Découverte de la philosophie
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AUTRUI

Introduction

1. La seule existence dont je sois certain, c’est la mienne: le solipsisme

2. L’existence réelle des autres

3. La présence d’autrui "troue" mon univers

4. Je suis les autres, mon "moi" est un nous

5. Le besoin de communication

6. Le désir de reconnaissance

7. Variété et ambivalence de la relation à autrui

8. Connaître et comprendre l’autre

9. Peut-on ne pas reconnaître l'humanité de l'autre ?

10. Comment organiser les relations entre les hommes dans la société ?

11. L’altruisme

12. Peut-on vivre sans autrui : la solitude

CONCLUSION

Document 1 -Texte de Heidegger

Document 2 - Texte de Sartre sur la honte

Document 3 - Texte de V. Jankélévitch

Document 4 - Exemple de problématique sur le sujet : "Est-il possible d'aimer son prochain comme soi-même ?"

 

Introduction

AUTRUI = personnification de l’autre =  un "moi qui n’est pas moi."  SARTRE.
L’autre, l’altérité, ne peut pas être défini indépendamment du "même". Ce sont des prénotions, c’est à dire des idées indispensables à la réflexion, mais qu’on ne peut définir clairement. Pour  Platon l'altérité pure est une notion impensable.

AUTRUI est celui qui est à la fois séparé de moi et différent de moi. Ce peut être un individu : frère, parent, ami, ennemi, semblable, étranger, prochain, lointain, ancêtre, descendant, etc.… Ce peut être un groupe, la société en général, voire, l’humanité tout entière. En bref c’est toute l’espèce humaine en  dehors de moi.

PROBLEMATIQUE
Quelle importance autrui a-t-il pour moi ? Sa présence m’aliène-t-elle ou m’est-elle indispensable ? Que puis-je échanger avec autrui ? Des sentiments, des coups, des paroles, des biens économiques ? Comment s’établissent ces relations?   Puis-je connaître autrui ?   Le comprendre ? Pourquoi certains êtres ne reconnaissent-ils pas autrui, jusqu'à nier son humanité ? Puis-je vivre seul ?

1. La seule existence dont je sois certain, c’est la mienne : le solipsisme

a) Le doute de l'existence de l'autre, en pensée.

Selon Descartes, l’on peut douter de TOUT, sauf de sa propre existence, (cf. Méditation I). En effet, pour pouvoir me demander si j’existe, il faut bien que j’existe, qu’il y ait un sujet se posant cette question. La seule existence qui me soit évidente, c'est la mienne. Je ne peux pas prouver celles des autres. Après tout qu'est-ce qui peut me prouver que je ne rêve pas, et que les autres ne sont pas un pur produit de mon imagination? Ce type de réflexion enferme la conscience dans une solitude radicale, absolue que l'on appelle le solipsisme. Mon existence me paraît unique, centrale, irréductible à aucune autre. Je fais l’expérience d’une unicité absolue, selon LEIBNIZ, nous sommes des "monades sans portes ni fenêtres", caractérisées par leur singularité absolue. Elles sont toutes différentes les unes des autres.

b) Le doute existentiel de l'autre, "vécu" c'est le problème de l’autisme. La conscience de l’autiste est comme enfermée dans un blockhaus. Cf. certains états dans la schizophrénie.

2. L’existence réelle des autres

Pourtant l’expérience et la vie nous enseignent qu’AUTRUI est bien cause de notre existence biologique. Nous ne pouvons pas naître si un homme et une femme ne nous ont pas engendrés. Chacun des deux nous transmet par HEREDITE tout un patrimoine génétique, légué lui-même par un très grand nombre d’ancêtres et par HERITAGE, tous ses acquis matériels et culturels.

3. La présence d’autrui "troue" mon univers

La prise de conscience de l’autre est immédiate, il "entre" immédiatement dans mon univers.

a) Wallon, psychologue, a remarqué dans les crèches, que les nouveau-nés savaient très vite se repérer les uns les autres, se reconnaître par la voix et communiquer par les pleurs.

b) Fr. Dolto psychanalyste, constate que l'enfant "sent" instantanément la présence de l'autre, en particulier de sa mère. La maladie serait causée par une défaillance de cette présence.

c)  La dialectique des regards. Sartre analyse dans le chapitre "Autrui" dans l’Etre et le Néant, de quelle manière nous faisons immédiatement l’expérience du regard de l’autre, dans le sentiment de la honte. La façon dont l’autre me regarde change la perception que j’ai de moi-même.

Le regard :

"Le regard d'autrui masque ses yeux, il semble aller devant eux, (…) le regard, à la fois, est sur moi sans distance et me tient à distance.

