La Logique
Notions d'épistémologie
1. Les différents types de savoirs non scientifiques
2. La raison logique
L'épistémologie est la réflexion sur la science.
Le terme de science qui vient du latin scio (je sais) a plusieurs acceptions :
Sens ancien = n'importe quel type de savoir, de connaissance.
Sens moderne = un domaine particulier de la connaissance qui obéit à des exigences précises :
SCIENCE
1. Utilisation d'un code logique et mathématique. Ce code est un langage rationnel produit par la raison logique. Il obéit à des lois universelles. Il permet de quantifier le réel = de l'exprimer avec des nombres. (Voir plus loin).
2. Ce savoir scientifique est à la fois "vérifiable" et "falsifiable". C'est-à-dire qu'il peut être soumis à des expérimentations dont on peut varier les paramètres et qui permettent de prouver la "vérité" ou la fausseté d'une théorie. Une théorie ne peut jamais être déclarée "vraie" au sens absolu, mais "vraisemblable". Karl Popper parle de "vérisimilitude". La science ne serait pas "La" vérité, elle ne prétend pas à une certitude totale, mais elle vise une "approximation de la vérité" par une "élimination indéfinie de l'erreur", K.Popper.
Les savoirs qui ne sont pas falsifiables (ou qui s'auto-immunisent contre la réfutabilité), ni vérifiables, comme le marxisme, l'histoire, la psychanalyse, ne peuvent pas, comme ils le désirent, recevoir le label de "scientifique".
Est-ce à dire que tout ce qui n'est pas scientifique soit faux ?
Que penser de ce discours régalien (= royal) de la science ?
3. Le savoir scientifique aboutit à la formulation de lois ou théories. Une loi est un rapport nécessaire entre des phénomènes, et s'exprime à l'aide d'une formule mathématique.
La loi rend possible la prévision. Elle se fonde sur le principe du déterminisme : "Tout phénomène a une cause, les mêmes causes produisent invariablement les mêmes effets".
La science est un produit tardif de la civilisation, elle a toute une histoire.
"La tâche de la science […] est de poursuivre une adaptation de plus en plus précise de notre esprit à la réalité, de construire une représentation de plus en plus adéquate du monde qui nous entoure […] pour le comprendre d'abord, puis passer de la compréhension à la prévision, et ensuite à l'action. P.Langevin.
Bien retenir cette triple finalité de la science :
1. Comprendre le monde. 2. Prévoir les phénomènes. 3. Agir sur le monde.
L'édification de la science implique :
1. l'émergence de structures rationnelles comme la logique et les mathématiques produites par l'activité de la RAISON.
2. Une cassure ou "rupture" par rapport aux autres types de connaissance, une attitude de doute et de critique, que Bachelard appelle "rupture épistémologique" (voir ch.5).
1. Les différents types de savoirs non scientifiques |
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1. La proto-connaissance
Les tropismes
De nombreuses informations sont directement captées par l'organisme vivant, le corps, les sens en fonction d'un programme biologique, sans même passer par la conscience. Les fleurs par exemple "savent" immédiatement si un pollen est de leur espèce ou non. Les tortues d'Amérique du sud, sitôt nées, sont immédiatement informées de la direction où se trouve la mer. Les plantes ou les animaux sont équipés de tropismes, phototropisme, hydrotropisme, etc..
La perception
Nos cinq sens nous informent en permanence sur le monde.
La perception est le fait de saisir le réel avec les sens et l'image-synthèse qui en résulte.
La perception passe d'abord par le corps, nous savons aujourd'hui que le cerveau est un intermédiaire absolu entre nous et le monde extérieur, et qu'il traduit les informations qu'il reçoit du monde en les interprétant à sa façon, en fonction de ce qu'il est. (Revoir l'expérience décrite p11, dans le cours sur la vérité, qui nous montre que le même stimulus, un léger courant électrique, connecté à des récepteurs sensoriels différents, produit des perceptions différentes).
Les différents récepteurs sensoriels du cerveau ne déforment-ils pas les informations qui lui viennent du réel ? Et si oui de quelle manière. Quels sont les types de distorsions ? Comment distinguer les informations qui viennent de l'extérieur de celles qui viennent de l'intérieur ?
Mais cette traduction par le corps est elle-même immédiatement reprise et interprétée par l'ensemble de nos facultés psychiques. Celles-ci dépendent de la société et de l'époque dans lesquelles nous vivons, de notre éducation, de notre langage, de notre conscience, de notre inconscient, en bref de toute notre subjectivité.
