Découverte de la philosophie
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La Morale, le Devoir, les Fondements de l'Ethique

1. Le devoir

2. Fondements de l'éthique

3. Y a-t-il  un intérêt à accomplir son devoir ?

 

"Tu dois", "tu ne dois pas" expriment des ordres et des interdits, soit des limites. Les religieux, les anthropologues, les hommes politiques, les psychanalystes affirment tous qu'aucune société humaine ne peut exister sans limites.

- D'abord parce que les hommes sont naturellement égoïstes. Chacun recherche en priorité son bien-être et son plaisir. Les hommes reproduisent spontanément la loi naturelle de la jungle qui se traduit par la chaîne alimentaire. Chaque animal est à la fois la proie d'une espèce et le prédateur d'une autre espèce. Hobbes, puis Freud affirment que "L'homme est un loup pour l'homme." Sans interdits, la société ne serait pas  viable.

- Ensuite parce que c'est en confrontant ses désirs à des limites que l'individu peut développer sa volonté, structurer et enrichir sa personnalité et devenir réellement humain. Freud pense que l'interdit permet au désir de s'élaborer et crée une arborescence de la personnalité. Lévi-Strauss montre que la prohibition de l'inceste, en créant un triple échange (social, économique, linguistique), est fondateur de la société humaine.

1. Le devoir

Cependant ces limites sont de plusieurs natures.

Le "tu dois" peut signifier :

- "il faut", et relever de la nécessité,

- ou "c'est bien" et relever de la morale,

- ou encore "c'est la loi" et relever de la légalité

1. La contrainte est une pression physique ou sociale ou psychologique qui  produit (ou empêche) un mouvement ou une action par la force ou la menace vitale. Le sujet n'est pas libre, il est dans une relation de soumission. La nature (par ses séismes, les maladies, les agressions des animaux, les besoins vitaux comme celui de se nourrir etc.) la civilisation (par les guerres, l'économie, la violence des délinquants etc.), le progrès technique (manipulation  de l'électricité,  codes de circulation) nous mettent dans des situations où nous n'avons ni le choix ni la force de les refuser. L'esclavage faisait partie de contraintes sociales incontournables. Les êtres humains que l'on forçait à agir (ou à ne pas agir) par la contrainte étaient en général considérés avec mépris, comme des êtres inférieurs ou sans conscience.

(Pourtant les rapports entre la contrainte et la liberté ne sont pas si simples. En effet, nous avons vu dans le cours sur la liberté que souvent la liberté était acquise grâce à des contraintes que l'on s'était soi-même imposées.)

2. Le devoir moral se présente à l'homme comme un ordre, un commandement, une obligation d'accomplir (ou de ne pas accomplir) une action. La finalité du devoir est le respect du Bien et l'évitement du mal. Le devoir se fonde donc sur des valeurs. La vertu est la qualité de l'homme qui accomplit, son ou ses devoirs. Le vice le défaut de celui qui fait le mal ou "méchant". L'innocence qualifie l'état de celui qui "ne nuit pas", donc qui ne fait pas  le mal.

Le devoir est un commandement qui passe par le relais de la conscience. Le sujet est supposé capable, ayant intériorisé l'ordre, d'obéir c'est-à-dire de se commander à lui-même. Il suppose donc un être conscient et raisonnable. Le sujet est libre. Il peut toujours désobéir à Dieu (Cf. Adam et Eve), à la société ou à sa propre conscience. L'ensemble de ces caractéristiques définit une personne.

3.  Le devoir social ou Droit. La justice est d'abord définie comme le respect des lois de la société. Cependant, à travers l'histoire, on a pu voir apparaître de nombreuses conceptions de la justice très différentes les unes des autres. En général c'est le DROIT reconnu par une société ou un Etat qui définit la justice. Mais ce droit peut paraître injuste à la conscience. Par exemple chez les Grecs anciens l'esclavage était un droit.