La honte :

"Je viens de faire un geste maladroit ou vulgaire : ce geste colle à moi, je ne le juge ni ne le blâme, je le vis simplement, je le réalise sur le mode du pour-soi. Mais voici tout à coup que je lève la tête : quelqu'un était là et m'a vu. Je réalise tout à coup toute la vulgarité de mon geste et j'ai honte. Il est certain que ma honte n'est pas réflexive, car la présence d'autrui à ma conscience, fût-ce à la manière d'un catalyseur, est incompatible avec l'attitude réflexive : dans le champ de ma réflexion je ne puis jamais rencontrer que la conscience qui est mienne. Or autrui est le médiateur indispensable entre moi et moi-même : j'ai honte de moi tel que j'apparais à autrui. Et par l'apparition même d'autrui, je suis mis en mesure de porter un jugement sur moi-même comme sur un objet, car c'est comme objet que j'apparais à autrui. Mais pourtant cet objet apparu à autrui, ce n'est pas une vaine image dans l'esprit d'un autre. Cette image en effet serait entièrement imputable à autrui et ne saurait me "toucher". Je pourrais ressentir de l'agacement, de la colère en face d'elle, comme devant un mauvais portrait de moi, qui me prête une laideur ou une bassesse d'expression que je n'ai pas ; mais je ne saurais être atteint jusqu'aux moelles : la honte est, par nature, reconnaissance. Je reconnais que je suis comme autrui me voit." L'Etre et le Néant p.276.
(…)
Imaginons que j'en sois venu, par jalousie, par intérêt, par vice, à coller mon oreille contre une porte, à regarder par le trou d'une serrure. (…)  Aucune vue transcendante ne vient conférer à mes actes un caractère de donné sur quoi puisse s'exercer un jugement : ma conscience colle à mes actes, elle est mes actes ; (…) Or voici que j'ai entendu des pas dans le corridor : on me regarde. Qu'est-ce que cela veut dire ? C'est que je suis soudain atteint dans mon être et que des modifications essentielles apparaissent dans mes structures. (…) La personne est présente à la conscience en tant qu'elle est objet pour autrui. Cela signifie que j'ai tout d'un coup conscience de moi en tant que je m'échappe, non pas en tant que je suis fondement de mon propre néant, mais en tant que j'ai mon fondement hors de moi. Idem p. 317,318.
Le regard d'autrui nous aliène, il nous transforme en "en-soi", il nous chosifie. On ne peut pas échapper à cette forme de violence dans les relations avec les autres. "L'enfer, c'est les autres."

d)   "L’effet Pygmalion" :

L’influence inconsciente de l’autre sur moi et de moi sur l’autre.
 Héros de la mythologie grecque, Pygmalion est un sculpteur. Il sculpte une statue en ivoire représentant son idéal féminin, il l'appelle "Galatée" et tombe amoureux de sa statue!  Il implore Aphrodite (Vénus) de donner vie à son œuvre. Aphrodite l’exhausse, sa statue devient vivante. Non seulement son désir peut se réaliser au sens fort, c’est à dire prendre forme dans la matière, mais encore rendre vivant l’être de ses fantasmes. Les autres peuvent jouer cette fonction de "matière première".  Ainsi, nos désirs, (exprimés à travers nos jugements, nos regards ou notre simple présence) ont le pouvoir de "sculpter", de "forger" l’autre de "façonner" sa personnalité, quelquefois de le créer de toute pièce, à la manière d’un sculpteur, voire de lui redonner vie (en désirant de toutes ses forces sa guérison par exemple). Chacun d’entre nous, le plus souvent à son insu, influence, et modifie la conduite d’autrui, et réciproquement.
Le mimétisme propre à chacun de nous favorise grandement ce processus. Nous sommes tous pris dans une alchimie subtile qui nous tisse les uns dans les autres.

4. Je suis les autres, mon "moi" est un nous

a)  Le culturalisme :

L’anthropologie sociale, affirme que notre "essence" humaine, notre personnalité, notre caractère, ce que nous appelons notre MOI, nous le devons entièrement aux autres, à la société, sans laquelle nous ne serions "rien",  LEVI-STRAUSS explique que notre moi est un pur produit de la société dans laquelle nous vivons. Nous sommes des "systèmes codés" et des "systèmes codants". Cf. le cours d'anthropologie.
Celui qui n’a pas reçu, ni appris ces codes de la société, "l’enfant sauvage" cf. MALSON, n’est pas un être humain.

b)  La psychanalyse :

Freud nous explique que "l'autre" est en nous.

1) Les autres, (leurs valeurs, leurs interdits, leurs désirs, leurs fantasmes, leur image, leurs paroles…) ont été, en partie, intériorisés dans notre appareil psychique, soit refoulés dans notre inconscient, soit intégrés dans notre SURMOI ("moi idéal" et "idéal du moi").  L'autre est devenu "moi".

