Découverte de la philosophie
Accueil Cours Méthodologie Auteurs Textes Recherche Google Contact

La Raison

1. La raison logique

2. La raison morale

Conclusion

Définition

La raison (en latin : ratio) est une faculté humaine universelle à deux "facettes" :

- Logique ou rationnelle : qui permet de juger du VRAI et du faux, donc de penser avec cohérence. Il se trouve que lorsque l'on pense en respectant les lois de la logique, on crée la philosophie, la science et la technique.

- Morale ou raisonnable : qui permet de juger du BIEN et du mal, donc d'agir bien. Si l'humanité respectait les lois de sa conscience, elle pourrait vivre en paix, dans la justice !

Elle apparaît donc comme un guide qui permet à l'être humain de se distinguer des animaux et de progresser. Mais l'homme a la liberté de ne pas la suivre, et même celle de lui désobéir.

L'usage de la raison est tardif. Les hommes ont commencé à percevoir le monde avec leurs sens leurs émotions et leur imagination. Nous l'avons vu à travers l'étude de plusieurs mythes.

1. La raison logique

Ce sont les philosophes grecs, dans l'Antiquité, qui ont commencé à chercher à quelles conditions une pensée, un discours (ou un raisonnement) était valable, c'est-à-dire juste.

Aristote est le premier qui ait mis en évidence les lois de la pensée logique. 

A. La logique d'Aristote

La logique est l'ensemble des règles à respecter pour qu'un discours soit "vrai".

1. Les quatre principes de la logique :

    a.. Le principe d'identité : (A est identique à A). Une pomme est une pomme.

    b. Le principe de non-contradiction : (A n'est pas non A). Une pomme n'est pas un cheval.

    c. Le principe du tiers-exclus : (A ou non A, pas de troisième solution possible). C'est une pomme ou pas une pomme !

    d. Le principe de causalité : tout fait a une cause, et les mêmes causes produisent les mêmes effets. (Ce principe a  été ajouté plus tard, on l'appelle aussi : principe du déterminisme).

Le non-respect de ces quatre principes nous fait pénétrer dans les différents types d'irrationnels.

2. La fabrication du raisonnement

    a. Définir les concepts

Le concept est la plus petite unité de la pensée. C'est une réalité "mentale". Il est construit à l'aide caractères, des notions abstraites extraites des représentations communes. C'est une représentation "épurée" des choses, qui définit l'essence de la chose. Par exemple le concept de "stylo" cerne les caractéristiques par lesquelles le stylo se distingue de tous les autres objets qui ne sont pas lui. Si on définissait le stylo en affirmant que c'est un objet qui sert à écrire, on ne dirait pas quelque chose de faux, mais on ne cernerait pas la spécificité du stylo. En effet l'on peut écrire avec un bâton sur le sable, son doigt sur une vitre embuée, un pinceau, une craie etc. Mais si l'on cerne le concept du stylo en le définissant comme : "un cylindre, muni d'un réservoir à encre, se terminant par une plume en métal", on en donne l'essence. Avec cette définition il est impossible de le confondre avec autre chose.

On appelle "compréhension" d'un concept l'ensemble des autres concepts ou notions, nécessaires à sa définition.

On appelle "extension" d'un concept l'ensemble des êtres ou objets désignés par ce concept.

Aristote dit que l'extension d'un concept varie en fonction inverse de sa compréhension. Cela signifie que plus on ajoute de détails à la définition d'un objet, moins il y a d'objets qui correspondent à cette définition dans le réel. Par exemple au lycée, il y a bien peu de stylos qui correspondraient à la définition suivante : cylindre en ivoire, plume en or, encre verte…

Une notion est un terme, un mot, une représentation mentale dont la signification est vague. Elle demande à être "travaillée", éclaircie, définie par la pensée. C'est en général ce que l'on vous demande de faire au début d'un devoir de philosophie.

Un concept est donc un terme clairement défini et que l'on peut distinguer, séparer de tous ceux qui lui ressemblent, parce qu'on on en dégage l'essence ou la spécificité.