Lorsque l'on définit la justice idéale comme respect des lois de la conscience, alors, l'homme juste se confond avec l'homme vertueux. "La doctrine du Droit est une partie de la morale" écrit Schopenhauer.

Il faudrait savoir quelle est l'origine de ces obligations imposées aux hommes et quelles sont leurs fonctions.

- Origine : Les religieux affirment que les premiers devoirs donnés à l'homme dans la Genèse expriment la volonté de Dieu. Mais ces ordres s'adressaient à une humanité innocente et bonne qui n'avait pas encore expérimenté sa volonté de puissance dans la transgression. Ils assuraient une vie paisible au paradis. Lorsque l'humanité est chassée de l'Eden, ses devoirs changent de nature. Les Dix Commandements s'adressent à une humanité corrompue.

En fait ce que les religieux appellent "volonté de Dieu" varie à travers les différentes religions. Les devoirs dictés à l'homme dans la Bible ne sont pas les mêmes que ceux du Coran ou ceux des multiples religions.  A ces devoirs s'ajoutent des devoirs socio-politiques.  Pour survivre, la société doit imposer un ordre, la loi de l'Etat. Il arrive que l'homme rencontre un conflit entre des devoirs contraires. Antigone pense que son devoir est de désobéir aux ordres de Créon (devoir politique) et d'obéir à son devoir religieux : celui d'enterrer son frère. Par ailleurs, la loi politique n'est pas toujours juste (esclavage, tyrannie) ? Dans ce cas, le devoir de l'homme n'est-il pas de désobéir, de se révolter ? L'homme qui désobéit à l'Etat pense obéir à une instance supérieure à lui, sa propre conscience morale. Où trouver une instance qui nous donnerait le modèle d'une justice parfaite et universelle ? Kant propose l'obéissance à "l'impératif catégorique". La "Raison pratique" n'a pour finalité que le respect de la conscience en soi et chez l'autre. Mais comment faire éclore ce respect de l'autre ? L'autre n'est-il pas le plus souvent perçu comme une menace, un rival, un être à éviter, à éliminer ou à dominer ? La reconnaissance de l'autre ne passe-t-elle pas d'abord par une identification à l'autre ? Schopenhauer affirme que le fondement de la conscience morale repose sur l'aptitude à la pitié qu'il identifie à la compassion. Seul ce sentiment serait capable d'annuler la différence entre le moi et le non-moi et de me pousser à vouloir pour l'autre ce que je veux pour moi et inversement. La compassion permettrait non seulement d'accomplir notre devoir par rapport aux autres hommes, mais ne permettrait-elle pas de dépasser la notion de devoir dans la charité.

Comment savoir si cette conscience morale n'est pas une synthèse des ordres venus de la société, donc une forme déguisée du conformisme, une figure du Surmoi freudien ?

Fonctions : Quels peuvent être les mobiles et les bénéfices liés à l'accomplissement du devoir ? L'accomplissement de nos devoirs nous rend-il plus heureux ? Assure-t-il l'ordre dans la société ? Nous garantit-il la paix de l'âme ?

Nietzsche a-t-il raison de nous convier à dépasser le bien et le mal ?

Vocabulaire

Beaucoup d'auteurs confondent Morale, Moralité et Ethique.

La morale. Elle comprend  l'ensemble des règles d'une société, fondées sur les mœurs et les traditions. Ces règles définissent une conduite ou un ensemble de conduites visant le Bien. On devrait dire "les" différentes conceptions du Bien. En effet, à travers l'histoire on voit une grande diversité de morales. La morale des Grecs par exemple n'impose pas d'interdits sexuels, contrairement aux morales judéo-chrétiennes, elle vante l'esclavage.

La Moralité. C'est l'ensemble des conduites ou "mœurs" d'un individu qui respecte les règles et les valeurs de sa société . Cette moralité n'est pas, et c'est paradoxal, nécessairement "morale". La moralité d'un être ou d'une société peut être douteuse, corrompue ou dépravée.