2) Nous avons refoulé de nombreuses représentations liées à nos désirs et à nos expériences personnelles, le résultat de ce refoulement est la constitution d'une "autre" personnalité en nous, ignorée de nous-mêmes. Nous sommes conduits, à notre insu, à projeter cet "autre" nous-mêmes et toutes ses caractéristiques  sur la figure de "l'étranger", que justement nous rejetons. Je suis un "autre" pour moi.

L'autre est en nous, peut donc se comprendre en deux sens.

5. Le besoin de communication

La communication avec autrui. (Voir tout le cours sur le Langage).

a) Langage linguistique :

C'est le désir de communiquer ses sentiments qui aurait  poussé l'être humain à créer la parole. Cf. le texte de J.J.Rousseau sur l'origine du langage autour du puits, Essai sur l'origine des langues.
Tout système de communication implique : un émetteur, un récepteur, un message, et un code.
La transmission d’un message crée un lien, donc une compréhension donc un sentiment de sécurité.
Mais nous avons vu aussi toutes les ambiguïtés des différentes fonctions du langage, et du décodage, et le risque majeur du malentendu.  La communication peut se pervertir et l'outil de la communication peut conduire à l'anti-communication.

b) Langages non linguistiques :

L'art, les symboles, les rituels divers, les gestes, la voix… tout ce que l'homme produit peut fonctionner comme un langage. Cf. Lévi-Strauss, tout peut fonctionner comme un code.

 c) Les communications "extraordinaires", comme les fêtes, les Dionysies, les matchs, les meetings, les manifestations, les rituels religieux, communions, voire le cannibalisme qui est assimilation de l'autre.

d) Le progrès des techniques de communication :
mass-media inter-actives, le téléphone, Internet aujourd’hui…et toutes les possibilités qu'il offre.

e) Limite de cette communication : les "autrui" absents, les morts.

6. Le désir de reconnaissance

Analyse de HEGEL : Le désir naturel se porte sur un objet et vise la conservation de la vie. Pour "montrer", et se prouver à lui-même qu'il n'est pas une bête, qu'il est au-dessus d'elle, bref qu'il est une conscience supérieure, un Homme digne de ce nom doit être capable de mourir pour rien, se démarquant par-là de l'animal. Mais il a besoin d'être "reconnu" par une autre conscience. D'où cette relation "agonistique" de lutte à mort, qui conduit à la relation Maître / Esclave.

[Reprise cette analyse qui se trouve dans le cours sur le Travail et la Technique :
 Dialectique du maître et de l'esclave  (in Phénoménologie de l'Esprit.)   Rappel des principaux temps :

1) - Deux "moi" (= deux consciences) s'affrontent c'est à dire acceptent de risquer leur vie, justement pour signifier que chacun est plus que la vie. (= relation "agonistique" = de combat)

 2) - Pendant le combat, l'un des deux a peur. D'une part, il porte sur la mort un regard de lucidité, mais d'autre part, il est soumis à son propre désir de vivre, comme les êtres naturels, il est esclave de la vie. Donc il se rend, il est vaincu. Il devient l'esclave du maître.
 Le maître est celui qui domine toujours son désir de vivre, il est au-dessus de l'animalité. "C'est seulement en risquant sa vie que l'on conquiert sa liberté" (Hegel), en effet par ce risque "pour rien", la conscience se prouve à elle-même et aux autres qu'elle n'est pas immergée "dans l'océan de la vie", mais indépendante.

 3) - Le maître n'est maître que parce que une autre conscience est là pour le reconnaître, on dit qu'il n'est pas maître "en soi", mais par "une médiation", c'est à dire par l'intermédiaire de quelqu'un d'autre. Au début le maître domine les objets du besoin par son courage, ensuite il les domine par la médiation de l'esclave qu'il interpose entre la nature et lui et qu'il oblige à travailler pour lui. L'esclave, par son travail, transforme les objets matériels en objets de consommation et de jouissance pour le maître.

   4 )- Mais les rapports se renversent bientôt. En effet, l'existence du Maître est une impasse  car il n'est pas reconnu par un être digne de le reconnaître, (à ses yeux, l'esclave n'est pas son égal). Le temps s'arrête pour le maître : il consomme, il jouit, il joue  (à des jeux "agonistiques" c'est à dire de combats et de stratégies, par exemple : la "guerre", la chasse, les tournois, les cartes, les échecs ...), il est dans un système répétitif. Par ailleurs sa liberté n'est que partielle, puisqu'il est totalement dépendant de l'esclave pour vivre.

Au contraire, l'esclave lui, par son travail transforme la nature en fonction des ordres du maître : (construire un palais, confectionner des vêtements, élever des animaux, les soigner, les transformer en plats de festins...). Pour accomplir toutes ces tâches difficiles, il est obligé de discipliner ses besoins, d'être adroit, inventif, rusé, intelligent, fort, et de ce fait, il modifie sa propre nature.