Une idée est un concept dont le référent (= ce qu'il représente) est abstrait c'est-à-dire non sensible, non visible. Par exemple "liberté, justice, bien etc., sont des idées.

    b. Construire des propositions

Une proposition est la mise en relation d'un concept avec un autre concept, à l'aide d'un outil de liaison (qui ressemble à un verbe, "être" ou "avoir", mais n'en a pas la valeur), qu'on appelle une "copule". Par ce moyen on attribue une qualité ou une valeur à un concept. On appelle "prédicat" le deuxième concept.

Il existe dix modes de liaison possibles entre les concepts, selon Aristote.

1. Le genre : exemple Socrate est un homme.

2. La quantité : Il y a 10.000 soldats.

3. La qualité : La pomme est mûre.

4. La relation : Jean est le fils de Pierre.

5. Le lieu : La guerre du Péloponnèse.

6. Le temps : Pierre a 20 ans.

7. L'attitude : Pierre est assis.

8. La possession : Le livre de Paul.

9. L'action : Paul marche.

10. La passion : La pomme est mangée.

La proposition n'indique pas l'essence du concept, mais sa manière d'être.

 c. Construire un raisonnement

Le raisonnement, selon Aristote, prend d'abord la forme d'un syllogisme = un enchaînement minimum de trois propositions. Il comprend :

- la proposition majeure : exemple : tout homme est mortel.

- la proposition mineure : or Socrate est un homme.

- la conclusion : donc Socrate est mortel.

A partir d'Aristote, et pendant tout le Moyen Âge, dans les monastères, les moines philosophes étudient les différents types de syllogismes. Cette étude est une partie de la "scolastique". (C'est ce que le professeur de philosophie fait étudier au "bourgeois gentilhomme" de Molière).

Il s'agit de savoir quels sont les types possibles de syllogismes, combien il y a de combinaisons possibles, lesquelles sont valables. Il y aurait 256 modes de syllogismes, mais seulement 19 sont reconnus valables…On appelle :

"A". Une proposition universelle : tous les hommes sont mortels.

"E". Une proposition universelle négative : nul homme n'est tout puissant.

"I". Une proposition particulière affirmative : certains hommes sont sages.

"O". Une proposition particulière négative : certains hommes ne vivent pas longtemps

Ainsi il est facile de repérer le mode du syllogisme par des expressions codées : syllogismes en "Darii, ferio, cesare, baroco, datisi…".

Certains raisonnements sont déductifs : ils vont du particulier au général.

D'autre sont inductifs : ils vont du général au particulier.

Mais un syllogisme peut être bien construit et cependant être faux. Par exemple, "tout ce qui est rare est cher. Or un cheval bon marché est rare. Donc un cheval bon marché est cher !"

Il faut donc superviser le résultat du raisonnement. C'est le rôle du jugement.

      d. Juger

Le jugement est un acte de l'esprit qui décide si la conclusion du syllogisme est vraie ou fausse. C'est une activité "judicatoire" = qui prend une décision et affirme : "oui c'est vrai ou non c'est faux.
Par cet acte, l'esprit dépasse le contenu des propositions, prend un recul pour leur donner une VALEUR, en obéissant à ses propres lois.
 
C'est là, le début de l'activité de la raison.

(Aujourd'hui, en informatique, tous les logiciels sont fabriqués à partir de règles qui respectent la logique !) 

En utilisant cette manière de réfléchir et en l'appliquant au réel, on crée la science. AU XVI° naît la science. Copernic découvre l'héliocentrisme, (= le soleil au centre du système solaire). Cette découverte est en contradiction avec les écrits de la Bible, qui affirment dans la Genèse que Dieu a placé la terre au centre du monde et fait tourner le soleil autour d'elle, (= géocentrisme). Au XVII°, Galilée, qui publie la découverte de Copernic, est condamné par l'Eglise à être brûlé vif s'il ne se rétracte pas ! La raison est en péril. Descartes, tente d'être l'ambassadeur de la raison auprès des autorités religieuses. Comment peut-il s'y prendre pour sauver la raison  ?

B.  La logique de Descartes

Le cartésianisme =  la philosophie rationaliste de Descartes, XVII°.

