailleurs sont souvent contradictoires, et le résultat de toutes sortes de déterminismes  chimiques, hormonaux, socioculturels. (Cf. tout le cours sur la psychanalyse et le § sur le désir). Nous sommes poussés à agir par des habitudes, conditionnements, tendances dont nous ne sommes pas conscients, et que nous  prenons pour l'expression de notre moi. L'ivrogne qui part tous les matins au bistrot, n'est pas libre, il ne peut pas décider de NE PAS BOIRE. Et il appelle "liberté" la facilité qu'il éprouve et le plaisir à suivre la pente de son besoin. La brute "sauvage" qui assassine, ne peut pas se maîtriser, elle obéit à une impulsion. Nos désirs primaires sont en partie égoïstes et les satisfaire sans contraintes les hypertrophie, et finit par nous y asservir. Nous  arrivons très vite à une impasse double, d'une part nous devenons des êtres sans aucune volonté, esclaves de nos désirs, (cf. Platon), et très vite cela conduit à une tyrannie (individuelle ou politique), d'autre part, notre insertion dans le groupe ou dans la société est rendue très difficile, sinon impossible. Or nous sommes des "animaux politiques" (Aristote), et nous avons peut-être des devoirs par rapport à la société, puisque nous ne pouvons pas vivre en dehors d'elle (Cf. cours d'ANTHROPOLOGIE.) Nous devons nous socialiser et trouver une forme de liberté dans la société.

3.  La tyrannie : Le refus de toutes les contraintes : "La victoire sur les contraintes, volonté crispée et triomphale de briser les obstacles qui s'opposent à l'expansion illimitée du moi" L. Jerphagnon. Thème de la transgression, cf. PLATON : Le tyran qui "OSE TOUT", qui vit sans foi ni loi, au gré de ses "appétits", et retourne peu à peu à la bestialité du fauve. Il n'y a pas de limite aux excès des tyrans, ils sont en réalité les esclaves de leurs appétits et de leurs passions auxquels ils ne peuvent opposer aucune résistance. Pulsion de vie et pulsion de mort se jouent de lui. Il n'a aucune maîtrise de lui-même.

4. La spontanéité "naturelle". L'absence de toutes contraintes sociales, le mythe du "sauvage".

l'animal sauvage d'abord, le lion qui paraît vivre en liberté. En réalité nul n'est moins libre qu'un animal, il est pris dans un réseau de déterminismes nécessaires sur lesquels il n'a aucun pouvoir : quête de nourriture, d'un partenaire, fuite par rapport à un animal prédateur, etc. La loi de la jungle est impitoyable. Certes l'animal sauvage dans son milieu semble plus libre que l'animal en cage, mais ne pas être enfermé, ce n'est pas nécessairement être libre !

- "1'enfant sauvage" (cf. Malson) est lui aussi, prisonnier de déterminismes instinctifs, naturels, et d'une certaine façon, est moins libre que l'enfant socialisé qui a appris à parler, à lire, et peut s'exprimer, communiquer, développer ses virtualités. "L'enfant sauvage" ressemblerait plutôt à une belle fleur qui aurait gelé dans son bourgeon sans jamais pouvoir éclore.

- M. Tournier dans l'histoire de Robinson, Vendredi ou les Limbes du Pacifique, montre à quel point dans la solitude, l'absence de tout rite, de toute obligation …  le déshumanise.

5. La facilité :   Le sentiment de la liberté

C'est cette impression subjective que nous ressentons quelquefois d'être libre, et que nous  confondons avec la simple aisance, parce que tout "glisse". Quand tout va bien, quand nos actions se déroulent sans entraves, sans efforts, bien conformes à nos projets, une certitude intérieure s'impose, nous nous sentons maîtres de nos actes. Mais, nos habitudes, un très fort conditionnement, la discipline que nous nous sommes imposée, aboutissent à ce sentiment de facilité. SPINOZA nous met en garde contre cette illusion : "J'ignore les causes qui me font agir". Nous sommes tellement habitués à nos déterminismes que nous les confondons avec notre volonté. Une pierre qui tombe en "chute libre", si elle était consciente pourrait se dire qu'elle est libre. Or elle n'a aucun pouvoir de résister à la gravitation ni de changer sa vitesse ou sa trajectoire.

 6. L'acte gratuit

 C'est 1'acte qui n'a pas de "raison", pas de motifs ni de mobiles. Il est accompli d'une manière indifférente, neutre, sans aucun état d'âme.

- Au Moyen Âge, un penseur, BURIDAN, méditait sur le cas d'un âne, qui placé à égale distance d'un seau d'eau et d'un picotin d'avoine, et ayant aussi soif que faim, donc n'ayant aucune raison d'aller à droite plutôt qu'à gauche, selon Buridan, se laisserait mourir de faim et de soif. Tandis que l'homme, au contraire, parce qu'il est doué d'un libre arbitre pourrait se décider volontairement, sans être poussé par des mobiles extérieurs à sa raison.

