La conscience
Introduction : La conscience, une énigme qui fonde les notions de dignité, de liberté et de sens. C'est l'enjeu philosophique du sujet
1. Problématique : le bilan de notre ignorance sur la conscience !
2. Vocabulaire
3. La conscience dans la philosophie orientale (yoga et bouddhisme)
4. La conscience dans la philosophie occidentale
5. Tableau des différents états de conscience (Classification traditionnelle)
6. L'inconscience (à ne pas confondre avec "l'inconscient")
Conclusion
Du latin cum, avec, et scire, savoir, la conscience est d'abord un savoir ou une intuition immédiate de ce qui se passe en nous ou hors de nous. Mais le mot "conscience" a des significations variées. Au sens large, la conscience renvoie à la pensée ou encore à l'esprit qui la sous-tend. A partir de saint Augustin les termes de "pensée", "âme", "esprit "et "conscience" sont unifiés c'est-à-dire qu'ils prennent le même sens et désignent une réalité métaphysique. Du coup, la notion de conscience a nécessairement une connotation morale. La conscience est porteuse de notions morales, le bien et le mal, et nous met en face de nos responsabilités et de notre liberté.
La conscience est cette étrange étincelle par laquelle nous "éclairons" le monde. Elle est ce par quoi, non seulement nous nous sentons exister, nous sommes présents à nous-mêmes, mais aussi ce qui nous pose au centre d'un monde que nous percevons différent de nous. C'est parce que nous en sommes conscients que le monde existe pour nous. Mais bien que nous sachions ce monde peuplé d'autres consciences comme la nôtre, nous y sommes absolument seul et unique. La conscience est la plus extrême limite de moi-même. Etrange singularité qui fait de chaque "Je" une citadelle imprenable, transcendante, libre, et infiniment solitaire. Elle fonde la dignité humaine, donc la morale et peut-être la liberté, mais elle crée un vide, une béance, par rapport au monde et par-là elle engendre de l'angoisse. C'est pour dominer cette angoisse que l'être humain cherche à donner un sens au monde, à son existence et pose des valeurs. La conscience est donatrice de sens et de valeurs.
L'enjeu philosophique de l'existence de la conscience est immense : Si elle vient de Dieu, alors elle fait de nous des infra-dieux promis à l'éternité. Si elle est la métamorphose d'une énergie issue de la nature, nous sommes des super-bêtes vouées à l'anéantissement. Si elle n'est qu'un effet de surface illusoire de la "Réalité ultime" dont parlent les bouddhistes, alors, nous ne sommes que des espèces de pantins hallucinés qui se croient éveillés. Il faut nous libérer de notre "ego conscient" pour accéder à la lucidité et au bonheur.
Chacun de nous "sait" qu'il est conscient, il en fait l'expérience à chaque seconde, (on qualifie cette expérience d'ontologique), mais personne n'arrive à définir, (= à dire ce qu'est) vraiment la conscience. Comment savons-nous que nous sommes conscients ? Chacun peut dire "JE", et se sent absolument unique au monde et irremplaçable. Mais dans la complexité de nos tendances, de nos diverses facultés, (le désir, les émotions, la mémoire, la réflexion, les sentiments, la volonté, la raison, l'intelligence, l'âme, l'esprit... ) nous ne savons pas où situer la conscience, ni comment la cerner. Ce que nous percevons comme notre conscience, cette "présence" au monde que nous nommons la conscience n'en est peut-être qu'un aspect, qu'un fragment semblable à la partie de l'iceberg qui émerge. La conscience se perçoit comme un centre invisible de subjectivité doué d'une incroyable, fantastique mobilité. Elle se déplace instantanément, elle est toujours ailleurs que là où l'on croit qu'elle est. Elle bondit, s'évade, revient, monte, descend, se concentre, se disperse.
"La conscience, c'est le mystère de l'unique en deux." Ecrivait Jankélévitch.
Elle est insaisissable, mystérieuse, incompréhensible. La conscience ne se voit pas, n'est pas matérielle, ne pèse rien. Elle ne peut pas être un objet d'étude scientifique. C'est une sorte de lumière invisible, centrée à l'intérieur de nous-mêmes, tout en étant paradoxalement au-delà de nous-mêmes. Elle accompagne la plupart de nos saisies du réel, sans se confondre avec elles. Mais de temps en temps elle a l'air de nous "quitter", quand nous dormons, (pourtant nous sommes souvent conscients de nos rêves !), lors des évanouissements (syncopes), pendant les comas, dans les moments d'égarement, de folie passagère ou encore dans la mort. Durant certains états proches de la mort (N.D.E.), des êtres humains affirment que leur conscience s'est "décorporée" (= est sortie de leur corps). De nombreux ouvrages traitent de ces expériences extrêmement curieuses et que l'on ne peut pas assimiler à des hallucinations.
La conscience est une énigme, qui se trouve à la racine de notre être. Elle est ce qui nous donne un prix impossible à chiffrer, une valeur absolue, quasi sacrée puisque chacun de nous se sent grâce à elle spécimen original et unique au monde. Elle est le fondement du respect de soi-même et de toute autre conscience, donc elle est à la base de l'éthique (= la morale).
Pourtant la "distribution" de la conscience, (c'est-à-dire la manière dont les hommes croient qu'elle existe ou non chez les autres hommes différents d'eux), est arbitraire, injuste, incohérente. Cela explique les relations de mépris et d'hostilité qu'entretiennent les hommes entre eux. En effet les hommes se "répartissent" entre eux la conscience d'une manière très étrange et inégale. Elle peut être "distribuée" avec largesse et générosité ou au contraire avec avarice et parcimonie. Cette distribution est:
- Généreuse dans la conception anthropomorphiste : les hommes croient que la conscience existe partout, chez tous les êtres. Les "primitifs" attribuent une conscience aux animaux, aux arbres, à tout ce qui vit, et parfois même aux pierres. Aujourd'hui, des physiciens se demandent si la conscience n'habite pas chaque atome. (Voir le congrès de Cordoue).
- Avare dans la conception anthropocentriste (= être humain au centre du monde et supérieur à tous les autres êtres). Dans ce cas, au contraire, les hommes croient que seule l'espèce humaine est douée de conscience, mais pas tous les hommes. Seuls les hommes doués de conscience sont au centre du monde, et veulent non seulement le dominer, mais dominer aussi les autres hommes qu'ils jugent inférieurs à eux parce qu'ils n'auraient pas de conscience ou une conscience inférieure à la leur. (cf. la conception grecque de l'esclave et du "barbare", et la conception occidentale de "l'homme blanc, chrétien, civilisé", seul détenteur d'une conscience et d'une âme. (Voir La controverse de Valladolid.)
Ainsi paradoxalement, l'émergence de la conscience chez un être humain ne le conduit pas immédiatement à reconnaître, ni à respecter la conscience des autres êtres humains. Elle peut, dans un premier temps, le figer dans une attitude d'orgueil et de toute puissance aveugle. Et pour mieux manifester sa supériorité, il a besoin de mépriser, de nier voire de détruire les autres dans un comportement barbare. C'est ce type de conscience que E. Morin nomme "conscience barbare".
Pour le sens commun, la conscience est une simple perception du réel, tantôt elle se confond avec la vie, tantôt elle se confond avec la connaissance, ou avec le bon sens ou avec la responsabilité morale ou encore avec l'âme. Nous ne tiendrons pas compte de ces sens.