Le projet de Descartes est de réconcilier la science et la religion.

Il prouve que la raison est nécessairement bonne puisqu'elle nous vient de Dieu. Elle est un outil parfait pour comprendre le monde et Dieu.

Quel est le détail de son raisonnement ?

1. Le monde a été créé par Dieu selon un ordre parfait. Cet ordre que l'on trouve dans le cosmos est le reflet de la perfection divine et la preuve de son existence.

2. L'homme a été créé à l'image de Dieu. Le reflet de l'ordre divin en nous, c'est notre Raison

3. Donc la raison humaine est un outil divin, d'origine divine, qui a été donné à l'homme pour comprendre l'ordre du monde (dans la science), mais aussi pour pouvoir démontrer l'existence de Dieu (à partir d'une idée de perfection en l'homme).

4. Tous les hommes sont dotés de raison par Dieu. "Le bon sens est la chose du monde la mieux partagée." Descartes. Mais, de nombreux obstacles viennent entraver son bon fonctionnement. La raison est plus ou moins "endormie" chez les enfants (avant l'âge de raison). Elle est étouffée par la passion chez les jeunes. Elle est obscurcie par l'imagination chez les femmes, et par "les noires vapeurs de la bile" chez les "insensés" (= les fous). Enfin elle est affaiblie chez les gens âgés.

Il résulte de ces constatations qu'il est indispensable d'apprendre à se servir correctement de cet outil divin et prodigieux. Descartes propose une "méthode" pour diriger sa raison.

5. La méthode pour se servir correctement de sa raison

    a. Savoir douter

D'abord, il faut apprendre à distinguer ce qui est certain et ce qui ne l'est pas. Ce qui va permettre ce clivage, c'est le doute. Mais pas n'importe quel doute, seul un doute raisonnable permet d'aiguiser son esprit critique. La première Méditation Métaphysique nous conduit dans ce doute à plusieurs étapes. Remise en question :

     1. Des opinions reçues.

     2. Des données de nos sens, = de nos perceptions sensibles. Nos sens nous trompent de temps en temps.

     3. De la perception de notre corps. Notre corps est peut-être l'objet d'une hallucination ? Ou bien le produit d'un rêve ?

     4. Des sciences comme la physique ou l'astronomie. Elles ne reflètent peut-être que la structure de produits de notre  imagination.

     5. Des mathématiques. La certitude qu'elles nous inspirent nous vient peut-être d'un "Dieu trompeur". Et si cette hypothèse ne peut  être conservée (elle est dangereuse dans le contexte politique), pourquoi n'y aurait-il pas un "malin génie" qui nous tromperait à chaque fois que nous croyons être dans la certitude ?

     6. Je n'existe moi-même peut-être pas ? Stop ! Ici le doute trouve sa propre limite.

Au moment où je me demande si j'existe (= je pense), je sais que je suis bien obligé d'exister (j'existe), pour pouvoir me poser cette question. Si je n'existais pas, je ne pourrais pas me la poser !

"Je pense donc je suis", (en latin, cogito ergo sum.) est la première certitude ou vérité à laquelle me conduit mon doute.

A partir de cette vérité, et en utilisant exclusivement sa raison, Descartes reconstruit un édifice de "vérités". J'ai en moi une idée de parfait. Je ne peux pas en être la cause puisque je suis imparfait. Donc la cause de cette idée est à l'extérieur de moi : Dieu. Si Dieu est parfait, alors il ne peut pas me tromper ou du moins il m'a donné le moyen de ne pas me tromper.

b. Suivre un cheminement rigoureux

- Me fier à la clarté et à la distinction de mes pensées.

- Partir des éléments les plus simples pour aller par degré vers les plus complexes. Suivre une démarche analytique.

Le cartésianisme ouvre l'ère de la science

Il suppose que l'esprit qui connaît le monde est distinct du monde et qu'il peut le connaître objectivement. Descartes affirme, avec raison, que la connaissance scientifique du monde nous en rendra "maîtres et possesseurs".

C'est le début du modernisme. A partir de là, la science a pu se développer parallèlement à la  religion.