Nous avions vu dans le cours sur le langage que la langue fonctionnait comme un filtre entre le monde et nous. Nous percevons le réel en fonctions des signifiés que nous avons à notre disposition, c'est-à-dire ce que nous savons nommer.
L'intensité du flux de conscience nous dit Husserl ajoute une autre dimension à l'objet perçu, en le transformant en "noème".
L'inconscient vient modifier notre perception à sa façon. En effet à cause de la "projection", nous superposons à l'objet perçu des objets fantasmatiques qui peuvent soit enrichir, soit tronquer notre perception. La "cécité psychique" peut nous masquer à notre insu des objets existants. Cf Freud qui ne perçoit réellement pas la pancarte du train de Londres, sur le quai de la gare à Rotterdam.
L'expérience du congrès de Göttingen, relatée dans le cours sur l'histoire, qui porte sur la subjectivité des témoignages, nous ramène à celle des perceptions. Aucun des participants n'a perçu la scène de la même manière. Nous voyons le monde le plus souvent à la ressemblance de ce que nous sommes.
A travers les "yeux" de Wang-Fo, nous avions compris combien la perception de l'artiste s'éloignait des perceptions des non artistes en général. Le génie vient s'ajouter à la saisie du réel et la transmuter.
Les psychologues ont inventé un test très intéressant sur ce thème : le test de ROSCHACH. Ce test consiste en une dizaine de taches d'encre informes. Certaines sont colorées, d'autres pas. Le sujet est invité à dire ce qu'il voit, ce qu'il perçoit. Chacun "voit" une infinité d'objets divers. Ce test est fondé sur le principe selon lequel les schèmes qui nous font saisir le réel sont en partie créés par nous.
C'est pourquoi les philosophes en général se méfient de la perception du réel par les sens.
Platon, dans l'Allégorie de la caverne, nomme "illusion" et "ignorance" cette saisie sensible (= par les cinq sens) du monde. Il lui oppose la compréhension par l'esprit.
Descartes, lui aussi, propose dans la Méditation 1 de ne pas faire confiance à nos sens puisqu'ils nous "trompent quelquefois". C'est par l'exercice critique de la Raison que l'on est en mesure d'accéder à une véritable connaissance.
Kant, propose une critique radicale de la perception sensible, qu'il nomme "sensibilité". Ce qu'elle nous donne à voir, ce n'est pas le réel en soi, le NOUMENE, mais sa traduction à travers les schèmes de l'espace et du temps, que Kant appelle PHENOMENE. Le réel en soi nous est absolument inaccessible.
2. La connaissance empirique ou l'opinion.
C'est le genre d'information qui se traduit par le langage de tout le monde. On l'appelle aussi :
connaissance vulgaire (ici vulgaire vient du latin vulgus qui signifie le peuple), ou sens commun, ou connaissance spontanée.
L'opinion
Ce type de connaissance s'exprime à travers les opinions, (= doxa en grec).
Les opinions sont la traduction en langage pensé, parlé ou écrit, dans le code linguistique commun, des impressions vécues, des perceptions sensorielles, des croyances, des préjugés séculaires. Elles sont des affirmations ou des jugements. Ces opinions sont fondées sur des évidences qui peuvent être trompeuses : par exemple, "tout le monde voit bien que le soleil tourne autour de la terre". Ce que l'on voit c'est un déplacement du soleil de bas en haut, qui peut tout aussi bien s'interpréter comme un mouvement de l'observateur de haut en bas. L'être humain a une perception anthropomorphique du monde. "La nature a horreur du vide", "Le fer attire la limaille comme le mâle attire la femelle", La flamme danse"….
"Il ne faut pas voir la réalité telle que je suis" Eluard.
Cette "connaissance" est réaliste, animiste, poétique, elle n'est pas une véritable connaissance.
Platon se méfie de "philodoxes" (ceux qui aiment se fier aux opinions) et Descartes refuse toute connaissance par ouïe dire c'est-à-dire qui vient de l'opinion.
Bachelard, épistémologue, affirme que la perception naïve et les opinions qui en découlent sont une "anti-connaissance", un "obstacle épistémologique", c'est-à-dire un frein pour la connaissance scientifique. C'est en renonçant à l'évidence de la perception et à l'opinion commune et en s'élevant à l'abstraction pure que le savant peut comprendre le réel.