En gros dans la philosophie occidentale, il y a deux manières de concevoir la conscience : l'une spiritualiste, l'autre matérialiste. (Le problème se pose autrement pour les Bouddhistes, nous l'examinerons dans un cours spécialement consacré à ce sujet.)
1- spiritualiste: pour la plupart des philosophes spiritualistes la conscience est une manifestation de l'esprit, et les notions d'esprit, d'âme, de pensée, de raison et de conscience sont équivalentes. (Nous essaierons plus loin de démêler le sens des mots.)
2- matérialiste: pour les philosophes matérialistes et beaucoup de penseurs modernes, la conscience est un produit de la matière, de la vie ou de la civilisation.
les Anciens ont d'abord pensé la conscience à l'aide d'un langage métaphorique : traditionnellement, ce sont des images et des symboles qui suggèrent sa présence par analogie : la "balle d'or", la princesse (qui peut être endormie), le "Poucet" minuscule, toujours caché mais éveillé tandis que ses frères dorment, le "criquet" de Pinocchio, un phare qui éclaire, un "cocher" qui guide son char ou son "véhicule". , ou des métaphores musicales "symphonie" ou vitales, "élan vital" "flux de conscience" lancé à travers la matière", Bergson.
1. Problématique : le bilan de notre ignorance sur la conscience ! |
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Enorme enjeu philosophique : la conscience est-elle le joyau du monde, un épiphénomène, ou une illusion ? Voici une avalanche de problèmes. (Je fais exprès de nouer une immense problématique pour vous donner un exemple de problématique). Essayons de ne pas nous y noyer.
1 - Essence : (= de quoi est-elle constituée?)
Est-elle énergie, matière subtile, (au XX ° siècle le problème ne peut plus se poser en ces termes puisque nous savons que la matière est de l'énergie), ou étrangère à la matière et à l'énergie, une sorte de "banque de données" de nature "super-lumineuse" ? (Voir les hypothèses de Dutheil, Pribram et K. Bohm), ou de nature divine "parcelle de divinité" ? Est-elle de l'ordre de la connaissance, ou du sentiment, ou étrangère aux deux ?
2 - Origine : (= d'où vient-elle?)
Est-elle cause du monde, substance première, originelle d'où tout émane ? (Voir la conception de la création du monde par l'esprit de Dieu, chez les judéo-chrétiens.) Est-elle cause de l'homme, son essence fondamentale ? (Pour Platon l'existence de l'homme s'explique par la renaissance ou la réincarnation d'une conscience.) Vient-elle d'un monde surnaturel ? Où va-t-elle? S'incarne-t-elle une seule fois ou indéfiniment ? Peut-elle retourner d'où elle vient ? (voir Socrate: la "maïeutique"). Est-elle, au contraire, produite par le monde matériel ? Mais dans ce cas n'est-elle qu'un "épiphénomène" (= une existence surajoutée, contingente, c'est-à-dire sans aucune nécessité, bref, inutile), telle une phosphorescence, un peu comme la lumière du ver luisant ? Ou bien est-elle la quintessence de l'univers ? (=essence la plus raffinée et la plus précieuse obtenue au terme de cinq distillations successives. La distillation est une technique qui consiste à chauffer une substance - alcool, parfum, pétrole brut,....pour en séparer et en purifier les vapeurs). Est-elle produite par les conditions concrètes de l'existence ? (cf. Marx). Est-elle produite par la civilisation comme l'affirme Lévi-Strauss ? Ou bien le monde lui-même n'est-il qu'une projection de la conscience divine ? (Voir l'idéalisme de Berkeley). A moins que le monde ne soit la projection de notre propre conscience qui est elle-même une illusion ! (cf. la conception bouddhiste du monde en Orient, celle de Schopenhauer en Occident). La conscience est-elle un "accident", c'est-à-dire une sorte d'anomalie produite par hasard dans le monde et sans valeur réelle, voire une sorte de vapeur nocive, à la limite, un poison ?
3 - Relation : (= quel est son rapport au monde ?)
Est-elle transcendante ? (= peut-elle exister seule en dehors du monde matériel ou en dehors d'un organisme). Existe-t-il un univers peuplé seulement de pures consciences ? Les religions affirment l'existence des "anges", des "archanges", voire des "démons". Les croyances populaires parlent des "fantômes", sortes de consciences errantes ! Est-elle immanente (= coextensive à la vie, inséparable d'elle) ? Est-elle présente seulement dans l'espèce humaine? (cf. anthropocentrisme : dignité et supériorité de l'homme sur tout le reste du monde.) Est-elle présente dans d'autres espèces, animales par exemple ? ( comme le dit Platon dans le mythe d'Er : théorie de la métempsycose). Est-elle présente partout, dans toutes les parties du monde réel ? (l'Ame qui anime la totalité du monde chez les Stoïciens, ou, l'immense force organisatrice de l'univers dont parle Hegel.) ? Existe-t-elle dans les autres galaxies ? La conscience humaine est-elle reliée à d'autres consciences, si oui, lesquelles ? Y a-t-il une communication possible entre les consciences ? Quel type de langage ou de code peut le mieux relier les consciences ? La parole? L'art (musique, poésie, peinture...) ? L'affectivité, la télépathie ? L'amour ? Mais que se passe-t-il exactement dans l'amour, est-ce la conscience de l'autre ou son corps que l'on aime ? La conscience a-t-elle le pouvoir de se relier à la conscience divine (si elle existe) ? Dieu est-il le sommet de l'univers des consciences, la CONSCIENCE des consciences ? Est-ce à la conscience humaine de s'élever? ou bien la conscience divine peut-elle "descendre" ? Les techniques ou les rites religieux sont-ils efficaces ? Une communion (c'est-à-dire une fusion) des consciences est-elle possible ? A quelles conditions ?
La conscience est-elle universelle c'est-à-dire présente de manière égale chez tous les êtres humains, ou bien est-elle distribuée inégalement, par exemple Socrate et Hitler avaient-ils le même type de conscience?
4 - Valeur
Y a-t-il des "bonnes" "et des "mauvaises" consciences ? (Voir le problème de Satan, Esprit du mal, conscience mauvaise, dans la tradition judéo-chrétienne.) Ou bien celui qui est "mauvais" est-il celui qui "n'entend" pas sa conscience, ou refuse tout simplement de l'écouter ? Y a-t-il une hiérarchie des consciences, par rapport au bien et au mal, à leur puissance, à leur intensité d'existence ?
5 - Existence (son surgissement, sa présence)
Dépend-elle de notre volonté ?. Peut on "prendre" conscience au sens fort du terme, c'est-à-dire, la saisir, la capter, ou bien surgit-elle au hasard, lors d'événements imprévus, brutaux, douloureux (accidents, maladies, pertes d'êtres chers, prise d'otages...) qui la "réveillent" ? Mais la souffrance n'a-t-elle pas aussi le pouvoir d'anesthésier la conscience, voire de la détériorer ? Et le plaisir dilue-t-il la conscience ou a-t-il le pouvoir de la faire émerger dans la sérénité ? A moins que la conscience ne soit elle-même le moyen d'accéder au vrai plaisir qu'est le bonheur ? Peut-on modifier ses propres états de conscience, apprendre à les gérer? (cf. les techniques très variées qui proposent une action sur la conscience : yoga, initiations diverses, sophrologie, régressions, hypnose, drogues multiples, y compris les médicaments.....voir plus loin le tableau des différents états de conscience). Y a-t-il des moyens pour faire évoluer sa conscience, ou bien la conscience est-elle elle-même le moyen d'évoluer ? Peut-on la "tuer", la faire disparaître de sa vie, et se mettre définitivement en "pilotage automatique" ? Peut-elle s'égarer, se perdre, errer ? Ou bien faut-il poser le problème à l'envers et se demander si l'errance n'est pas le caractère d'une existence, privée ou qui se prive elle-même de contact avec la conscience ? Enfin, la conscience peut-elle surgir de ce qui paraît être son contraire: L'INCONSCIENT ? (cf. théorie de Jung : dans le rêve, un message est délivré par une sorte de sagesse supérieure consciente, mais inconnue de la conscience du rêveur.)