Bref, en maîtrisant la nature, dans un premier temps il lui devient supérieur (à la nature), et peu à peu grâce à ce progrès, il prend conscience de sa liberté idéale (= théorique), comme d'une virtualité à conquérir. Il prend conscience  que, puisqu'il sait subvenir à tous les besoins du maître, il peut subvenir à ses propres besoins et donc s'affranchir de son maître, alors que son maître ne peut pas se passer de lui. Cette idée de liberté est une incitation au dépassement et à la libération effective. Elle est un réel moteur de l'histoire.

(Il faut entendre par "esclave" non un individu particulier, mais l'ensemble de toutes les classes sociales qui ont travaillé, les esclaves, les serfs).

Conclusion de cette analyse. La liberté du maître est virtuelle, sa pensée est immobile, conservatrice. Le risque de la vie dépasse le donné sans le transformer. Le travail de l'esclave conduit vers une libération réelle, parce qu'il transforme le donné naturel et sa propre nature, dans un processus qui est évolutif, cumulatif. Il est créateur de l'histoire. Seul l'esclave engendrera une société où chaque individu pourra être reconnu dans son humanité par les autres. (Cf. interprétation du texte de Hegel, par Kojève ).]

Cette relation est DIALECTIQUE. Ici le terme dialectique est à prendre dans le sens d'une évolution des relations vers une transformation réciproque, asymétrique.

Elle est le modèle d'un grand nombre de relations humaines de "couples", dans lesquelles deux êtres ou deux protagonistes sont face à face : homme  / femme,   parents / enfants,   élève / professeur, maître /disciple ,    bourreau / victime….
Ces relations ne sont jamais statiques, ni figées, l'attitude de l'un transforme nécessairement, à la longue, celle de l'autre, ce changement a à nouveau des conséquences sur l'attitude du premier.

7. Variété et ambivalence de la relation à autrui

La palette des sentiments est riche et nuancée.
Amour / haine,       Eros / Thanatos,          Egoïsme / Altruisme             Puissance / Soumission….
(amour, amitié, passion, haine, mépris. . . . . ).

Certes, Adam et Eve se "connurent" et ne "formèrent qu'une seule chair", mais tout de suite après Caïn tua Abel. Le problème de l’ambivalence des sentiments est posé dés le commencement.

Rappel de quelques connaissances utiles :

a) Le Banquet de Platon. Conception de Pausanias ; l’autre, pour Pausanias, c’est le "même", celui qui lui ressemble. En réalité il est incapable d’accepter le véritable "autre", celui qui est différent, d’où son mépris d’autrui.

b) Conception d’Aristophane, le seul "autre" aimable, c’est son double, sa propre moitié, son alter ego. Nous ne demandons qu’à nous fondre avec notre moitié pour reconstituer l’œuf primordial, nous désintéressant de tout le reste. Mais l'alter ego, ce n'est pas l'autre, ce n'est qu'une petite "partie" de moi, celle qui me ressemble!

c) Importance du mépris chez NIETZSCHE. "Que ton meilleur ami soit ton pire ennemi". Exigence de sévérité pour se dépasser sans cesse. Refus de toute complaisance ou complicité.

d) Conception de FREUD : Deux pulsions régissent nos rapports à l’autre, la pulsion de vie, et la pulsion de mort. D’où une nécessaire ambivalence chez tout être humain. Ce qui est fondamental selon Freud c’est l’égoïsme. L’autre n’est jamais qu’objet pour la satisfaction de nos pulsions. Nous cherchons toujours le plaisir, soit par la négation de l’autre (meurtre, viol, dépossession, exploitation...) soit par son utilisation libidinale. "L’amour est la relation du moi à ses sources de plaisir." Freud. Cette utilisation peut prendre toutes les formes (cf. analyse freudienne des différentes modalités de la perversion, sadisme, masochisme, et tout le cours sur la psychanalyse).

e) JUNG, cf. théorie de l’animus et de l’anima. (Cours sur l’Inconscient.) Les hommes cherchent une femme qui ressemble à leur archétype du féminin, les femmes inversement. On est proche de la théorie de l'alter ego…

f) Perte du rapport à autrui dans  le NARCISSISME. Revoir le mythe de Narcisse qui n'est amoureux que de lui-même et se noie dans un lac en contemplant son propre reflet!

8. Connaître et comprendre l’autre

La compréhension et la connaissance d’autrui sont-elles possibles?

- Négation de cette possibilité : On ne peut comprendre que soi-même par l’introspection. (Cf. La psychologie en première personne)

- Connaissance par analogie, on ne comprendrait bien que ceux que l’on aime (cf. psychologie en deuxième personne). Mais risque de projection des fantasmes.

- Connaissance par les tests (cf. la psychologie en troisième personne), et par la psychanalyse.