3. La connaissance réflexive : "pré-scientifique" ou "para-scientifique"
C'est l'ensemble des théorisations sur le monde. Les informations sont traduites en symboles ou en concepts, (= idées), "traitées" par l'intelligence, organisées sous forme de systèmes logique de pensée, expliquant en partie ou totalement le monde.
L'intelligence est une faculté qui identifie, relie, combine, organise des éléments en un tout cohérent. Mais la cohérence n'est pas nécessairement logique.
Les épistémologues rangent dans ce type de connaissance : l'alchimie, l'astrologie, aussi bien que les philosophies, les idéologies politiques, la psychanalyse ….
La logique
La logique est un produit de la RAISON.
Définition :
La raison (en latin : ratio) est une faculté humaine universelle à deux "facettes" :
- Logique ou rationnelle : qui permet de juger du VRAI et du faux, donc de penser avec cohérence. Il se trouve que lorsque l'on pense en respectant les lois de la logique, on crée la philosophie, mais surtout la science et la technique. C'est cette facette qui nous intéresse ici.
- Morale ou raisonnable : qui permet de juger du BIEN et du mal, donc d'agir bien. Si l'humanité respectait les lois de sa conscience, elle pourrait vivre en paix, dans la justice !
Elle apparaît donc comme un guide qui permet à l'être humain de se distinguer des animaux et de progresser sur tous les plans. Mais l'homme a la liberté de ne pas la suivre, et même celle de la transgresser.
L'usage de la raison est tardif. Les hommes ont commencé à percevoir le monde avec leurs sens leurs émotions et leur imagination. Nous l'avons vu à travers l'étude de plusieurs mythes.
Ce sont les philosophes grecs, dans l'Antiquité, qui ont commencé à chercher à quelles conditions une pensée, un discours ou un raisonnement étaient valables, c'est-à-dire justes.
Aristote est le premier qui ait mis en évidence les lois de la pensée logique.
A. La logique d'Aristote :
La logique est l'ensemble des règles à respecter pour qu'un discours soit "vrai".
1. Les quatre principes de la logique :
a.. Le principe d'identité : (A est identique à A). Une pomme est une pomme.
b. Le principe de non-contradiction : (A n'est pas non A). Une pomme n'est pas un cheval.
c. Le principe du tiers-exclus : (A ou non A, pas de troisième solution possible). C'est une pomme ou pas une pomme !
d. Le principe de causalité : tout fait a une cause, et les mêmes causes produisent les mêmes effets. (Ce principe a été ajouté plus tard, on l'appelle aussi : principe du déterminisme).
2. La fabrication du raisonnement
a. Définir les concepts
Le concept est la plus petite unité de la pensée. C'est une réalité "mentale". Il est construit à l'aide caractères, des notions abstraites extraites des représentations communes. C'est une représentation "épurée" des choses, qui définit l'essence de la chose. Par exemple le concept de "stylo" cerne les caractéristiques par lesquelles le stylo se distingue de tous les autres objets qui ne sont pas lui. Si on définissait le stylo en affirmant que c'est un objet qui sert à écrire, on ne dirait pas quelque chose de faux, mais on ne cernerait pas la spécificité du stylo. En effet l'on peut écrire avec un bâton sur le sable, son doigt sur une vitre embuée, un pinceau, une craie etc. Mais si l'on cerne le concept du stylo en le définissant comme : "un cylindre, muni d'un réservoir à encre, se terminant par une plume en métal", on en donne l'essence. Avec cette définition il est impossible de le confondre avec autre chose.
On appelle "compréhension" d'un concept l'ensemble des autres concepts ou notions, nécessaires à sa définition.
On appelle "extension" d'un concept l'ensemble des êtres ou objets désignés par ce concept.
Aristote dit que l'extension d'un concept varie en fonction inverse de sa compréhension. Cela signifie que plus on ajoute de détails à la définition d'un objet, moins il y a d'objets qui correspondent à cette définition dans le réel. Par exemple au lycée, il y a bien peu de stylos qui correspondraient à la définition suivante : cylindre en ivoire, plume en or, encre verte…
Une notion est un terme, un mot, une représentation mentale dont la signification est vague. Elle demande à être "travaillée", éclaircie, définie par la pensée. C'est en général ce que l'on vous demande de faire au début d'un devoir de philosophie.
Un concept est donc un terme clairement défini et que l'on peut distinguer, séparer de tous ceux qui lui ressemblent, parce qu'on on en dégage l'essence ou la spécificité.