6 - Fonction : ( à quoi sert-elle?)
Est-elle gratuite, simple reflet-présence où l'être se mire, luxe inutile ? Est-elle désadaptatrice et nocive ? : dans un travail ou un sport quelconque, il arrive, lorsque l'on prend conscience de ses gestes, dans l'attention et la concentration, que l'on ralentisse et que le rendement diminue. (Voir la taylorisation qui essaie de rendre les gestes du travail complètement automatiques pour en augmenter le rendement.) La conscience ne produit-elle pas de l'angoisse? (L'angoisse existentielle surgit d'une prise de conscience de notre solitude, de notre condition étrange dans un monde qui nous paraît hostile et incompréhensible.). Ne produit-elle pas de l'ennui ? Est-elle alors un piège illusoire, nous voile-t-elle, nous déforme-t-elle, le réel? (Voir Marx). Permet-elle au contraire le progrès, par le recul, la distance qu'elle instaure entre nous et le réel, n'offre-t-elle pas l'occasion d'un réajustement, d'une réorientation de nos comportements? (Voir Freud et Jung pour lesquels devenir plus conscient est une "tâche" fondamentale pour chaque être humain.) Peut-elle être un guide, n'est-elle pas créatrice de valeurs (Voir note 1). Pour Kant, toute l'éthique (= la morale) est fondée sur la conscience qu'il appelle "Raison Pratique". La Raison Pratique a une valeur absolue et donne le sens du respect. La conscience est-elle donatrice de sens ? Peut- elle être une aide pour notre quête de sens, est-elle le moyen grâce auquel nous nous accédons au mystère de l'univers ? (Platon explique comment la conscience s'élève jusqu'au savoir absolu dans l'Allégorie de la Caverne.) A moins qu'elle ne soit elle-même le sens du monde ? (Voir H. Reeves.)
Cette liste de problèmes n'est pas exhaustive (= pas complète), elle a pour but d'une part, de vous montrer l'étendue de notre ignorance sur la conscience, d'autre part de vous rappeler comment se construit une PROBLEMATIQUE : à partir de questions simples du type: "qu'est-ce que la conscience"? "d'où vient-elle" ? "à quoi sert-elle"?, (ces questions sont encadrées) on formule des PROBLEMES c'est-à-dire des hypothèses = des réponses possibles, dont on n'est pas sûr, qu'il faudra expliquer, approfondir, argumenter (= justifier, prouver), ou au contraire critiquer et nier . En bref un problème est une question "truquée" à l'intérieur de laquelle on suggère une réponse possible.
Métempsychose = théorie qui affirme que les consciences se réincarnent, soit dans d'autres corps humains, soit dans des corps d'animaux.
Dissiper le flou sémantique (=confusion du vocabulaire)
Trouver la conscience, mais Où?
Pour parler clairement de la conscience, il faut clarifier le langage. Beaucoup de termes sont employés pour désigner la conscience or tous ces termes sont polysémiques.(= ont plusieurs significations).
Au IV° siècle, St Augustin fixe la conception chrétienne de la conscience en l'identifiant à 4 notions:
Esprit = âme = pensée = conscience, et en les confondant. Plus tard on assimile la pensée à la "raison," l'"intelligence", et même à la "mémoire"
Reprenons chaque terme en nous référant au dictionnaire philosophique de Lalande et du Littré. Nous écrirons en gras et nous soulignerons les définitions que nous choisissons pour désigner plus clairement les différentes facultés.
La difficulté essentielle consiste en ce que chaque définition inclut la conscience.
1 - Esprit
a) sens métaphysique : substance incorporelle consciente d'elle-même, immortelle, de nature divine. Dieu est pur esprit. Dieu donne à l'homme son esprit.
b) sens intellectuel : ensemble des facultés = intelligence = pensée. Cultiver son esprit. Esprit large. Esprit étroit. Simple d'esprit.
c) sens littéraire : le sens profond et vrai d'un texte. Interpréter selon l'esprit, et non selon la lettre.
d) sens social : humour. Faire de l'esprit. Les mots d'esprit. Etre spirituel.
e) sens populaire : entité invisible qui peut errer, fantômes, esprits "mauvais esprits...
f) sens technique : alcool. Cf. "esprit du vin."
2 - Ame
a) sens métaphysique : = l'esprit: principe spirituel immortel, parcelle de divinité = CONSCIENCE. L'âme et le corps. Il a rendu l'âme = il est mort, son âme s'est détachée de son corps.
b) sens psychologique : le monde des émotions et des sentiments. La vie intérieure et toute sa résonance affective. Le type de sensibilité d'un être. "L'âme du poète". "L'âme d'un pays" = toutes ses facultés morales, sentimentales. "Une âme riche."
c) sens technique : la qualité de résonance d'un instrument de musique. "l'âme d'un violon".
3 - Pensée
a) sens large : toutes les facultés de l'esprit et l'esprit lui-même (au sens a). Définition de Descartes: "Qu'est-ce qu'une chose qui pense? C'est une chose qui doute, qui entend (=qui comprend), qui conçoit (= qui fabrique des idées), qui affirme, qui veut, qui ne veut pas,(=qui exprime sa volonté et sa liberté), qui imagine, et qui sent." Conclusion: pour Descartes, tous les éléments de la vie intérieure sont la pensée qui est en même temps consciente d'elle-même. Le cogito est la conscience d'exister comme pensée pure. (C'est la pensée qui produit la parole, dans la conception ancienne.)
Dans cette définition toutes les facultés sont confondues: pensée = esprit = âme =conscience= intelligence = jugement = volonté = imagination = perception. Cette définition est beaucoup trop vague!
b) sens étroit : la faculté de produire seulement des idées, et des raisonnements et des jugements(= le mental, l'intellectualité) La fonction du mental est de réfléchir = de fabriquer avec les mots et les idées, un reflet du réel.(= réflexion)
c) le résultat de ce travail = l'ensemble de toutes les idées produites: exemple, la pensée de Platon
(Attention, pour les penseurs modernes, d'une part la pensée est le résultat de la parole, d'autre part toute pensée n'est pas nécessairement consciente, puisque nous recevons des messages de notre inconscient.)
4 - Mental : du latin mens.= l'esprit au sens b. c'est-à-dire au sens intellectuel
a) Qui concerne la pensée (au sens b.)= la faculté de produire des idées et des raisonnements.
b) Mais mental peut signifier aussi les fonctions intellectuelles et psychiques d'un individu. "maladie mentale" = aliénation, psychose.
5 - Intelligence
a) faculté de comprendre et d'inventer, qui implique une réceptivité consciente et la capacité de gérer (de décomposer, de combiner, d'organiser, de synthétiser, d'interpréter...) le plus grand nombre possible d'informations. L'on peut concevoir que l'intelligence soit une qualité de l'esprit "l'Intelligence divine", donc douée de conscience. Mais il y a aussi une intelligence animale, implique-t-elle la conscience?. Enfin et surtout les savants découvrent une prodigieuse "intelligence" à l'œuvre dans les phénomènes de la vie ; "génie génétique". Est-elle consciente? Il existe enfin ce qu'on appelle " l'intelligence artificielle" en informatique. Elle est complètement mécanique et ne suppose aucune conscience.
b) faculté d'adaptation. Souplesse des schèmes mentaux. niveau intellectuel .cf. les tests d'intelligence avec les Q.I.(quotient intellectuel) - très vivement critiqués.