Les limites de ces connaissances : on ne peut jamais prévoir la conduite d’autrui.
Il reste source "d’imprévisible nouveauté" cf. Bergson.  Pas plus que l’on ne parvient à se comprendre, à se connaître soi-même, on ne peut cerner le mystère de l’autre.

9. Peut-on ne pas reconnaître l'humanité de l'autre ?

Hélas oui ! C'est tout le problème que  nous avions examiné dans La Controverse de Valladolid. L'humanité de l'autre (ici celle de l'Indien) est si peu évidente, qu'il faut réunir un véritable "tribunal" pour en décider. La position de Sépulvéda, disciple d'Aristote, est radicale, les Indiens ne sont pas des hommes. (Voir le cours sur l'ANTHROPOLOGIE) D'où la justification de tous les actes de BARBARIE, à l'égard des "barbares".

La cruauté humaine est analysée par le psychanalyste, E. Fromm. Revoir le tableau de l'agressivité : L'agressivité "bénigne", celle que l'on trouve dans la nature, et l'agressivité "maligne", la cruauté sans limite des hommes les uns envers les autres. Rappelez-vous que le barbare, c'est d'abord celui qui se conduit comme un barbare, parce qu'il croit en la barbarie de l'autre.
Triste actualité de ce thème. Le XX e siècle a vu le retour de la barbarie.
Cf. le texte de V.Jankélévitch : Document 3.

10. Comment organiser les relations entre les hommes dans la société ?

L’organisation des relations avec autrui, le problème social.

Le groupe, lieu où s’affrontent les tendances antagonistes. Importance de l’agressivité, du refus de l’autre dans le sens de l’altérité, de la différence. Lévi-Strauss affirmait que toute société était "anthropophagique" et "anthropoémique".
Anthropoémie = vomir l'homme, l’exclure le rejeter, voire l'éliminer.
Anthropophagie = avaler l'homme, le digérer, donc, l'assimiler.

a) Les institutions, prohibition de l’inceste, toutes les lois et commandements, les rites, les codes organisent les rapports entre les individus. La Prohibition de l'Inceste est à l'origine du difficile et douloureux "complexe d'Œdipe" si déterminant dans les relations familiales, puis amoureuses.

b) Le travail (relations de domination, de solidarité etc.)

c) Les différents modèles de régimes politiques (cf. cours sur l’Etat.)

11. L’altruisme

L'altruisme qualifie une morale qui privilégie autrui.

a) Dans les religions en général, non seulement le respect de l’autre est exigé, mais aussi et surtout "l'amour du prochain" et la charité, cf. le commandement  "Aime ton prochain comme toi-même." La Compassion et bienveillance universelle chez les bouddhistes, non-violence absolue.

b) Quelques philosophes ont analysé des sentiments altruistes comme la "pitié" (J.J.ROUSSEAU) ou comme la "sympathie" (Max SCHELLER, BERGSON), sentiment nous faisant communiquer de l’intérieur avec l’autre ou encore le RESPECT, sentiment "pratique" c’est à dire moral (KANT), considérant autrui quel qu’il soit comme une personne ayant une valeur absolue, donc pas le droit de toucher à sa vie ni de lui mentir ou de le tromper...

c) Levinas (philosophe contemporain) fonde toute son éthique sur la contemplation du  visage humain, reflet de l'infini. Rien n'est supérieur à l'approche du prochain.

12. Peut-on vivre sans autrui : la solitude

"Il n’est pas bon que l’homme soit seul". Cf. Genèse.

Il faut distinguer l'isolement et la solitude.

L'isolement vient du latin insula, l'île. Il suggère un éloignement des autres dans l'espace. Un homme peut être loin de tous et ne pas ressentir la solitude, il "communie" avec la nature, le cosmos, Dieu ou se sent proche par le cœur d'un être aimé. Il peut même avoir le téléphone.

- La solitude est l'absence de communication ou l'impossibilité de communiquer. Deux êtres qui vivent ensemble sans communiquer sont solitaires "solitude à deux". On peut être seul dans une foule immense.
Il est clair que l'isolement peut engendrer un sentiment de solitude, mais pas nécessairement.

a) L'isolement apparaît comme une punition. 1. Dans les prisons, les  QHS (quartiers de haute sécurité) où le prisonnier était complètement séparé, dans des cellules "étanches" ont du être supprimés parce qu'estimés insupportables, invivables par les prisonniers.  2. La pire des tortures selon le témoignage des torturés serait  la  "torture blanche", isolation sensorielle complète, qui produirait des hallucinations et des angoisses totalement déstructurantes et qui rendraient fou le sujet.

b) L'isolement accidentel et involontaire, le naufrage sur une île. La perte du groupe. (Cf. le Robinson de M. TOURNIER, décrit dans Vendredi ou les limbes du Pacifique.) L'isolement se transforme peu à peu en solitude. Robinson décrit cette évolution comme catastrophique, conduisant à la perte de la parole, (donc de sa pensée, donc de son humanité), mais aussi à la folie. C'est pendant cette chute qui ressemble à une descente aux enfers que Robinson prend conscience de la nécessité absolue de l'existence des autres : Les autres nous donnent notre existence. Ils sont notre "sève", des "phares", ils éclairent notre univers, lui donnent non seulement un sens mais aussi son existence.