L'éthique, au sens contemporain, est une réflexion qui cherche un fondement ou un principe universel qui pourrait guider les conduites morales. Par exemple, il a été nécessaire de créer des "comités d'éthique" pour trouver une ligne de conduite juste, respectueuse de la conscience et de l'humanité, au milieu des problèmes graves soulevés par les progrès de la science, dans le secteur de la biologie particulièrement (Voir le cours sur le progrès technique.)

 

2. Fondements de l'éthique

Voici, en résumé, quelques hypothèses utiles. A vous de savoir comment vous vous situez par rapport à celles-ci.

1. Le devoir serait dicté par Dieu. Interprétation théologique.

Pour les religieux Dieu est un être transcendant, mais il rend visible sa volonté à tous, en la gravant dans la pierre. L'homme est libre de lui obéir ou de lui désobéir. En cas de désobéissance, le châtiment est terrible.  

a. Les lois divines de la Genèse

1. Dominer la nature et les animaux. 

2. Se multiplier et remplir la terre.

3 Se nourrir de céréales et de fruits.

4. Cultiver le jardin.  

5. Le garder (le protéger, le conserver en l'état).

6. Parler : donner des noms aux choses.  7 Ne former qu'une seule chair (monogamie).

8. Ne pas manger du fruit de l'arbre de la connaissance du Bien et du Mal. (Un seul interdit).

   b. Les Dix Commandements

Les 10 Commandements :  Ancien TestamentExode 20 ) donnés à Moïse sur le Mont Sinaï :

- 1 Tu n'auras pas d'autres dieux devant ma face. (monothéisme)

- 2 Tu ne te feras point d'image taillée, ni de représentation quelconque des choses qui sont en haut dans les cieux, qui sont en bas sur la terre, et qui sont dans les eaux plus bas que la terre. Tu ne te prosterneras point devant elles, et tu ne les serviras point ; car moi l'Eternel, je sis un Dieu jaloux, qui punit l'iniquité des pères sur les enfants jusqu'à la troisième et la quatrième génération de ceux qui me haïssent, et qui fais miséricorde jusqu'en mille générations à ceux qui m'aiment et qui gardent mes commandements.

- 3 Tu ne prendras point le nom de l'Eternel en vain (= tu ne "prononceras" pas....)

- 4 Souviens-toi du jour du repos, pour le sanctifier. Tu travailleras six jours, et tu feras tout ton ouvrage. Mais le septième jour est le jour du repos de l'Eternel, ton Dieu : tu ne feras aucun ouvrage, ni toi, ni ton fils, ni ta fille, ni ton serviteur, ni ta servante, ni ton bétail, ni l'étranger qui est dans tes portes. (....) [shabbat ou sabbat : samedi dans religion juive, dimanche dans religion chrétienne, vendredi dans la religion musulmane]

- 5 Honore ton père et ta mère....(...)
- 6 Tu ne tueras point.

- 7 Tu ne commettras point d'adultère.

- 8 Tu ne déroberas point.

- 9 Tu ne porteras point de faux témoignage contre ton prochain.

- 10 Tu ne convoiteras point la maison de ton prochain ; tu ne convoiteras point la femme de ton prochain, ni son serviteur, ni sa servante, ni son bœuf, ni son âne, ni aucune chose qui appartienne à ton prochain."

Huit interdits, deux obligations.

Il n'y a pas  d'interdit de l'esclavage.

c. Le christianisme : La morale du cœur

"Aime ton prochain comme toi-même". Tel est le principal devoir du Chrétien. Le devoir est fondé sur l'amour universel. Saint Augustin donne ce précepte : "Aime et fais ce que tu veux." Il veut dire que l'être, traversé par l'amour de l'autre, ne peut lui faire que du bien.

La civilisation occidentale est fondée sur ces principes et les valeurs qu'elles sous-tendent. Malgré une morale de haut niveau, la "moralité" des Européens est loin d'avoir été exemplaire. La liste de leurs cruautés est interminable !