6 - Raison
a) Activité même de l'Esprit qui se dirige vers son propre achèvement et sa propre perfection. "la raison des choses".
Donc raison = esprit.
b) Faculté de discerner :
-1) le vrai du faux = esprit logique, rationnel.
-2) le bien du mal = esprit éthique, moral, raisonnable.
c) Causes : les raisons qui expliquent les événements.
7 - Intuition :
Connaissance évidente, claire, directe, et immédiate, par la conscience, ou par l'esprit, ou l'intelligence.
8 - Volonté
Force de l'esprit de choisir librement qui implique la pensée et la CONSCIENCE :
a) conception du but.
b) délibération (=comprendre les raisons d'atteindre ou non ce but.)
c) décision (= pouvoir trancher) = juger et faire un choix sans influences étrangères. d- exécuter. (= force d'agir dans le sens que l'on a choisi.)
9 - Mémoire
Faculté de :
1-fixer,
2-conserver,
3-rappeler,
4-reconnaître les traces des événements ou des objets. (Le rappel et la reconnaissance impliquent la présence de la CONSCIENCE .)
(Pour Bergson, la conscience se confond avec la mémoire.)
10 - MOI-JE ( EGO) (Pour le sens commun: Je = Moi)
Je : pronom personnel indiquant la 1ère personne, employé comme cas sujet.
Moi : pronom à la 1ère personne employé comme complément direct, ou comme terme indépendant.
Pour les philosophes :
* Je = âme = esprit = CONSCIENCE. Le sujet pensant doit nécessairement pouvoir accompagner toutes mes représentations cf. Kant. la CON- SCIENCE, est bien elle-même ce qui accompagne tous les savoirs. Le Je est une réalité permanente, invariable = qui semble rester identique à travers les différents âges de la vie, une sorte d'invariant.
* Moi = mon corps, toutes mes sensations, désirs, émotions, souvenirs, toutes les influences, les connaissances que j'ai assimilées.( Au début de l'année nous avions essayé de dissocier le je du moi pour comprendre le précepte de Socrate: "connais toi" . Dans l'expression "je me connais", il y a un sujet connaissant, JE, qui se distingue de l'objet connu, MOI. Nous avions essayé au cours d'une chirurgie imaginaire très particulière ! de nous "séparer" de nos membres, de nos organes - en les remplaçant par des organes artificiels- , de nous priver de notre sensibilité consciente, puis de notre motricité volontaire, puis de toute notre mémoire, ( certains accidentés sont réellement dans cet état, totalement inertes, amnésiques, mais conscients, c'est du moins ce que révèle leur tracé électro-encéphalographique), on peut alors imaginer une conscience, un JE, coupé, séparé, privé de son MOI. Est-ce cela "l'enfer"? une conscience privée de toute communication, noyée dans une solitude absolue?
" Quand je cherche à me connaître, je trouve moi qui n'est qu'un aspect de ce que je suis" Lesenne. cf. Vocabulaire Philosophique. Lalande.
L'énorme difficulté, nous l'avons vu, c'est que chacune de ces définition implique la CONSCIENCE et que dans le vocabulaire courant, et philosophique on emploie le mot CONSCIENCE dans tous ces sens à la fois. La Conscience est partout mais elle n'est pas tout à la fois. Ce qui la caractérise justement c'est de pouvoir se "promener" dans les différentes facultés humaines, les intensifier, les éclairer, par sa présence, ou au contraire s'en aller, les désinvestir, les abandonner, les laisser fonctionner spontanément, voire aveuglément, mécaniquement.
3. La conscience dans la philosophie orientale (yoga et bouddhisme) |
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1. La philosophie bouddhiste.
C'est nécessairement dans le silence le plus total, à travers ce que les Bouddhistes appellent la MEDITATION, que la conscience individuelle fait l'expérience d'une réalité ultime, au-delà d'elle-même, "luminosité pure", sorte de conscience universelle. Il faut distinguer deux sortes de consciences :
a) La conscience individualisée de l'homme celle de l'EGO (du Moi-Je) qui est éphémère, illusoire comme l'existence d'une vague sur l'océan.
b) et la conscience impersonnelle, "océanique" , universelle, "pure luminosité" .
Le bonheur et la liberté consistent à dépasser la conscience individuelle pour se fondre dans la conscience océanique, c'est-à-dire, à atteindre le "Nirvana".
2. La philosophie du yoga (Inde)
Les CENTRES DE CONSCIENCE selon le YOGA.
La pensée orientale, dans les traités de Yoga, distingue différents "çakras"(=centres d'énergie, spécialisés dans des fonctions différenciées), que la CONSCIENCE, toujours en se déplaçant, peut investir et activer. Le but du "yoguin" (= de celui qui pratique le yoga) est de parvenir à faire "remonter", grâce à la concentration de sa conscience, le maximum d'énergie au sommet de son être, de manière à la faire coïncider avec l'esprit qui est le centre le plus rayonnant et qui communique avec le divin. (voir le tableau page suivante)
Méditation a) pour les Occidentaux = réflexion, pensée, dialogue intérieur, avec des mots.
b) pour les Bouddhistes = silence intérieur total.
4. La conscience dans la philosophie occidentale |
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1- CONCEPTION JUDEO-CHRETIENNE
Voir tout le cours sur la Bible. (cf. l'étude de la Genèse. ch.1,2,3,et 4,à relire)
Pour les Judéo-chrétiens la conscience est assimilable à l'Esprit. Elle vient de Dieu, nous est donnée par lui et elle est de même nature que lui, une "parcelle de divinité". Elle fait de nous (contrairement aux animaux) des être dignes, supérieurs à tout le reste de la création, capables de la dominer. Elle fonde notre liberté, elle nous donne notre libre arbitre, la capacité de choisir en toute lucidité le bien ou le mal. Elle nous sert de guide : (écouter sa conscience, "en son âme et conscience" c'est se relier à notre nature divine et entendre la voix de Dieu. Enfin elle nous donne accès à l'immortalité, puisqu'elle est elle-même immortelle. Comment définir l'esprit de Dieu ? Dans la Bible, Dieu se définit lui-même : "Je suis Celui qui suis", c'est-à-dire comme pure subjectivité, une conscience capable de dire JE. L'esprit, c'est ce qui peut dire JE, centre absolu de conscience, pour Dieu, et qui fonde tous les JE relatifs possibles.
Cette conscience humaine rend possible la pensée puis la parole et, peu à peu , au cours des siècles les différentes facultés intellectuelles vont être assimilées les unes aux autres et confondues. Cette conception de la conscience influence, avec quelques variantes, tous les philosophes et penseurs occidentaux qui croient en l'existence de Dieu : les Scolastiques (philosophes du Moyen-Age) Descartes, Pascal, Malebranche, Leibniz, Berkeley, Rousseau.....
2 - CONCEPTION PLATONICIENNE
La conscience se confond avec l'âme. Elle est immatérielle et immortelle.
La découverte de la conscience résulte d'une expérience métaphysique directe, individualisée, sous la conduite d'un guide.