"Je sais maintenant que chaque homme porte en lui  - et comme au-dessus de lui -  un fragile et complexe échafaudage d'habitudes, réponses, réflexes, mécanismes, préoccupations, rêves et implications qui s'est formé et continue à se transformer par les attouchements perpétuels de ses semblables. Privée de sève, cette délicate efflorescence s'étiole et se désagrège. Autrui, pièce maîtresse de mon univers" (…)  Mais mes relations avec les choses se trouvent elles-mêmes dénaturées par ma solitude. (…) Le langage relève en effet d'une façon fondamentale de cet univers peuplé où les autres sont autant de phares créant autour d'eux un îlot lumineux à l'intérieur duquel tout est  - sinon connu -  du moins connaissable. Les phares ont disparu de mon champ. Nourrie par ma fantaisie, leur lumière est encore longtemps parvenue jusqu'à moi. Maintenant, c'en est fait, les ténèbres m'environnent.

Et ma solitude n'attaque pas que l'intelligibilité des choses. Elle mine jusqu'au fondement même de leur existence. De plus en plus, je suis assailli de doutes sur la véracité du témoignage de mes sens. Je sais maintenant que la terre sur laquelle mes deux pieds appuient aurait besoin pour ne pas vaciller que d'autres que moi la foulent. Contre l'illusion d'optique, le mirage, l'hallucination, le rêve éveillé, le fantasme, le délire, le trouble de l'audition… le rempart le plus sûr, c'est notre frère, notre voisin, notre ami ou notre ennemi, mais quelqu'un, grands dieux, quelqu'un ! (Michel TOURNIER, Vendredi ou les limbes du Pacifique, Gallimard, 1967)

c) L'isolement volontaire, et "préparé" des ermites. Des "lamas tibétains" (Milarépa) se sont fait emmurer quelquefois durant trente ans, dans une solitude absolue.

d) L’isolement du Zarathoustra de Nietzsche pendant dix ans, dans sa caverne au sommet de la montagne, pour se métamorphoser et devenir "comme le soleil".

Ces refus des autres sont-ils le signe d’une fragilité ou d’une sagesse exceptionnelle ?

La solitude déshumanise celui qui n'y est pas préparé ou surhumanise celui qui s'y accomplit.

CONCLUSION

Ambivalence de l'homme, à la fois "solitaire et solidaire" Kant.
"L'inquiétante étrangeté de l'autre", Freud, n'est-elle pas le reflet de notre ignorance de nous-mêmes ?

Document 1 - Texte de Heidegger

"La révélation de l’existence d’autrui est incluse dans l’être avec autrui. Notre existence, parce qu’elle est être-avec-autrui, inclut d’emblée la compréhension d’autrui ; Cette compréhension n’a pas la connaissance pour origine, elle est au contraire liée à un mode d’être avec les autres, qui est à l’origine de nos connaissances et même de toute notion.

Vivant dans le monde avec autrui, chacun est situé dans un monde ambiant où il peut découvrir les autres, devenir soucieux par eux ou bien pour eux. Autrui se révèle ainsi d’abord, avec justesse, sur le mode de la préoccupation et de l’assistance.

Mais en usant des transports en commun ou des services d’information (des journaux par exemple), chacun est semblable à tout autre. Cette situation d’indifférence et d’indistinction permet au "on" de développer sa dictature caractéristique : nous nous amusons, nous nous distrayons, comme "on" s’amuse ; nous trouvons "scandaleux" ce que "l’on" trouve "scandaleux" ; nous jugeons et parlons de littérature ou de musique, comme "on" en parle ou "on" en juge. Le "on", qui n’est personne de déterminé et qui est tout le monde, prescrit à la réalité quotidienne son mode d’être. En réussissant toujours à se dérober, le "on" se mêle de tout. 