Mais en même temps, le cartésianisme inaugure une ère de terrorisme rationaliste. Il convient selon Descartes, de "détruire" tout ce qui n'est pas du domaine de la raison. Or il est dangereux d'avoir une conception absolutiste de la raison !

c. La critique de Kant

Kant pense que les structures de la logique sont en réalité en nous. Il les nomme "catégories de l'entendement". Voir Ch. II. La raison morale.

d.  Les systèmes fondés sur la logique

 La philosophie

Toutes les philosophies (sauf celle de Nietzsche) sont des systèmes qui obéissent aux lois de la raison logique.

Pour élaborer leurs systèmes, les philosophes partent d'hypothèses (l'homme est libre, Dieu existe, le monde est infini, la conscience est immatérielle, etc.). Ils tissent des liens entre les idées, établissent des raisonnements qui ne se contredisent pas, tirent les conséquences de leurs affirmations. Ils proposent des explications sensées de l'univers, et lui donnent un sens.

Vous avez étudié un exemple de système philosophique, celui de Platon.

Malheureusement, aucune philosophie ne peut se prouver.

La science

La science est un type de connaissance du monde qui diffère de la philosophie en plusieurs points. 

a. D'abord, elle s'appuie sur un code mathématique.

Les mathématiques sont un langage complètement abstrait, fabriqué avec les structures logiques et des "objets" : les nombres et l'espace.

Le mathématicien peut inventer des combinaisons infiniment variées entre ces objets. Il existe de nombreux systèmes mathématiques différents. Par exemple en géométrie, plusieurs géométries coexistent : la géométrie euclidienne, la géométrie de Riemann, celle de Lobatchewski. On appelle toutes ces théories "axiomatiques". Le savant les construit sans se soucier du réel. Or, ce qui est surprenant, c'est que presque toutes ces structures s'adaptent aux différentes parties du réel !
 
b. La science prouve ce qu'elle affirme grâce à l'expérimentation. L'expérimentation est un procédé qui permet de répéter le phénomène étudié autant de fois que l'on veut et d'en faire varier les paramètres.

c. Enfin elle établit des "lois", qui s'écrivent sous forme d'un rapport mathématique. ces lois permettent de prévoir et surtout d'agir sur le monde réel. 

d. On dit "la" science en général pour parler des différentes branches du domaine scientifique.

    - Les sciences "pures" sont les mathématiques. Elles ne s'occupent pas du réel mais sont indispensables dans toutes les autres sciences.

    - La physique étudie les lois de l'univers en général. Par exemple la gravitation.

    - L'astronomie, la cosmologie, l'astrophysique étudient les corps célestes. (Voir le cours sur la cosmologie.)

    - La chimie étudie la matière.

    - La biologie étudie le vivant. En ce moment, la génétique fait de prodigieux bonds en avant. 

Chacune de ces sciences se subdivise en un très grand nombre de sciences particulières.

Le seul "objet" qui ne soit pas un véritable objet de science, c'est l'être humain. Son histoire, ses différents comportements, sa conscience, son inconscient ne se laissent pas enfermer dans un langage mathématique ni dans des lois rigoureuses. Si l'homme est libre, son évolution est imprévisible. De plus, il n'est jamais possible de revenir en arrière pour changer le contexte de sa vie ou des événements historiques et vérifier quoi que ce soit. Au sens propre il n'y a donc  pas de sciences humaines. 

La technique :   (Voir le cours sur la Technique plus complet.)

La présence de la logique est surtout évidente dans le monde informatique.

L'informatique est devenue le deuxième cerveau de l'humanité. Elle gère et contrôle presque toutes ses activités.

C'est la technique qui donne à l'homme sa puissance. Nous avons vu qu'elle nous donnait des pouvoirs équivalents à ceux que nous attribuions aux dieux dans l'Antiquité.

La pensée logique est ce qui a permis à l'humanité un progrès gigantesque. Quelles sont les limites de la raison  ? La raison permet-elle de tout comprendre ? Existe-t-il de l'irrationnel ?

Les limites de la raison

Pascal affirmait  dans les Pensées :

                  "Deux excès : exclure la raison, n'admettre que la raison."