La maïeutique est une technique, proposée par Socrate à ses disciples, qui consiste à séparer l'esprit (= l'âme = la conscience) du corps (ou le JE du MOI).
- Dans l'Allégorie de la caverne Platon montre comment cette âme parvient à se détacher du corps, en plongeant à l'intérieur d'elle-même, puis sous la conduite d'un "guide" invisible, c'est-à-dire d'un autre esprit, à sortir du monde "sensible" (=matériel) pour monter graduellement vers le monde "intelligible" (=spirituel), (cf. la dialectique ascendante) et accéder enfin à la vérité suprême, au bonheur et à la liberté (cf. la dialectique contemplative).
- - Dans le Mythe d'Er, Platon décrit le cheminement des âmes ou consciences après la mort, leurs différentes expériences, puis leur "renaissance" ou réincarnation. (Voir l'étude du texte faite en classe)
3 - CONCEPTION CARTESIENNE
A l'aide d'un exercice intellectuel, rigoureux, mené par la pensée sous la conduite de la raison, l'être humain est en mesure de plonger directement dans sa conscience. Dans la Méditation I, DESCARTES propose de douter de tout. Mais il montre que c'est impossible. On ne peut pas douter de sa propre existence, ni de sa propre conscience car au moment où l'on se demande si on existe, la conscience résiste. En effet, il faut bien que la pensée qui s'interroge existe pour pouvoir se poser la question ! Donc, "Je pense donc je suis", Cogito ergo sum est une vérité indubitable, elle est une prise de conscience de l'évidence de l'existence de sa propre conscience. Pour Descartes, la pensée et la conscience ne font qu'un. La présence à soi-même se perçoit à travers la pensée. Je suis d'abord un être pensant. C'est à partir de cette vérité fondamentale que Descartes construit son système philosophique.
4 - Théorie de KANT
La conscience n'est pas découverte par une réflexion. Elle est d'emblée présente en tout homme sous la forme d'une conscience morale : "La raison pratique".
Chaque être humain se sent unique. Il est immédiatement conscient de sa valeur inestimable ou encore de son prix. Sa propre conscience lui apparaît comme un absolu. A partir de là, il doit être capable d'universaliser ce sentiment, c'est-à-dire de comprendre que chaque être humain se perçoit lui-même comme un absolu et donc de le respecter. C'est à partir de ce respect de sa propre conscience et de toute conscience humaine que peut se fonder une morale universelle.
"Tout homme a une conscience et se trouve observé, menacé, de manière générale tenu en respect (respect lié à la crainte) par un juge intérieur et cette puissance qui veille en lui sur les lois n'est pas quelque chose de forgé (arbitrairement) par lui-même, mais elle est inhérente à son être. Elle le suit comme son ombre quand il pense lui échapper. Il peut sans doute par des plaisirs ou des distractions s'étourdir ou s'endormir, mais il ne saurait éviter parfois de revenir à soi ou de se réveiller, dés qu'il en perçoit la voix terrible. Il est bien possible à l'homme de tomber dans la plus extrême abjection où il ne se soucie plus de cette voix, mais il ne peut jamais éviter de l'entendre." Kant.
5 - Théorie de HEGEL
Pour Hegel, la conscience ( = Esprit = Idée = Raison), est une force structurante qui traverse l'univers, l'être humain et l'histoire en les faisant évoluer à travers un processus dialectique (= par le jeu de multiples contradictions) vers de plus en plus d'ordre et de conscience.
Cf. La dialectique du maître et de l'esclave : lorsque l'esprit ou la conscience émerge chez un homme, il cherche à exprimer son sentiment de supériorité sur la nature en prouvant qu'il est capable, contrairement aux animaux, de "mourir pour rien". C'est donc, dans un premier temps, à travers une conduite "agonistique" (= de lutte à mort) qu'il se manifeste au terme de laquelle il est le maître, tandis que son adversaire, ayant eu peur de la mort, est lui est, de ce fait, soumis.
Donc dans un premier temps, l'émergence de la conscience est indissociable de la violence. Quel paradoxe ! (Cf. La Raison dans l'Histoire) C'est une force spirituelle invisible qui conduit les peuples à leur insu et même au moyen de leurs passions, vers un progrès à tous les niveaux.
6 - Théorie de MARX
Pour Marx la conscience est le produit des conditions matérielles, concrètes, de l'existence. "Ce n'est pas la conscience qui détermine la vie, c'est la vie qui détermine la conscience." La conscience est le reflet d'une manière d'exister, elle est une puissante force d'illusion. L'esprit n'existe pas, la conscience n'a aucun statut ontologique. Ce que Marx appelle conscience, c'est ce que nous avons défini comme la pensée.
7 - Théorie de NIETZSCHE
La conscience est la quintessence de l'univers, mais elle n'est pas une substance divine ni immortelle. Elle est une sorte de "phosphorescence" de l'univers, qui est le résultat d'une métamorphose de l'énergie cosmique. Elle est donc une pure création de la matière, un peu comme la fleur sécrète son parfum, elle est éphémère ( = mortelle), elle "s'éteint" quand le corps meurt, l'homme l'a, à tort, divinisée, et cela le conduit à un orgueil dérisoire et illusoire.
8 - THEORIE DE HUSSERL
C'est à partir d'une analyse "phénoménologique", c'est-à-dire, par une observation et une description simples du vécu de la conscience, telle qu'elle apparaît, (pheno. en grec = paraître), telle qu'elle surgit, se vit, se modifie....
HUSSERL est un phénoménologue allemand, le professeur de HEIDEGGER, il a eu une grande influence sur SARTRE. (1859-1938).
"J'essaie de guider, non pas d'enseigner une doctrine, mais seulement de montrer, de décrire ce que je vois." Husserl.
Tel est le projet des phénoménologues : décrire les choses telles qu'elles apparaissent au sujet (=à l'homme) qui les contemple.
Husserl essaie de transmuer l'opacité de l'expérience naïve en une transparence. Le plan choisi est celui de la conscience. Il n'est pas question de chercher à coïncider avec un lieu panoramique (ou synoptique) comme Platon le fait dans l'Allégorie de la Caverne, par exemple au moment de la "dialectique contemplative", ni avec l'entendement divin, comme le fait Descartes, mais de suivre le mouvement de la conscience qui "vise" un objet, et de changer son regard sur le monde. C'est un exercice difficile, car il faut plonger son regard dans le monde et en même temps sur la source de ce regard pour essayer de dégager la conscience des objets qu'elle vise. Cette opération demande une certaine ascèse et de la volonté. Ce travail qui essaie de cerner au plus près, de "réduire" la conscience à son essence pure s'appelle "réduction eidétique" (eidos en Grec = essence).
La conscience nous dit Husserl se caractérise par son intentionnalité. La conscience est toujours "conscience de quelque chose". Elle est orientée vers un objet, elle est comme un flux, un "flux de conscience". Elle vise différentes "régions" de l'être: des objets extérieurs, matière, végétaux, animaux, ou des objets intérieurs, l'esprit = "ontologie régionale", mais elle peut aussi viser les lois du fonctionnement de la pensée, la logique par exemple, = "ontologie formelle".
Lorsque la conscience s'ouvre, se dirige vers le monde, le monde surgit pour elle. Elle le fait exister (= ex-sistere : surgir hors de.). Le mouvement de la conscience vers l'objet investit cet objet d'un relief, d'une intensité d'une manière d'être qu'il n'avait pas avant d'être perçu. La conscience est donc une visée intentionnelle, une sorte d'acte qui donne l'apparaître et le sens des choses. Elle est donatrice d'être.