Une idée est un concept dont le référent (= ce qu'il représente) est abstrait c'est-à-dire non sensible, non visible. Par exemple "liberté, justice, bien etc., sont des idées.
b. Construire des propositions
Une proposition est la mise en relation d'un concept avec un autre concept, à l'aide d'un outil de liaison (qui ressemble à un verbe, "être" ou "avoir", mais n'en a pas la valeur), qu'on appelle une "copule". Par ce moyen on attribue une qualité ou une valeur à un concept. On appelle "prédicat" le deuxième concept.
Il existe dix modes de liaison possibles entre les concepts, selon Aristote.
1. Le genre : exemple Socrate est un homme.
2. La quantité : Il y a 10.000 soldats.
3. La qualité : La pomme est mûre.
4. La relation : Jean est le fils de Pierre.
5. Le lieu : La guerre du Péloponnèse.
6. Le temps : Pierre a 20 ans.
7. L'attitude : Pierre est assis.
8. La possession : Le livre de Paul.
9. L'action : Paul marche.
10. La passion : La pomme est mangée.
La proposition n'indique pas l'essence du concept, mais sa manière d'être.
c. Construire un raisonnement
Le raisonnement, selon Aristote, prend d'abord la forme d'un syllogisme = un enchaînement minimum de trois propositions. Il comprend :
- la proposition majeure : exemple : tout homme est mortel.
- la proposition mineure : or Socrate est un homme.
- la conclusion : donc Socrate est mortel.
A partir d'Aristote, et pendant tout le Moyen Âge, dans les monastères, les moines philosophes étudient les différents types de syllogismes. Cette étude est une partie de la "scolastique". (C'est ce que le professeur de philosophie fait étudier au "bourgeois gentilhomme" de Molière).
Il s'agit de savoir quels sont les types possibles de syllogismes, combien il y a de combinaisons possibles, lesquelles sont valables. Il y aurait 256 modes de syllogismes, mais seulement 19 sont reconnus valables…On appelle :
"A". Une proposition universelle : tous les hommes sont mortels.
"E". Une proposition universelle négative : nul homme n'est tout puissant.
"I". Une proposition particulière affirmative : certains hommes sont sages.
"O". Une proposition particulière négative : certains hommes ne vivent pas longtemps.
Ainsi il est facile de repérer le mode du syllogisme par des expressions codées : syllogismes en "Darii, ferio, cesare, baroco, datisi…".
Certains raisonnements sont déductifs : ils vont du particulier au général.
D'autre sont inductifs : ils vont du général au particulier.
Mais un syllogisme peut être bien construit et cependant être faux. Par exemple, "tout ce qui est rare est cher. Or un cheval bon marché est rare. Donc un cheval bon marché est cher !"
Il faut donc superviser le résultat du raisonnement. C'est le rôle du jugement.
d. Conclure par un jugement
Le jugement est un acte de l'esprit qui décide si la conclusion du syllogisme est vraie ou fausse. C'est une activité "judicatoire" = qui prend une décision et affirme : "oui c'est vrai, ou, non c'est faux.
Par cet acte, l'esprit dépasse le contenu des propositions, prend un recul pour leur donner une VALEUR, en obéissant à ses propres lois.
C'est là, le début de l'activité de la raison.
(Aujourd'hui, en informatique, tous les logiciels sont fabriqués à partir de règles qui respectent rigoureusement la logique !)
En utilisant cette manière de réfléchir et en l'appliquant au nombre, on crée les mathématiques, puis la science. AU XVI° grâce à ses calculs mathématiques et à ses raisonnements logiques, Copernic découvre l'héliocentrisme, (= le soleil au centre du système solaire). Cette découverte est en contradiction avec les écrits de la Bible, qui affirment dans la Genèse que Dieu a placé la terre au centre du monde et fait tourner le soleil autour d'elle, (= géocentrisme). Au XVII°, Galilée, qui publie la découverte de Copernic, est condamné par l'Eglise à être brûlé vif s'il ne se rétracte pas ! La science est en péril. Descartes, tente d'être l'ambassadeur de la valeur de la raison auprès des autorités religieuses. Comment peut-il s'y prendre pour sauver la raison donc la science ?
B. La logique de Descartes
Le cartésianisme = la philosophie rationaliste de Descartes, XVII°.
Le projet de Descartes est de réconcilier la science et la religion.
Il prouve que la raison est nécessairement bonne puisqu'elle nous vient de Dieu. Elle est un outil parfait pour comprendre le monde et Dieu.
Quel est le détail de son raisonnement ?
1. Le monde a été créé par Dieu selon un ordre parfait. Cet ordre que l'on trouve dans le cosmos est le reflet de la perfection divine et la preuve de son existence.