  Ceux qui excluent la raison, les anti-rationalistes :

- Nietzsche par exemple est un anti-rationaliste. Il affirme que le monde est un chaos de forces irrationnelles dominées par la vie et les pulsions. La raison est un petit architecte dérisoire et vide par rapport à ces forces. Elles ressemble à une araignée qui tisse sa toile. Le rationaliste (le philosophe ou le scientifique) se place au milieu de sa toile et croit illusoirement qu'il est au centre du monde. La raison ne peut pas expliquer le monde. Plutôt que la connaissance, Nietzsche pense qu'il faut chercher la beauté, et tendre à faire de sa vie "un chef d'œuvre".

Nietzsche n'avait aucun lien avec le nazisme. Son "surhomme" est un esthète, un anarchiste solitaire, très loin de la politique. Mais les Nazis, autres anti-rationalistes, en sortant certains textes nietzschéens de leur contexte, se le sont approprié.

- Le nazisme prône une idéologie du triomphe par la force d'une "race supérieure" qui réduira en esclavage le reste du monde…

- Les romantiques, les surréalistes méprisent la raison, au nom du sentiment ou de l'inconscient. Eux ne glorifient pas la force.

  Ceux qui n'admettent que la raison : les rationalistes.

Le monde entier est organisé selon des lois logiques. La raison est capable de tout comprendre. Un jour, la science expliquera tout.

La religion et la philosophie seront complètement inutiles.

Pythagore (le mathématicien), pense que "Les nombres gouvernent le monde".

Galilée (l'astronome) affirme : "Le monde est écrit en langage mathématique."

Descartes, Leibniz, Hegel, Marx, Comte sont des rationalistes.

Hegel (revoir le cours sur l'histoire) pense  que depuis les origines du monde, une force d'une puissance invincible traverse le monde en l'organisant, y compris l'histoire des hommes. Cette force est la Raison universelle ou l'esprit absolu. A la fin de l'histoire, non seulement les hommes comprendront la totalité du monde avec leur raison, mais le monde politique lui-même se sera organisé en un Etat rationnel, obéissant aux lois de l'Esprit Absolu !

Ceux qui admettent la raison mais affirment qu'il y a quelque chose au-dessus de la raison :   Les supra-rationalistes.

Pour Platon, Pascal, et Spinoza par exemple, la raison est utile, indispensable pour comprendre  une partie du monde, mais elle est insuffisante. Il existe au-dessus du monde sensible, une "région" inconnaissable par la raison.

Pour Platon il faut passer à un autre type d'intelligence, "l'intellection", connaissance intuitive directe des réalités surnaturelles.

Pour Pascal, l'esprit de "géométrie" (= logique), ne suffit pas pour comprendre le divin, il faut un relais, "l'esprit de finesse".

Enfin il existe une catégorie de penseurs qui ne savent pas : les agnostiques.

Les agnostiques affirment que la raison humaine ne peut pas savoir si elle sait. Il y a des domaines impossibles à explorer par la connaissance.

Par exemple Freud affirme que tout ce que nous croyons sur le divin est une projection de notre psychisme. Au-delà, on ne peut rien savoir.

 Jusqu'ici, nous n'avons considéré que le volet logique de la raison. Mais l'autre volet de la raison, (la raison morale), est resté comme infirme.

En effet, nous n'avons pas évolué moralement. Nous sommes restés des êtres capricieux et égoïstes. E.Morin affirmait (voir cours sur l'Anthropologie), que nous étions encore "en rodage". Nous faisons un "usage déraisonnable de la raison". Qu'est-ce que cela signifie ?
C'est l'une des questions posées au bac :

              "L'homme peut-il faire un usage déraisonnable de la raison ?"

La réponse est "oui", si l'on entend par raison, l'activité logique de la raison. En effet, le progrès de la science et de la technique sert le plus souvent à l'exploitation et à la destruction de l'être humain. Les hommes sont "hominisés", c'est-à-dire qu'ils possèdent les critères de l'hominisation, mais ils ne sont pas "humanisés". Ils ne font pas usage de leur raison pour distinguer le bien du mal. Ils ne se reconnaissent même pas entre eux comme des humains.