Husserl propose tout un vocabulaire particulier. Il appelle noèse l'acte de la conscience qui vise quelque chose : (l'adjectif correspondant est "noétique"). Il appelle noème l'objet visé, c'est-à-dire tel qu'il est perçu par la conscience : (l'adjectif est noématique.)
C'est selon Husserl la conscience qui constitue le noème (par exemple: l'arbre perçu), mais cependant l'arbre est en même temps extérieur à la sphère de la conscience = transcendant. En somme il y aurait deux arbres: l'arbre tel qu'il est perçu par la conscience = l'arbre/noème, et l'arbre tel qu'il est en soi, quand aucune conscience ne le perçoit. La noèse (acte de la conscience qui rend un objet présent) s'efface devant ce qu'elle donne à voir; (ses noèmes). Le défilé des noèmes est sans fin (régionaux, formels et même "noétiques", puisque la conscience perçoit d'autres consciences qu'elle!)
La noèse concerne aussi le temps. La conscience se lance dans les trois directions du temps, ce sont les trois moments de intentionnalité: 1) quand la conscience colle au présent (= "l'intention"), 2) l'attente du futur (= "la protention"), 3)la retenue du passé, la mémoire (= "la rétention"). La synthèse de ces trois moments est le présent vivant.
Comment alors cerner la noèse elle-même? Comment la conscience peut-elle viser l'origine du faisceau lumineux de intentionnalité? La conscience ne peut pas se recourber sur elle-même pour se viser elle-même. De même que l'œil ne peut pas se voir directement dans son acte de regarder. La conscience ne peut pas être un noème pour elle. Elle ne peut saisir son existence que par un exercice de "réduction eidétique" en se coupant des ses propres noèmes, en se séparant de ce qui n'est pas elle, dans un pur effort de volonté abstraite. (Cf. L'exercice que nous avons fait au début de l'année pour séparer le "je" du "moi" afin de donner un sens au précepte de Socrate "connais-toi". Par le biais d'une "opération" imaginaire, nous avions compris que le "je" était du côté de la conscience). C'est à ce type de travail intérieur que nous convie Husserl au terme duquel la conscience se pose comme un centre de subjectivité inconnaissable, mais absolu. Il faut supposer à l'origine de tout ce processus de la conscience un invariant, une structure "monadique" (= une unité absolue de manifestation), une identité permanente (=qui se conserve à travers tous les changements) et qui sous-tend toute l'activité intentionnelle. Husserl nomme "je pur" ou "ego transcendantal" ce qui fonde l'activité de la conscience.
Cette expérience risquerait de nous conduire à un solipsisme ( théorie qui affirme que le moi est unique et seul au monde.) Après tout, les autres m'apparaissent d'abord comme des objets noèmatiques. Mais, affirme Husserl ce n'est que lorsque la conscience a fait l'expérience de son "ego transcendantal" (= l 'EGO de la réduction) qu'elle est en mesure de reconnaître l'Autre. Sa visée de l'autre est capable d'ouvrir une "brèche" jusqu'à son "je pur" (= sa conscience) Elle peut, "à travers l'épaisseur mondaine du monde" saisir derrière le noème (= la manière dont l'autre lui apparaît) un autre EGO transcendantal "constituant" lui aussi le monde et aussi absolu que le sien. Une relation d'intersubjectivité s'établit. La communication des consciences est non seulement possible, mais transformée : je ne vois plus l'autre comme altérité pure, étranger incompréhensible , mais comme semblable, du fait de l'analogie entre son "ego pur" et le mien, (= similitude des consciences).
(Husserl par ailleurs s'intéresse particulièrement à la logique, mais ce n'est pas notre propos ici.)
9 - Théorie de FREUD (cf. tout le cours sur l'INCONSCIENT)
Dans la première topique, le système conscient est une instance du moi, elle est simple présence au réel et à soi-même. Elle est "trompée", illusionnée et "manipulée" par tous les souvenirs qui lui échappent et qui constituent l'inconscient. IL est essentiel pour Freud de rendre conscient ce qui est inconscient pour guérir et accéder à plus de liberté. La conscience est une puissance force de guérison et de progrès.
10 - Théorie de JUNG
La conception de Jung est plus complexe que celle de Freud. En effet, selon lui, du fin fond de notre inconscient, nous sont envoyés des messages de sens et de sagesse, à travers les rêves. Il existe différents niveaux de conscience : une conscience superficielle et une conscience inconsciente (ce qui est un paradoxe !), une sorte de guide intérieur, de conscience supérieure enfouie au fond de nous-mêmes.
11 - Théorie de BERGSON.
Pour lui, la conscience se confond avec la mémoire. Elle est la continuité à travers le temps, c'est elle qui relie les différents moments de notre vie, le passé, le présent et le futur.
12- THEORIE DE SARTRE
Sartre.1905-1980. Très influencé par les phénoménologues, (Husserl surtout). L’EXISTENTIALISME. (voir le cours sur La Culture). SARTRE reprend à son propre compte la théorie existentialiste selon laquelle les hommes sont entièrement fabriqués par le type de vie qu’ils mènent. Comme Marx, SARTRE pense que nous sommes déterminés par notre expérience acquise, par nos conditions de vie concrètes. Son expression « L'existence précède l’essence », signifie que « l’essence » de l’homme = sa "nature" = l’ensemble des caractères qui le définissent, sont le produit, le résultat de toutes les déterminations, conditionnements, influences, modelages .... qu’il a reçus tout le long de sa vie. Cette conception implique l’athéisme. En effet, pour SARTRE, il n’y a pas de Dieu, qui aurait "pensé" de toute éternité, les caractéristiques humaines. Si Dieu n’existe pas, alors l’homme est entièrement responsable de ce qu’il est et de son destin, il est LIBRE.
C’est grâce à sa CONSCIENCE, que l’homme est en mesure d’assumer sa propre LIBERTE.
La conscience est au centre de la philosophie de SARTRE. (cf. La Transcendance de l’Ego.) SARTRE ne donne pas de définition de la conscience. Justement la CS est ce qui n’a pas d’essence. Elle est pur acte d’extériorisation de soi-même. La conscience n’est pas une chose différente des autres choses, c’est une "non-chose", un "non-être" (si vous vous permettiez d’écrire de telles choses dans votre copie de Bac, vous seriez réprimandés ! une définition qui n’utilise que des négations n’a pas de valeur.) La conscience est "ce" ( mais quoi ?) qui en nous est toujours en mouvement, sort d’elle-même, prend du recul.
Tandis que les choses coïncident avec elles-mêmes : elles sont des « en-soi », la conscience au contraire ne coïncide pas avec elle-même. Elle est un « tourbillon ». Elle est toujours ailleurs que là où l’on croît qu’elle est. Elle "EX-siste", elle surgit à l’extérieur de nous : elle est un "pour-soi"
"La conscience est l’être qui est ce qu’il n’est pas, et qui n’est pas ce qu’il est."
La conscience de l’arbre est, et n’est pas l’arbre. La conscience est dans ce qu’elle fait exister et en même temps en dehors . Elle est insaisissable. Elle peut toujours dépasser, transfigurer, nier une situation quelle qu'elle soit, c'est-à-dire CHOISIR. « La conscience est un vide, un trou dans l’être », c’est justement pour cela qu’elle a le pouvoir de « néantiser » ( pour SARTRE, ce terme ne signifie pas anéantir ou détruire, mais mettre un écart, une distance, un vide entre soi et les choses ou les situations.) Pouvoir évacuer, annuler une situation, ou s’arracher à elle grâce à cette mobilité de la conscience c’est là que se situe notre LIBERTE TOTALE.