L’être en commun dissout complètement l’être qui est le mien : chacun est l’autre et personne n’est soi-même. "

(Martin Heidegger, L’Etre et le Temps)

Document 2 - Texte de Sartre sur la honte

Je viens de faire un geste maladroit ou vulgaire : ce geste colle à moi, je ne le juge ni ne le blâme, je le vis simplement, je le réalise sur le mode du pour-soi. Mais voici tout à coup que je lève la tête : quelqu'un était là et m'a vu. Je réalise tout à coup toute la vulgarité de mon geste et j'ai honte. Il est certain que ma honte n'est pas réflexive, car la présence d'autrui à ma conscience, fût-ce à la manière d'un catalyseur, est incompatible avec l'attitude réflexive : dans le champ de ma réflexion je ne puis jamais rencontrer que la conscience qui est mienne. Or autrui est le médiateur indispensable entre moi et moi-même : j'ai honte de moi tel que j'apparais à autrui. Et par l'apparition même d'autrui, je sui mis en mesure de porter un jugement sur moi-même comme sur un objet, car c'est comme objet que j'apparais à autrui. Mais pourtant cet objet apparu à autrui, ce n'est pas une vaine image dans l'esprit d'un autre. cette image en effet serait entièrement imputable à autrui et ne saurait me "toucher". Je pourrais ressentir de l'agacement, de la colère en face d'elle, comme devant un mauvais portrait de moi, qui me prête une laideur ou une bassesse d'expression que je n'ai pas ; mais je ne saurais être atteint jusqu'aux moelles : la honte est, par nature, reconnaissance. Je reconnais que je suis comme autrui me voit.
(…)
Imaginons que j'en sois venu, par jalousie, par intérêt, par vice, à coller mon oreille contre une porte, à regarder par le trou d'une serrure. (…)  L'Etre et le Néant p.276.

Document 3 - Texte de V. Jankélévitch

"Il y aura bientôt vingt ans que la dernière fournée de malheureux est entrée nue dans les chambres à gaz, poussée par les chiens et par les gardes pires que leurs chiens. Car cela a été possible. Ce crime sans nom est un crime vraiment infini, dont l'inex­primable horreur  s'approfondit à mesure qu'on l'analyse. On croyait savoir et on ne savait pas encore, ni à quel point. Nous-mêmes qui aurions tant de raisons de savoir, nous apprenons chaque jour quelque chose de nouveau, un détail particulièrement révoltant, un supplice particulièrement ingénieux, une atrocité machiavélique dont, il faut bien le dire, le  sadisme allemand seul est capable. Il n'est pas étonnant qu'un crime insondable appelle en quelque sorte une méditation inépuisable. Ces inventions inédites de la cruauté, les abîmes de la perversité la plus diabolique, les raffinements inimaginables de la haine, tout cela nous laisse muets, et d'abord confond l'esprit. On n'en a jamais fini d'approfondir ce mystère de la méchanceté gratuite.

A proprement parler, le grandiose massacre n'est pas à l'échelle humaine ; pas plus que les grandeurs astronomiques, et les années-lumière. Aussi les réactions qu'il éveille sont-elles d'abord le désespoir et un sentiment d'impuissance devant l'irréparable. On ne peut rien. On ne redonnera pas la vie à cette immense montagne de cendres misérables. On ne peut pas punir le criminel d'une punition proportionnée à son crime : car auprès de l'infini toutes les grandeurs finies tendent à s'égaler ; en sorte que le châtiment devient presque indifférent ; ce qui est arrivé est à la lettre inexpiable. On ne sait même plus à qui s'en prendre, ni qui accuser. Accuserons-nous ces touristes allemands placides et bonasses et qui, eux, se portent bien, et ont à coup sûr très bonne conscience ? Ils seraient certes fort étonnés d'être ainsi pris à partie et se demanderaient ce que nous leur voulons et de quoi il est question. Personne ici-bas n'a mauvaise conscience, cela est bien connu. Personne n'est coupable, car personne n'a jamais été nazi ; en sorte que le monstrueux génocide, catastrophe en soi, comme les tremblements de terre et les raz de marée, n'est la faute de personne.

Eh bien non ! Le massacre méthodique, scientifique, administratif de six millions de Juifs n'est pas un malheur "en soi", c'est un crime dont un peuple entier est responsable, et il n'y a pas de raison de ne pas dire le nom de ce peuple, ni de céder à l'étrange pudeur qui interdit aujourd'hui de le prononcer. La monstrueuse machine à broyer les enfants, à détruire les Juifs, les Slaves, les Résistants par centaines de milliers ne pouvait fonctionner que grâce à d'innombrables complicités.
Hélas ! Du mécanicien des convois qui menaient les déportés à la mort jusqu'au bureaucrate qui tenait les bordereaux des victimes, il y abien peu d'innocents parmi cette génération d'Allemands muets ou complices. Qu'un peuple entier ait été de près ou de loin associé à l'entreprise de la gigantesque extermination, qu'un peuple débonnaire ait pu être ce peuple enragé, cela mérite réflexion.