Les prêtres ont ajouté une grande quantité d'autres interdits, sur la sexualité en particulier.
     
2. Le devoir dépend du Bien. Interprétation métaphysique.

Platon affirme que la morale découle de la connaissance du Bien. Les prisonniers de la caverne ignorent la Vérité et le Bien. Ils ne sont pas "méchants volontairement".

C'est surtout dans le mythe d'Er que se dessine la morale de Socrate que Platon reprend à son compte. Le Bien et le mal y sont définis. Le mal c'est l'injustice, c'est-à-dire une action au détriment d'une ou de plusieurs personnes, qui peut causer un dommage, de la souffrance, la mort. Par exemple on peut causer la mort des hommes, soit par trahison, soit en les réduisant en esclavage. Il suffit d'aller voir quels sont ceux qui méritent l'enfer ! Le mal c'est donc le non-respect de l'existence de l'autre. (Revoir le cours). Le Bien, c'est le respect de ce qui est sacré, l'aide aux autres… Ceux dont l'oubli n'a pas voilé la connaissance du bien, choisissent une existence dans laquelle ils pourront plus facilement accomplir leurs devoirs, donc être justes.

Dans un autre mythe, Platon compare l'âme à un attelage ailé. L'âme est un char emporté par deux chevaux ailés. L'un est noir, il représente les appétits (besoins, désirs du corps). L'autre est blanc, il symbolise les sentiments nobles, le courage, la générosité. Le cocher est l'intelligence. L'intelligence doit assurer l'harmonie. La justice et la destinée de l'âme dépendent de cette harmonie. Malheureusement, très peu d'esprits ont la chance d'être initiés à cette connaissance de la Vérité qui se confond avec le Bien.

Spinoza XVII° explique que c'est dans la connaissance du "troisième genre" que l'âme peut comprendre l'ordre divin et donc s'identifier à lui. La vraie morale se situe à ce niveau. Le sage ne trouble en rien la nécessité divine, il fond  sa volonté en elle. Le devoir se confond ainsi avec la liberté.(Revoir la fiche sur Spinoza).

3. La source du devoir est la "Raison pratique", Kant

Kant, XVIII°, à la question "Que puis-je savoir ?", Kant répond : Rien. (Voir le cours sur la vérité). Donc si je ne peux pas  connaître la vérité, aucune morale ne peut en être déduite comme le prétendait Platon.

En revanche, à la question "Que dois-je faire" Kant propose une réponse claire, absolue et universelle.

En effet, la "RAISON PRATIQUE" est une  instance universelle qui donne à l'homme une loi morale, sous la forme d'un "impératif catégorique" c'est-à-dire d'un commandement (ou devoir) clair, absolu, indiscutable. Elle permet à l'homme d'agir moralement. Un être doué de cette raison pratique s'appelle une PERSONNE.

Explication : chaque être humain perçoit sa conscience comme un absolu, c'est-à-dire qu'il donne à sa propre personne une valeur de dignité infinie, méritant le respect. Mais il est capable d'universaliser, c'est à dire de comprendre que tous les autres êtres humains sont pour eux-mêmes des absolus. Et de cette façon, il peut "élargir" ce respect à l'humanité tout entière. C'est là le fondement de la morale kantienne, et le respect de cette morale fait de nous des êtres libres.

La raison pratique (morale) nous donne des ordres clairs et indiscutables, il suffit d'écouter sa conscience morale, ces ordres ou devoirs sont appelés par Kant : "impératifs catégoriques".

Les trois impératifs catégoriques de la RAISON PRATIQUE sont les suivants :

I. "Agis de telle sorte que la maxime de ton action puisse être érigée par ta volonté en loi  universelle de la nature."

(= quand tu agis, donne au monde entier la permission de faire ce que tu fais. Par exemple tu veux tuer tel homme, imagine que tout le monde ait le droit de tuer tout le monde. La vie sociale est-elle encore possible dans ces conditions ? Non !