Ainsi, le progrès de la raison est-il déséquilibré. Tandis que la raison "logique" a fait de gigantesques progrès, la raison "morale" stagne et c'est sûrement ce qui met l'humanité en péril.

2. La raison morale

Mais comment développer et utiliser le volet moral de notre raison ?

C'est le philosophe Kant qui propose une analyse de l'aspect MORAL de la raison.

Kant appelle "raison pure" la raison dans son fonctionnement logique.

Il appelle "raison pratique" la raison dans son fonctionnement moral.

A. Critique de la logique

Dans un premier temps, Kant critique la raison pure.

Il ne pense pas que la raison nous aide à connaître le monde tel qu'il est à l'extérieur de nous. La raison est en nous, un peu comme un logiciel à l'intérieur d'un ordinateur. Elle "traite" et organise les informations en fonction de son ordre à elle. Par exemple si l'on regardait le monde extérieur avec des lunettes bleues sur les verres desquelles seraient dessinés de petits carrés, on verrait le monde bleu et tout quadrillé.

Kant appelle "entendement" le volet logique de la raison, et nomme "catégories" ses structures internes. (Voir le cours sur la Vérité, p. 11 et 12).

Ainsi l'ordre que nous découvrons dans le monde n'est pas celui du monde mais celui de notre entendement.

Donc quand nous croyons savoir quelque chose sur le monde, nous nous trompons.

Au XX° un post- kantien propose une métaphore très claire pour résumer les idées de Kant.

"Représentons-nous une surface blanche couverte de taches noires irrégulières. Et nous dirons : quelle que soit l'image qui en résulte, je puis toujours en donner la description approximative qu'il me plaira, en couvrant la surface d'un filet fin, adéquat, à mailles carrées, et dire de chaque carré qu'il est blanc ou noir. De cette manière, j'aurais donné une forme unifiée à la description de la surface. Cette forme est arbitraire, car j'aurais pu tout aussi bien me servir d'un filet à mailles triangulaires ou hexagonales et obtenir un résultat non moins satisfaisant. Il se peut que la description au moyen d'un filet à mailles triangulaires eût été plus simple, c'est-à-dire que nous pourrions décrire la surface à l'aide d'un filet plus grossier, à mailles triangulaires avec plus d'exactitude qu'à l'aide d'un filet plus fin à mailles carrées ou inversement…(…) A ces différents filets correspondent différents systèmes de la description de l'univers."                        Wittgenstein, Tractatus logico-philosophicus, 6. 34.

Donc pour Kant, la raison logique ne nous donne aucune vérité sur le monde.

A la question : "Que puis-je savoir ?", Kant répond :"rien".

En revanche, à la question : "Que dois-je faire", la raison pratique, (= morale) nous donne une réponse absolue et universelle. Laquelle ?

B.   La "raison pratique" ou raison morale

La "RAISON PRATIQUE" est une  instance universelle qui donne à l'homme une loi morale, sous la forme d'un "impératif catégorique". Elle permet à l'homme d'agir. Un être doué de cette raison pratique s'appelle une PERSONNE.

Explication : chaque être humain perçoit sa conscience comme un absolu, c'est-à-dire qu'il donne à sa propre personne une valeur de dignité méritant le respect, mais il est capable d'universaliser, c'est à dire de comprendre que tous les autres êtres humains sont pour eux-mêmes des absolus. Et de cette façon, il peut "élargir" ce respect à l'humanité tout entière. C'est là le fondement de la morale kantienne, et le respect de cette morale fait de nous des êtres libres.

La raison pratique (morale) nous donne des ordres clairs et indiscutables, il suffit d'écouter sa conscience morale, ces ordres sont appelés par Kant : "impératifs catégoriques".

Les trois impératifs catégoriques de la RAISON PRATIQUE sont les suivants :

1 "Agis de telle sorte que la maxime de ton action puisse être érigée par ta volonté en loi  universelle de la nature."

(= quand tu agis, donne au monde entier la permission de faire ce que tu fais. Par exemple tu veux tuer tel homme, imagine que tout le monde ait le droit de tuer tout le monde. La vie sociale est-elle encore possible dans ces conditions ? Non !