2. L'homme a été créé à l'image de Dieu. Le reflet de l'ordre divin en nous, c'est notre Raison.
3. Donc la raison humaine est un outil divin, d'origine divine, qui a été donné à l'homme pour comprendre l'ordre du monde (dans la science), mais aussi pour pouvoir démontrer l'existence de Dieu (à partir d'une idée de perfection en l'homme).
4. Tous les hommes sont dotés de raison par Dieu. "Le bon sens est la chose du monde la mieux partagée." Descartes. Mais, de nombreux obstacles viennent entraver son bon fonctionnement. La raison est plus ou moins "endormie" chez les enfants (avant l'âge de raison). Elle est étouffée par la passion chez les jeunes. Elle est obscurcie par l'imagination chez les femmes, et par "les noires vapeurs de la bile" chez les "insensés" (= les fous). Enfin elle est affaiblie chez les gens âgés.
Il résulte de ces constatations qu'il est indispensable d'apprendre à se servir correctement de cet outil divin et prodigieux. Descartes propose une "méthode" pour diriger sa raison.
5. La méthode pour se servir correctement de sa raison
a. Savoir douter
D'abord, il faut apprendre à distinguer ce qui est certain et ce qui ne l'est pas. Ce qui va permettre ce clivage, c'est le doute. Mais pas n'importe quel doute, seul un doute raisonnable permet d'aiguiser son esprit critique. La première Méditation Métaphysique nous conduit dans ce doute à plusieurs étapes. Remise en question :
1. Des opinions reçues.
2. Des données de nos sens, = de nos perceptions sensibles. Nos sens nous trompent de temps en temps.
3. De la perception de notre corps. Notre corps est peut-être l'objet d'une hallucination ? Ou bien le produit d'un rêve ?
4. Des sciences comme la physique ou l'astronomie. Elle ne reflètent peut-être que la structure de produits de notre imagination.
5. Des mathématiques. La certitude qu'elles nous inspirent nous vient peut-être d'un "Dieu trompeur" ? Et si cette hypothèse ne peut être conservée (elle est dangereuse dans le contexte politique), pourquoi n'y aurait-il pas un "malin génie" qui nous tromperait à chaque fois que nous croyons être dans la certitude ?
6. Je n'existe moi-même peut-être pas ? Stop ! Ici le doute trouve sa propre limite.
Au moment où je me demande si j'existe (= je pense), je sais que je suis bien obligé d'exister (j'existe), pour pouvoir me poser cette question. Si je n'existais pas, je ne pourrais pas me la poser !
"Je pense donc je suis", (en latin, cogito ergo sum.) est la première certitude ou vérité à laquelle me conduit mon doute.
A partir de cette vérité, et en utilisant exclusivement sa raison, Descartes reconstruit un édifice de "vérités". J'ai en moi une idée de parfait. Je ne peux pas en être la cause puisque je suis imparfait. Donc la cause de cette idée est à l'extérieur de moi : Dieu. Si Dieu est parfait, alors il ne peut pas me tromper, ou du moins il m'a donné le moyen de ne pas me tromper.
B. Suivre un cheminement rigoureux
- Me fier à la clarté et à la distinction de mes pensées.
- Partir des éléments les plus simples pour aller par degré vers les plus complexes. Suivre une démarche analytique.
Le cartésianisme ouvre l'ère de la science.
Il suppose que l'esprit qui connaît le monde est distinct du monde et qu'il peut le connaître objectivement. Descartes affirme, avec raison, que la connaissance scientifique du monde nous en rendra "maîtres et possesseurs".
C'est le début du modernisme. A partir de là, la science a pu se développer parallèlement à la religion.
Mais en même temps, le cartésianisme inaugure une ère de terrorisme rationaliste. Il convient selon Descartes, de "détruire" tout ce qui n'est pas du domaine de la raison. Or il est dangereux d'avoir une conception absolutiste de la raison !
La pensée logique est ce qui a permis à l'humanité un progrès gigantesque.
Quelles sont les limites de la raison ?
La raison logique permet-elle de tout comprendre ?
C. Les limites de la raison logique :
Kant appelle "raison pure" la raison dans son fonctionnement logique.
Il appelle "raison pratique" la raison dans son fonctionnement moral.
Critique de la logique
Dans un premier temps, Kant critique la raison pure. Il renverse le point de vue traditionnel sur la connaissance. Il dit qu'il a opéré sa "révolution copernicienne".