2.  " Agis de telle sorte que tu traites l'humanité aussi bien dans ta personne que dans la  personne de tout autre, toujours comme une fin et jamais simplement comme un moyen".

(= tu n'as pas le droit d'instrumentaliser qui que ce soit, c'est-à-dire de t'en servir comme s'il était un objet, en en faisant un esclave. Tu n'as pas  le droit de te traiter toi-même comme une chose, de te vendre à quelqu'un comme esclave, par exemple, pour régler des dettes. Tu n'as pas, non plus le droit de torturer quelqu'un pour obtenir des renseignements, même si cela te permettait de sauver mille autres personnes.)

3.  " Agis de telle sorte que tu sois à la fois législateur et sujet dans le règne des fins."

(quand tu agis, il faut que la loi à laquelle tu obéis vienne de ta conscience. Si tu obéis aux ordres que te donne ta conscience, alors tu es libre.) C'est le fait d'obéir à cette loi, que nous percevons en nous comme une exigence, une  OBLIGATION INTERIEURE, qui fait de nous des êtres "AUTONOMES" = LIBRES.

Kant appelle "bonne volonté" l'obéissance aux lois de la Raison Pratique.

 

"Tout homme a une conscience et se trouve observé, menacé, de manière générale tenu en respect (respect lié à la crainte) par un juge intérieur et cette puissance qui veille en lui sur les lois n'est pas quelque chose de forgé (arbitrairement) par lui-même, mais elle est inhérente à son être. Elle le suit comme son ombre quand il pense lui échapper. Il peut sans doute par des plaisirs ou des distractions s'étourdir ou s'endormir, mais il ne saurait éviter parfois de revenir à soi ou de se réveiller, dés qu'il en perçoit la voix terrible. Il est bien possible à l'homme de tomber dans la plus extrême abjection où il ne se soucie plus de cette voix, mais il ne peut jamais éviter de l'entendre."   Kant.

Si au contraire, nous faisons notre devoir parce que nous pensons que nous en serons mieux reconnus dans notre groupe, ou pour avoir bonne conscience, ou dans l'espoir d'aller au paradis après notre mort, alors nous obéissons, à des mobiles ou à des motifs, c'est à dire  à des lois qui nous sont  imposées de l'extérieur, (= à des "impératifs hypothétiques") qui s'expriment sous la forme : "Si  tu veux..., alors", nous  sommes dans ce cas "hétéronomes". Nous obéissons à un ordre étranger  à  nous-mêmes, donc nous ne sommes  pas libres.

Kant estime que peut-être jamais aucun acte  n'a été entièrement autonome !

Etre libre c'est donc obéir à sa propre loi, celle-ci vient de notre conscience (Raison Pratique.)

Cette exigence de la conscience est si forte à l'intérieur de nous, qu'elle nous pousse à espérer une récompense pour celui qui la respecte. Une survie de l'esprit (immortalité) et une réunion de tous les esprits qui ont accompli avec pureté leur devoir sans chercher dans la société leur intérêt ou leur bonheur, dans la "République des bonnes volontés", sorte de paradis après la mort. L'immortalité de  l'âme n'est pas un dogme ou une vérité première de laquelle on déduirait la moralité, mais seulement une hypothèse, un espoir qui résulte de la force de la Raison Pratique.

Si tous les hommes respectaient leur raison pratique (= la loi morale inscrite au fond d'eux-mêmes), alors non seulement ils seraient libres, mais ils vivraient dans la justice et dans une paix universelle.

La Déclaration Universelle des Droits de l'Homme est très fortement influencée par la philosophie de Kant. Aujourd'hui, elle est loin d'être respectée. Elle est un idéal d'humanité. Elle se fonde sur la dignité et le respect de la personne humaine.

4. Le devoir est fondé sur la pitié (ou compassion): Schopenhauer.

Résumé du livre de Schopenhauer : Le fondement de la morale.