D’où l’angoisse insupportable : « Nous sommes condamnés à être libres. » Donc nous avons peur de nous, peur de l’infini de notre propre liberté. En face de n’importe situation, Sartre pense que nous avons toujours un choix, sur des modes différents : penser, sentir, percevoir, agir ou ne pas agir...Nous pouvons soit :
- viser le monde = s’engager pour, contre, agir = "thèse réalisante".
- soit, nier le monde = partir dans l'imaginaire, se mentir à soi-même (dans la mauvaise foi), ou encore "décider" de s'évanouir ! . En effet pour SARTRE l'évanouissement est pur acte de liberté. C'est une solution "magique" destinée à éliminer la situation dont on ne veut pas. = "thèse irréalisante".
La "mauvaise foi" est particulièrement répandue chez tous ceux qui nient la liberté de l'homme. A partir de n'importe quels arguments, cette attitude essaie de nous persuader que nous sommes soumis à des déterminismes qui ne nous laissent aucun choix. Nous nous vivons alors sur le mode de la chose, c'est-à-dire sur le mode de "l'en-soi". Mais en fait pour SARTRE c'est volontairement, donc librement que nous avons renoncé au mode du "pour-soi". Dans certains cas Je renonce librement à ma liberté.
SARTRE propose plusieurs analyses de la "mauvaise foi".
1 Le garçon de café. " Il a le geste vif et appuyé, un peu trop précis, un peu trop rapide (...) Il s'irréalise dans son personnage." Finalement il coïncide tellement avec son rôle qu'il en perd son "pour-soi".
2 La tristesse. On n'est pas triste, mais l'on se fait être triste. L'on est à la fois metteur en scène, comédien et spectateur de sa propre tristesse, dans une obscure complaisance.
3 Mon corps. Je ne l'ai pas choisi certes, mais je choisis le sens que je lui donne, la manière dont je le vis. Je peux l'aimer narcissiquement, le négliger, le haïr, le mépriser, le soigner, le cultiver, l'embellir.....
4 Mon caractère. Je peux me retrancher derrière les savantes théories de la psychanalyse pour expliquer mes complexes, mes inhibitions, tous mes échecs..., c'est "la pire des mauvaises fois", il faut éviter "l'écueil de l'inconscient". (SARTRE refuse d'emblée les explications de la psychanalyse.)
La liberté ne consiste pas dans le choix d'une situation, mais dans le choix du sens qu'on lui donne. "Jamais nous n'avons été plus libres que sous l'occupation allemande" écrit-il, parce que la situation obligeait chaque français à choisir, à exercer sa liberté, à poser un sens pour lui. C'est en jetant un sens par delà les situations = un pro-jet (= jeter un sens au-delà, devant soi), que je construis ma vie, et mon être. L'homme se réalise peu à peu à travers la concrétisation de ses pro-jets. Donc moi, pris individuellement, je suis toujours libre. En revanche l'existence des autres pose un sérieux handicap à l'exercice de ma liberté.
La conscience de l'autre est en mesure d'aliéner ma liberté. Le regard que l'autre pose sur moi peut dans certains cas (ex. l'analyse de la honte), me transformer en chose! Le "pour-soi" de l'autre me transforme en "en-soi". = La conscience de l'autre par les jugements, les étiquettes toutes faites qu'elle pose sur moi, me vole et le monde, et ma liberté. Je suis "chosifié". Le conflit est le mode premier du rapport à autrui. (cf. la dialectique des regards). C'est pourquoi " L'enfer c'est les autres". J'ai à lutter intérieurement pour me "récupérer" en tant que "pour-soi" par rapport à l'autre.
La relation à autrui, tue et fait émerger ma liberté dans un tourbillon incessant. ( Le pour-soi devient un en-soi, puis un "en-soi-pour-soi" !)
Quelques citations de SARTRE sur la conscience (= "pour-soi".)
"La conscience est un être pour lequel il est dans son être question de son être en tant que cet être implique un être autre que lui." p.29.
"Le pour-soi, c'est l'en-soi se perdant comme en-soi pour se fonder comme conscience"p.711
"Le pour-soi n'est pas autre chose que la pure néantisation de l'en-soi il est comme un trou d'être au sein de l'être." p.711
"La conscience est une pente glissante sur laquelle on ne peut s'installer sans se trouver aussitôt déverser dehors sur l'être en-soi" p.712
( Michel Tournier dit de SARTRE qu'il est un "penseur hirsute" et qu'il a le goût du paradoxe !)
Bibliographie succincte: L'Etre et le Néant. SARTRE
La philosophie au xx° siècle. F.CHATELET.
13 - Aujourd'hui le problème n'est pas résolu. Dans le monde scientifique deux tendances opposées.
a) Hypothèse des biologistes matérialistes, cf. J.P. Changeux l'Homme Neuronal. La conscience n'est qu'un champ électromagnétique, résultat de l'activité des neurones.
b) Hypothèse de quelques cosmologues : cf. Carter, Dyson, Trinh Xuan Thuan, selon lesquels dés le commencement l'univers serait réglé par une intelligence consciente, pour l'émergence de la conscience dans l'espèce vivante. Autrement dit l'arrivée de l'espèce humaine serait programmée dés l'origine de l'univers. On appelle cette conception " le principe anthropique". Voir cours d'anthropologie sur la Culture.
5. Tableau des différents états de conscience (Classification traditionnelle) |
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La pensée traditionnelle suppose justement cette mobilité de la conscience en proposant un tableau de ses différents états ou "niveaux".(voir le tableau p. ) Elle suggère que la conscience peut se déplacer un peu à la manière d'un ascenseur, prendre de l'altitude ou redescendre dans des strates de plus en plus profondes. La conscience spontanée coïncide avec l'éveil, c'est le fait d'être présent au monde extérieur, et à soi-même. Voir, entendre, sentir simplement. La conscience vigilante implique une intensité supérieure, une sélectivité de la présence, regarder, écouter, faire attention à...La conscience réflexive permet un recul, un dédoublement par rapport à soi-même et à ses propres activités . Cf. La Jeune Parque , Valéry, " Je me voyais me voir...". C'est cette étrange puissance de la conscience qui nous permet toujours de nous "cliver" et d'être ailleurs que là où nous sommes en réalité. La réflexivité renvoie au miroir qui envoie une partie de nous-mêmes dans un autre univers . Enfin la conscience supérieure, est celle qui a le maximum d'amplitude de champ, un immense recul par rapport à l'univers, l'espace, le temps, la vie, la mort, bref elle est un regard métaphysique sur les choses.
Tableau des différents états de conscience (classification traditionnelle)
Supra-conscience |
- Les étapes de la dialectique ascendante de Platon.
- L'échelle de Jacob
- Les "sept châteaux" de Thérèse d'Avila. |
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Conscience normale.
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4. Conscience supérieure.
(recul maximum % monde)
3. Conscience réflexive.
(dédoublement)
2. Conscience vigilante.
(attention, concentration)
1.Conscience spontanée.
(éveil, présence au réel, aperception). |
- opinion, préjugé, sens commun.
- spontanéité.
- distraction, rêverie.
- réflexe, automatisme, somnolence, évanouissement.. |
Infra-conscience |
A. Sommeil
1. "aveugle"
2. "sourd"
3. "paralysé"
4. Paradoxal =
(1+2+3+conscience )
B. Coma
coma 1.
coma 2.
coma 3.
coma 4.