2  " Agis de telle sorte que tu traites l'humanité aussi bien dans ta personne que dans la  personne de tout autre, toujours comme une fin et jamais simplement comme un moyen".

(= tu n'as pas le droit d'instrumentaliser qui que ce soit, c'est-à-dire de t'en servir comme s'il était un objet, en en faisant un esclave. Tu n'as pas le droit de torturer quelqu'un pour obtenir des renseignements, même si cela te permettait de sauver mille autres personnes.)

3  " Agis de telle sorte que tu sois à la fois législateur et sujet dans le règne des fins."

(quand tu agis, il faut que la loi à laquelle tu obéis vienne de ta conscience. Si tu obéis aux ordres que te donne ta conscience, alors tu es libre.)

C'est le fait d'obéir à cette loi, que nous percevons en nous comme une exigence, une  OBLIGATION INTERIEURE, qui fait de nous des êtres "AUTONOMES" = LIBRES. Au  contraire, si nous obéissons, soit à des mobiles, soit à des motifs, soit à des lois qui nous sont  imposées de l'extérieur, (= à des "impératifs hypothétiques") qui s'expriment sous la forme : "Si  tu veux..., alors", nous  sommes dans ce cas  "HETERONOMES". Nous obéissons à un ordre étranger  à  nous-mêmes, donc nous ne sommes  pas libres. Kant estime que peut-être jamais aucun acte  n'a été entièrement autonome.

Etre libre c'est obéir à sa propre loi, celle-ci vient de notre conscience (Raison Pratique.)

Si tous les hommes respectaient leur raison pratique (= la loi morale inscrite au fond d'eux-mêmes), alors non seulement ils seraient libres, mais ils vivraient dans la justice et dans une paix universelle.

La Déclaration Universelle des Droits de l'Homme est très fortement influencée par la philosophie de Kant. Aujourd'hui, elle est loin d'être respectée. Elle est un idéal d'humanité.

Auto signifie soi-même, nomos = loi.    Autonome = obéir à une loi qui vient de nous-mêmes.

Hétéro = autre, différent.  Hétéronome = obéir à une loi qui vient d'un "autre", donc dont nous ne sommes pas l'auteur.

Conclusion

Aujourd'hui, l'humanité est confrontée à un double problème : l'irrationnel, et le déraisonnable.

L'irrationnel

Le développement de la science n'a pas réduit la part d'irrationnel de la société.

D'une part, les connaissances scientifiques sont devenues tellement spécialisées qu'elles ne sont plus accessibles à la majorité de la population. Du coup, nous sommes plongés dans l'ignorance de ce que savent les grands scientifiques.

D'autre part, ces connaissances donnent au savants un tel pouvoir, qu'il nous terrifie.

Dans la crainte et dans l'ignorance, les hommes sont réduits à revenir à des pratiques irrationnelles… (magie, sectes…).

Il est donc urgent "d'injecter" plus de conscience dans notre monde. Cette nécessaire augmentation de conscience dépend de la responsabilité de chacun de nous.

Le déraisonnable :

La folie, l'égoïsme, la violence.

Importance pour l'humanité d'acquérir de la sagesse si elle veut survivre.

L'irrationnel

REMARQUE : Attention à la multiplicité des sens du terme "irrationnel"

L'irrationnel c'est l'ensemble des valeurs ou des comportements qui sont à l'extérieur de la raison logique. A l'extérieur, ce peut être au-dessus, loin, à coté, contre, en dessous…

Le Supra-rationnel : au-dessus de la raison : l'irrationnel, est le domaine du divin,  du sacré, ou celui de l'art.

l'A-rationnel : loin de la raison : le domaine de l'inconscient, dont Freud a montré qu'il n'obéissait pas aux lois de la logique. Il est alogique. Le rêve, les désirs, l'amour.

Le Para-rationnel ou antirationnel : à côté ou conte la raison : le domaine de la folie. Les passion, la violence, la magie…
Infra-rationnel : en dessous de la raison : les illusions, les superstitions, les préjugés, l'ignorance.

 

D.Desbornes. 2009.