Schopenhauer  après avoir critiqué la conception kantienne du devoir. Malgré l'apparence de la gratuité du devoir (impératif catégorique), Kant ne peut se passer de l'espoir d'une récompense : la "république des bonnes volontés" qui n'est qu'un autre terme pour désigner le paradis.

Schopenhauer part du constat de l'égoïsme de l'homme. L'égoïsme est le centre de l'essence des êtres vivants et il est immoral. Chez l'être humain, il se traduit par le désir de conserver son existence, de ne pas souffrir (la douleur et la privation étant des souffrances) et d'avoir le maximum de plaisir et de bien-être. L'égoïste se prend pour le centre de l'univers et préférerait voir l'univers anéanti plutôt que lui-même. Il considère que seule sa personne existe réellement. Il est à lui-même l'univers entier. L'égoïsme engendre la haine, la colère et tous les autres vices qui constituent la méchanceté. La volonté de vivre est le motif de presque toutes les actions humaines. L'injustice en est la conséquence : "causer du dommage à autrui, soit dans sa personne, soit dans sa liberté, ses biens ou son honneur". ((L'Etat doit en gérer les effets désastreux).

Pourtant, dans tous les pays à toutes les époques, ont existé de rares hommes vertueux, qui ont agi moralement, c'est à dire sans motifs égoïstes.

  1. La vertu de justice :  Ne pas léser les autres et s'acquitter de son dû.

  2. La vertu de charité :  Viser et réaliser le bien d'autrui.

Quelle peut être alors l'origine de cette conduite non naturelle?

La possibilité de s'identifier avec l'autre, de ressentir ses souffrances, de souffrir en lui et avec lui. Cela suppose qu'entre le moi et le non-moi la barrière tombe. La distance entre moi et l'autre est mystérieusement annulée. "C'est par cette distance (que nous mettons entre nous et les autres) qu'il nous faut juger du degré de notre valeur morale ou de notre immoralité". Plus elle est grande, plus nous sommes immoraux. Tous les mourants, affirme Schopenhauer, sont pris de regrets au souvenir des injustices qu'ils ont commises contre les autres et cherchent à obtenir leur pardon. Comme si au moment de quitter la vie, le temps et l'espace, il commençait à en percevoir le caractère illusoire. La multiplicité des êtres n'est qu'une apparence, tous les individus si infinis et différents ne sont, en réalité, qu'un seul et même être. Ils appartiennent à la même essence identique. "La multiplicité, la division n'atteint que le phénomène ; et c'est un seul et même être qui se manifeste dans tout ce qui vit". Les animaux font partie de ce même être, et par conséquence, nous leur devons, à eux aussi, de la compassion. Cette conception métaphysique nous vient de la sagesse des Hindous, des bouddhistes, d'un grand  nombre de philosophes de L'Antiquité, de Kant et elle est commune à tous les mystiques. La pitié ou compassion en est la traduction en acte.

Malheureusement, la bonté ne s'enseigne pas. Bonté et méchanceté sont innées. On voit là l'un des aspects du pessimisme de Schopenhauer.

5. Le devoir est l'intériorisation des règles de la société dans le Surmoi

D'après Freud, la conscience morale n'existe pas. En revanche, il existe à l'intérieur de nous une instance psychique, en partie inconsciente, qui nous observe, nous surveille, nous critique, se pose en censeur moral et nous impose une véritable tyrannie.  C'est le Surmoi.  Le Surmoi est un lieu psychique où sont introjectés (= intériorisés) non seulement tous les  interdits et des tabous de la société et de nos éducateurs, mais aussi de toutes leurs exigences. Il contient aussi tous les modèles auxquels nous nous sommes identifiés et sur lesquels nous devons modeler notre personnalité  (= moi idéal) et toutes les valeurs vraies ou artificielles qui nous ont été inculquées (=  idéal du moi). Le Surmoi est en partie conscient en partie inconscient. Il nous entoure et nous traverse intérieurement.  Il est redoutable parce qu'il contient et transmet de générations en générations non seulement toutes les inhibitions de nos ancêtres, donc leurs névroses, mais aussi nos propres inhibitions liées à notre histoire personnelle. Les psychanalystes affirment qu'une névrose peut se transmettre d'une génération à l'autre pendant des siècles (="névrose de destin").