"mort clinique" |
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? |
Mort
= anéantissement de la conscience ?
= hyper-conscience et accès à un autre monde ? |
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6. L'inconscience (à ne pas confondre avec "l'inconscient") |
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Tout de suite nous voyons la difficulté de cerner ce qu'est l'inconscience, puisqu'il y a tant de niveaux de conscience. L'on peut dire tout simplement que l'inconscience concerne tous les états où la conscience n'est pas ! c'est donc un état très relatif. Pour celui qui a atteint un état de conscience supérieure, tous les H. qui sont dans des états de conscience inférieurs seraient des inconscients !
Reprenons le problème plus simplement.
D'abord il ne faut surtout pas confondre L'INCONSCIENT et L'INCONSCIENCE !
* L'INCONSCIENT est un "lieu" psychique ( un endroit non spatial ) où sont refoulées toutes les représentations et les souvenirs inaccessibles à la conscience. Ce terme est inventé par Freud au XIX° siècle au moment où il élabore ses théories sur la psychanalyse.
* L'INCONSCIENCE est un état soit sans aucune conscience, soit éloigné de la conscience.
a) ETATS SANS conscience :
1 - par exemple, l'on peut supposer que la matière brute est non consciente.
2 - pour nous en Occident, l'animalité est un état dénué de conscience. L'instinctivité, les pulsions, la bestialité, (et tout ce qui en dérive), la violence par exemple, sont placées du côté de l'inconscience aveugle et condamnées avec beaucoup de mépris par les sages qui s'estiment au sommet de la conscience.
b) ETATS LOIN DE LA CONSCIENCE.
1 - L'illusion, par exemple pour Platon les âmes ou consciences tournent le dos à la vérité et sont trompées par la croyance en la "réalité" des ombres. Elles sont inconscientes d'elles-mêmes et de la vraie réalité.
2 - les passions sont des états d'inconscience passagère, dans lesquels nous sommes plongés dans des intensités affectives qui nous parasitent et nous éloignent de la conscience.
3 - La folie . Nous sommes séparés de notre esprit par des obstacles d'ordre organique, ou psychique.
4 - Les réflexes, toutes les sortes de comportements automatiques, conditionnement, "pilotage automatique", préjugés, actes manqués.......
LES ETATS "d'INCONSCIENCE" QUI POSENT PROBLEME :
1- Le sommeil en effet au moment du sommeil "paradoxal", la conscience est présente. Elle est tournée vers l'intérieur.
2 - Le coma dans certaines formes de coma, les sujets ont été conscients.
3 -La mort est-elle à considérer comme l'anéantissement de la conscience ou sa libération ? Comment savoir s'il faut la classer dans un état d'hyper-conscience on d'inconscience totale et définitive ? Cela dépend des croyances de chacun.
Dans le sujet de BAC: " La conscience peut-elle errer ?", il faut d'abord se demander si une conscience peut circuler en étant privée de tous points de repère ( spatiaux, mais aussi valeurs: vrai/faux, bien/mal.) et renverser le problème : celui qui "erre" (errance, erreur) n'est-il pas en réalité celui qui est privé de conscience ?
Nous achevons ce cours par un silence perplexe. Au fond, nous ne savons toujours pas ce qu'est vraiment la conscience.
Socrate nous avertit du drame de la conscience ignorante d'elle-même, qui est à l'origine de tous les maux et de toutes les souffrances possibles. Le "connais-toi" est une invite à découvrir notre conscience, à entrer en elle, pour trouver notre véritable libération.
Mais la découverte de l'existence de sa propre conscience ne suffit pas, elle peut engendrer de la violence. Le non-respect de la conscience chez les autres, nous conduit à toutes les dérives et à toutes les perversions, il est au fondement de la barbarie.
Il faut donc universaliser la conscience c'est à dire comprendre qu'elle a une valeur absolue en chaque être humain.
Kant fonde une morale universelle sur ce seul respect de la conscience qu'il appelle "Raison Pratique".
La conscience a un pouvoir transmutant et métamorphosant, "injecter" de la conscience, rendre conscient ce qui ne l'était pas, nous modifie nous-mêmes et notre perception du réel, permet un dépassement, une maîtrise, une augmentation de la liberté.
Il est nécessaire d'investir plus de conscience dans le monde (cf. les comités d'éthique), pour orienter le progrès dans un sens plus positif et constructif pour l'humanité.
Lorsque Freud dit: " La conscience n'est pas donnée, elle est une tâche.", il veut dire que c'est un devoir pour l'homme, aussi bien individuellement que collectivement, d'augmenter son champ de conscience, sa lucidité, et peut-être aussi son niveau de conscience. Aujourd'hui l'on parle de "conscientisation", c'est un néologisme (= mot nouveau),
En résumé : Rappelez-vous que :
1- La conscience est indéfinissable et que, pour plus de facilité, on l'assimile confusément à l'esprit.
2- En Occident on ne l'attribue qu'à l'être humain (sauf Platon).
3- Elle fonde le respect de soi-même et de tous les autres hommes, donc l'éthique.
4- Elle permet un dépassement, une progression, (quand on l'implique par le moyen de l'attention ou de la concentration) dans tous les domaines: études, sport, art, toutes les sortes d'apprentissages. ( cf. la réponse de J.S. Bach à un prince qui lui demandait quel était son secret pour créer de si belles œuvres: "Majesté, je m'applique !".
5- Elle permet la libération des symptômes névrotiques, donc la "guérison psychique", selon Freud.
5- Elle oriente le progrès dans le sens d'une liberté plus grande.
6- Enfin pour les spiritualistes, elle conduit à la vérité et au divin.
Je suis une chose qui pense. C"est fort bien dit ; car de ce que je pense, ou de ce que j"ai une idée, soit en veillant, soit ne dormant, l"on infère que je suis pensant : car ces deux choses, je pense et je suis pensant, signifient la même chose. De ce que je suis pensant, il s’ensuit que je suis, parce que ce qui pense n’est pas un rien. mais où notre auteur ajoute : c'est-à-dire un esprit, une âme, un entendement, une raison, de là naît un doute. Car ce raisonnement ne me semble pas bien déduit, de dire : je suis pensant, donc je suis une pensée : ou bien je suis intelligent, donc je suis un entendement. Car de la même façon, je pourrais dire : je suis promenant, donc je suis une promenade…Nous ne pouvons concevoir aucun acte sans son sujet. Comme la pensée sans une chose qui pense, la science sans une chose qui sache, et la promenade sans une chose qui se promène. Et de là il semble suivre qu’une chose qui pense est quelque chose de corporel ; car les sujets de tous les actes semblent être seulement entendus sous une raison corporelle ou sous une raison de matière.
(HOBBES, Troisièmes objections contre les Méditations de Descartes)
L’homme n’est qu’un roseau, le plus faible de la nature, mais c’est un roseau pensant. Il ne faut pas que l’univers entier s’arme pour l’écraser ; une vapeur, une goutte d’eau suffit pour le tuer. Mais quand l’univers l’écraserait, l’homme serait encore plus noble que ce qui le tue, puisqu’il sait qu’il meurt et l’avantage que l’univers a sur lui. L’univers n’en sait rien.
Toute notre dignité consiste donc en la pensée. C’est de là qu’il nous faut relever et non de l’espace et de la durée, que nous ne saurions remplir. Travaillons donc à bien penser : voilà le principe de la morale.
(PASCAL, Pensées, fragment 200 (Lafuma),1660)
D. Desbornes. 2009