- Dans LES CAVES DU VATICAN, Gide fait commettre à l'un de ses personnages un acte gratuit. Lafcadio se rend à Rome par le train et se trouve seul, la nuit, dans son compartiment avec un "petit vieux", Amédée Fleurissoire. "Qui le verrait, pensait Lafcadio? Là, tout prés de ma main, sous ma main, cette double fermeture que je peux faire jouer aisément [...], un crime immotivé, quel embarras pour la police ! Ce n'est pas tant des événements que, j'ai curiosité que de moi-même. Si je puis compter jusqu'à 12, sans me presser, avant de voir dans la campagne quelque feu, l'homme est sauvé, je commence, une, deux, (... ) Dix, un feu !"  Et Lafcadio pousse le vieux hors du train sur la voie. Celui-ci est tué.

En réalité Lafcadio, ne décide pas, il s'en remet au hasard. L'indifférence nous dit DESCARTES est "le plus bas degré de la liberté". Etre libre, c'est avoir des raisons d'agir.

CONCLUSION

Polyvalence de 1a notion de LIBERTE.

Dans tous les cas, trois conditions sont nécessaires :

1. L'information (le savoir, la connaissance, la lucidité).

2. La présence de la volonté. (Axiome du libre arbitre, le pouvoir de choisir!). 

3. Le passage à l'acte (à défaut duquel la liberté serait confondue avec l'intention et la velléité).

Texte de  KANT

"L'homme est un animal  qui lorsqu'il vit parmi d'autres membres de son espèces, a besoin d'un maître. Car il abuse à coup sûr de sa liberté à l'égard de ses semblables ; et quoique en tant que créature raisonnable il souhaite une loi qui pose les limites de la liberté de tous, son inclination animale égoïste l'entraîne cependant à faire exception pour lui-même quand il le peut. Il lui faut donc un maître pour briser sa volonté particulière, et le forcer à obéir à une volonté universellement valable, par là chacun peut être libre. Mais où prendra-t-il ce maître? Nulle part ailleurs que dans l'espèce humaine. Or ce sera lui aussi un animal qui a besoin d ' un maître. De quelque façon qu'il s'y prenne, on ne voit pas comment, pour établir la justice publique, il pourrait se trouver un chef qui soit lui-même juste, et cela qu'il le cherche dans une personne unique ou dans un groupe composé d'un certain nombre de personnes choisies à cet effet. Car chacune d'entre elles abusera toujours de sa liberté si elle n'a personne, au-dessus d'elle, qui exerce un pouvoir d'après les lois."

Texte de  SPINOZA.

"On pense que l'esclave est celui qui agit par commandement et l'homme libre celui qui agit selon son bon plaisir. Cela cependant n'est pas absolument vrai, car en réalité être captif de son plaisir et incapable de rien voir ni faire qui nous soit vraiment utile, c'est le pire esclavage et la liberté n'est qu'à celui qui, de son entier consentement, vit sous la seule conduite de la Raison. Quand à l'action par commandement, c'est-à-dire à l'obéissance, elle ôte bien en quelque manière la liberté, elle ne fait pas cependant sur le champ un esclave, c'est la raison déterminante de l'action qui le fait. Si la fin de l'action n ' est pas l'utilité de l'agent lui-même, mais de celui qui commande, alors l'agent est un esclave, inutile à lui-même ; au contraire, dans un Etat et sous le commandement pour lesquels la loi suprême est le salut de tout un peuple, non de celui qui commande, celui qui obéit en tout au souverain ne doit pas être dit un esclave, inutile en tout à lui-même, mais un sujet. Ainsi, cet Etat est le plus libre, dont les lois sont fondées en droite Raison, car dans cet Etat, chacun, dés qu'il le veut peut être libre, c'est-à-dire vivre de son entier consentement sous la conduite de la Raison."

Qu'est-ce qu'un Maître ?

POUVOIR =>  DOMINATION

Celui qui domine = dominus  =  Maître. Attention 2 sortes de Maîtres.

 

Maître = celui qui est supérieur par la force.

Maître / Esclave

 

 

Il "prend" tout à son esclave

Son âme (qu'il ne reconnaît pas)
Son corps
Sa vie
Sa liberté
Etc ….

Le tire vers le bas
L'inégalité entre le M. et l'esclave s'accroît.

Maître = celui qui est supérieur par l'esprit

Maître / Disciple

Sagesse, génie, savoir …
Socrate/ Bouddha/ le Christ/ ….
Mozart, Einstein

Il transmet "tout" ou "donne" tout ce qu'il peut à son disciple.

 

Liberté réciproque

 

Il l'élève.
L'inégalité entre le maître et le disciple finit par s'annuler. Le disciple peut devenir un maître (Platon)

 

En bref :

Un vrai "Maître", s'il en existe, fonde sa communauté sur la valeur du respect réciproque. Il développe l'esprit critique de son disciple, le conduit à l'exercice de sa liberté, c'est-à-dire à se passer de lui-même (son Maître) ! Il ne lui demande pas d'argent, ne s'enrichit pas à son détriment. Le Maître est celui qui, ayant une réelle supériorité, (en spiritualité, en sagesse, en savoir, en philosophie …) offre toute sa richesse. Finalement, il annule l'inégalité et transforme son disciple en Maître, et surtout, il s'efface

 

D.Desbornes. 2009