Nous confondons nos devoirs avec nos propres inhibitions, nos obligations et nos identifications narcissiques.

6.  Le devoir vient de l'autorité de la société.

Durkheim, XX°, sociologue, pense que c'est la société qui impose ses valeurs et son ordre à travers les lois. La loi est l'expression du droit défini par les hommes. Elle fixe les devoirs. La société se présentant comme une autorité plus complexe que chaque individu, donc perçue comme supérieure, nous aurait inculqué le sentiment de sa transcendance morale. Chaque sujet (dans une monarchie), chaque citoyen (dans une démocratie) aurait intégré ses devoirs à travers son éducation dés la toute petite enfance. Mais l'explication de Durkheim n'explique pas le caractère universel que peut prendre la forme du devoir.

Auto signifie soi-même, nomos = loi.    Autonome = obéir à une loi qui vient de nous-mêmes.

Hétéro = autre, différent.  Hétéronome = obéir à une loi qui vient d'un "autre", donc dont nous ne sommes pas l'auteur.

3. Y a-t-il  un intérêt à accomplir son devoir ?

Résumé de quelques réponses :

1. Réponse des religieux : Oui. L'homme qui obéit aux lois de Dieu durant sa vie sur la terre  reçoit la récompense suprême, après sa mort, une vie éternelle dans le bonheur, le paradis.

2. Réponse de Platon : oui, les âmes justes sont envoyées aux "Champs Elysées" = paradis après leur mort. Voir le mythe d'Er.

3. Réponses des Stoïciens : L'âme vertueuse est en accord avec le Souverain Bien. Elle est sereine, en paix avec elle-même, elle vit dans la félicité. La vertu se confond avec le bonheur durant la vie terrestre.

4. Réponse des Epicuriens : Mener une vie austère, en sachant discipliner ses désirs, grâce à un calcul savant qui, éliminant les désirs ni naturels, ni nécessaires, n'autorise que la satisfaction des désirs "naturels et nécessaires", conduit l'homme à la sagesse et à "l'ataraxie" c'est à dire l'absence de troubles, ce qui  pour Epicure est le bonheur.

5. Réponse de Kant : Dans ce monde, il n'y a pas  de lien entre la vertu (accomplir son devoir) et le bonheur. Les justes peuvent être malheureux, et le méchants heureux. Mais, l'exigence que représente le devoir pour notre conscience, nous laisse supposer qu'elle n'est pas  gratuite ou inutile. Elle nous permet d'espérer qu'il existe un autre monde où les hommes justes seront récompensés.

6. Réponse de Schopenhauer : L'accomplissement  du devoir est absolument gratuit. C'est pour l'amour du genre humain.

7. Réponse des sociologues : La morale ne sert qu'à protéger l'ordre social.

8. Réponse de Freud : Les interdits qui forment la morale viennent de la société. Ils ne doivent leur caractère coercitif que parce qu'ils ont été intériorisés dans le "Surmoi". Ils servent à la socialisation de l'individu, à l'édification de sa personnalité et à garantir la survie de la société.

9. Réponse de Nietzsche : les notions de bien et de mal, inventées par les religions, ne servent qu'à domestiquer les hommes, à étouffer leur génie individuel et à leur ôter leur liberté. (Voir le polycopié sur Nietzsche.)

Conclusion

La philosophie traditionnelle distinguait trois types de vie morale extraordinaire : Le Saint (domaine religieux),  le Sage (domaine métaphysique), le Héros (domaine politique).

D. Desbornes. 2009