Et nous devant ce qui est maintenant accompli, que devons nous faire ? Au sens propre du verbe faire, on ne peut plus faire que des gestes inutiles, symboliques et même déraisonnables, comme par exemple de ne plus jamais aller en Allemagne. Et pourtant quelque chose nous incombe. Ces innombrables morts sont notre affaire à nous. Qui en parlerait si nous n'en parlions pas ?  Qui même y penserait ? Nous qui survivons par hasard, nous ne sommes tout de même pas plus à plaindre qu'eux ; notre nuit n'est tout de même pas plus noire que la leur ; leur affreuxcalvaire nous a été épargné ; leurs épreuves, nous et nos enfants ne les connaîtrons plus. Ce qui est arrivé est unique dans l'histoire et sans doute ne se reproduira jamais, car il n'en est pas d'autres exemples depuis que le monde est monde ; un jour viendra où l'on ne pourra même plus l'expliquer. On éprouverait quelque soulagement à banaliser ce cauchemar ; une guerre comme toutes les guerres, gagnée par l'un, perdue par l'autre, et accompagnée par les malheurs inévitables de la guerre, il n'y aurait dans ces abstractions, rien que de très ordinaire, rien qui puisse troubler le sommeil d'une bonne conscience. Mais non le sommeil ne revient pas. Nous y pensons le jour, nous en rêvons la nuit. Et puisqu'on ne peut cracher sur les touristes, ni leur jeter des pierres, il reste une seule ressource : se souvenir, se recueillir. Quand on ne peut rien "faire", on peut ou moins ressentir inépuisablement. C'est  sans doute ce que les brillants avocats de la prescription appelleront notre ressentiment  notre impuissance à liquider le passé. Au fait ce passé fut-il jamais pour eux un présent ? Mais le "ressentiment" peut être aussi le sentiment renouvelé et intensément vécu de la chose inexpiable. Bientôt les arbres fleu­riront à Auschwitz, comme partout ; car l'herbe n'est pas dégoûtée de pousser dans ces campagnes maudites ; le printemps ne distingue pas entre nos jardins et ces lieux d inexprimable misère. Aujourd'hui, quand les sophistes nous convient à l'oubli, nous marquerons fortement notre muette et impuissante horreur devant la folie de la haine."(V. Jankélévitch, Le Monde, 4 janvier 1965)

Document 4 - Exemple de problématique sur le sujet :
"Est-il possible d'aimer son prochain comme soi-même ?"

L'ordre le plus important à respecter pour les Chrétiens était celui d'aimer son prochain comme soi-même. Le christianisme a dominé l'Occident pendant plus de deux mille ans. Les milliers de guerres, les massacres, le mépris, l'exploitation des hommes, la barbarie qui ont rempli ces siècles, signent l'échec de cet idéal éthique.

D'abord, l'amour, intense attirance affective vers un autre être qui devient le centre du monde, peut-il se commander  ? N'est-il pas au contraire spontané et absolument  involontaire ? De plus, si l'amour selon Freud est la réactivation d'un amour ancien perdu, comment pourrait-il se fixer sur plusieurs êtres anonymes ? L'objet de l'amour n'est-il pas unique ? L'amour n'est-il pas choix, sélection. Aimer son prochain pourrait être le fait de donner une préférence à quelques proches. Mais qu'est-ce qui définit la proximité d'un être par rapport à soi ? L'espace, le sang, la similitude des croyances ? Le prochain est-il notre voisin, notre famille, nos coreligionnaires ?  Mais justement, si d'une part l'amour ne se commande pas, d'autre part c'est le plus souvent dans la proximité que se nouent les conflits les plus aigus. Caïn n'a-t-il pas haï son frère ? Œdipe n'a-t-il pas tué son père ? Aimer son prochain, en tant que proche paraît très difficile. Mais si l'on donne à "prochain" une acception plus vaste, celle de Las Casas dans La Controverse de Valladolid : tous les hommes créés par Dieu en tant qu'ils sont frères, alors, le commandement ne devient-il pas irréalisable ? En effet, "l'autre", l'étranger ne suscite-t-il pas en moi d'abord une crainte ? N'est-il pas celui sur qui je projette d'emblée les valeurs négatives que j'ai refoulées, c'est-à-dire "l'autre" en moi, ignoré de moi, selon Freud ? A moins qu'il ne faille distinguer comme le faisaient les Grecs plusieurs formes d'amour, l'amour sensuel : eros et l'amour de l'âme : agapè. Cependant, si je dois "aimer" tout autre comme moi-même, est-il certain que je m'aime ? Certes nous avons tous une grande part d'égoïsme, mais ne sommes-nous pas tous inconsciemment ambivalents par rapport à nous-mêmes ?

Si cet idéal chrétien nous est encore inaccessible, n'en reste-t-il pas moins une valeur à approcher. Peut-on substituer à cet idéal une attitude plus accessible, la compassion, le respect, la justice ?   Si cet idéal chrétien nous est encore inaccessible, n'en reste-t-il pas moins une valeur à approcher. Peut-on substituer à cet idéal une attitude plus accessible, la compassion, le respect, la justice ?

D.Desbornes. 2010