Il ne pense pas que la raison nous aide à connaître le monde tel qu'il est à l'extérieur de nous. La raison est en nous, un peu comme un logiciel à l'intérieur d'un ordinateur. Elle "traite" et organise les informations en fonction de son ordre à elle. Par exemple si l'on regardait le monde extérieur avec des lunettes bleues sur les verres desquelles seraient dessinés de petits carrés, on verrait le monde bleu et tout quadrillé.
Kant appelle "entendement" le volet logique de la raison, et nomme "catégories" ses structures internes. Les catégories de l'entendement sont :
1. La quantité, qui comprend : unité, pluralité, totalité.
2. La qualité, qui comprend : réalité, négation, limitation.
3. La relation : substance/accident, causalité, réciprocité.
4. La modalité : possibilité, existence (jugt.assertorique), nécessité (jugement apodictique).
Ainsi l'ordre que nous découvrons dans le monde n'est pas celui du monde mais celui de notre entendement.
La "raison pure", constituée de trois "idées" : le moi, le monde et Dieu, tente d'opérer la synthèse de toutes les notions en donnant un sens au monde. Elle fabrique la métaphysique.
Il est clair qu'en passant du produit de la sensibilité, le phénomène, à celui de l'entendement, la science, pour atteindre celui de la raison pure, la métaphysique, l'esprit s'est éloigné au maximum de la réalité en soi, donc de la vérité.
Kant affirme que la connaissance rationnelle n'a aucune valeur.
D. La logique moderne
La logique formelle
La logique formelle est un pur jeu de structures vides.
Boole (1815-1864) propose l'invention de purs jeux combinatoires : l'algèbre de Boole.
Il existe de nombreuses axiomatiques, ou systèmes hypothético-déductifs. Ce sont des constructions purement logiques, qui n'obéissent qu'aux lois de la raison logique. Elles partent de propositions arbitraires et indémontrables : les axiomes, à partir desquelles sont tissées des structures abstraites. Elles ne font aucune référence au monde réel.
Les axiomatiques ou systèmes hypothético-déductifs doivent obéir à trois critères :
Consistance : un système est consistant à condition qu'on ne puisse jamais y démontrer à la fois l'une de ses formule et son contraire. (= non contradictoire).
Complétude : un système est complet si, se trouvant en présence d'une formule, et de cette même formule précédée du signe de la négation, on puisse toujours démontrer l'une des deux.
Décidabilité : Un système est décidable si dans la même situation que précédemment on puiss toujours décider si l'une des formules est démontrable. (cf. Blanché, Introduction à la logique contemporaine, p28)
Dans une axiomatique, la cohérence logique est absolue, mais on perd le réel.
L'irrationnel c'est l'ensemble des valeurs ou des comportements qui contredisent les lois de la logique ou qui se situent à l'extérieur de la raison logique. A l'extérieur, ce peut être au-dessus, loin, à coté, contre, en dessous…
Le supra-rationnel : au-dessus de la raison : l'irrationnel, est le domaine du divin, du sacré, ou celui de l'art.
l'a-rationnel : loin de la raison : le domaine de l'inconscient, dont Freud a montré qu'il n'obéissait pas aux lois de la logique. Il est alogique. Le rêve, les désirs, l'amour.
Le para-rationnel ou antirationnel : à côté ou contre la raison : le domaine de la folie. Les passion, la violence, la magie…
L'infra-rationnel : en dessous de la raison : les illusions, les superstitions, les préjugés, l'ignorance.
Nous analyserons l'irrationnel avec plus de précision à la fin du cours.
Que pensez-vous de cette taxinomie chinoise (= classification des animaux), citée par Foucault dans Les mots et les choses.
"Les animaux se divisent en :
a. Appartenant à l'Empereur. b. Embaumés. c. Apprivoisés. d. cochons de lait.
e. Sirènes. f. Fabuleux. g. Chiens en liberté. h. Inclus dans la présente classification. i. Qui s'agitent comme des fous. j. Innombrables. k. Dessinés avec un pinceau très fin en poil de chameau. l. Etc. m. Qui viennent de casser la cruche.
m. Qui de loin semblent des mouches."
Foucault souligne notre ahurissement en face de ce texte à la limite du pensable. Mais si cette classification est totalement illogique, est-elle cependant absolument incohérente ?
Si l'on traite logiquement, non plus des propositions ou des formes vides, mais des quantités (nombres), des figures spatiales (géométrie) alors on entre dans le domaine des mathématiques.
D.Desbornes. 2009